La prise d’acte est née de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 25 juin 2003, n° 01-42.335) puis a été insérée dans le code du travail par une loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014, relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié et codifié à l’article L.1451-1 du code du travail.
Définition de la prise d’acte
La prise d’acte peut être définie comme la volonté, pour un salarié, de rompre immédiatement son contrat de travail pour des faits suffisamment graves qu’il reproche à son employeur. Le salarié demande ensuite devant le conseil de prud’hommes la requalification de cette prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si les griefs reprochés à l'employeur sont fondés, il y aura requalification. En revanche, si les griefs ne sont pas suffisamment fondés, la prise d'acte produira les effets d’une démission.
La prise d’acte figure à l’article L.1451-1 du Code du travail : “Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine”.
La prise d’acte concerne tous les salariés, en CDD ou en CDI. En revanche, la prise d’acte ne peut être invoquée pendant la période d’essai où la relation contractuelle peut prendre fin simplement à l’initiative de l’employeur ou du salarié (Cass. Soc. 7 févr. 2012, n° 10-27525).
Exemples de cas où la prise d’acte est justifiée
Pour être considérée comme légitime, la prise d’acte suppose la commission d’actes suffisamment graves par l’employeur. Le code du travail, dans son article L1451-1, ne définit pas la gravité.
Pour avoir un aperçu des fautes graves pouvant être légitimement reprochées à l'employeur, et pouvant justifier une prise d’acte régulière de la rupture du contrat de travail, il faut se tourner vers la jurisprudence.
La jurisprudence a considéré que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est justifiée dans les cas suivants :
- Le non-respect du droit au repos hebdomadaire (Cass. Soc., du 7 octobre 2003, n°01-44635). Le non-respect du droit au repos réglementaire a donné lieu à une condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts et a justifié la prise d’acte.
- Le fait de ne pas payer les heures supplémentaires à un salarié alors qu’elles lui sont dues (Cass. Soc., du 1er décembre 2004, n°02-46231). Dans cette affaire, le salarié un cuisinier a obtenu non seulement le paiement des heures supplémentaires mais aussi la reconnaissance de la prise d’acte. Le salarié a quitté l’entreprise le 4 novembre pour occuper un nouvel emploi le 13 novembre.
Le non-paiement d’heures supplémentaires régulièrement effectuées (Cass. Soc., 16 mars 2011, n° 08-42.218). Dans cette affaire, malgré la production d’un planning hebdomadaire ainsi qu’une feuille de temps, l’employeur refusait de payer les heures supplémentaires, préférant verser une prime mensuelle.
Une modification unilatérale de la rémunération du salarié Cass. Soc., 18 janvier 2012, n° 10-23.332). L’employeur avait modifié les conditions de rémunération du salarié en remplaçant le paiement des heures supplémentaires par des repos compensateurs de remplacement, diminuant le salaire de base du salarié et sans avoir obtenu accord de ce dernier.
Des violences physiques ou morales exercées par un salarié sur un autre salarié (Cass. Soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.133). L’employeur commet une faute grave car il manque à son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés.
Un harcèlement moral du supérieur hiérarchique direct (Cass. Soc., 12 juin 2014, n° 13-13.951). Les attestations produites par le salarié établissaient par leur concordance et leur cohérence l’existence de faits matériels laissant présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral, à savoir des propos blessants et humiliants proférés de manière répétée à l'encontre du salarié émanant d'un supérieur hiérarchique.
En revanche, ne constituent pas une faute suffisamment grave légitimant une prise d’acte :
- Le non-paiement réitéré par l’employeur d'un élément de la rémunération contractuelle puis régularisé avant la prise d’acte (Cass. Soc., 21 avril 2017, n° 15-19.353).
- Un retard dans le versement des salaires lorsque ce dernier s’explique par le retard dans le versement à l’employeur de subventions (Cass. Soc., 26 septembre 2012, n° 10-28.242).
Notifier la prise d’acte à l’employeur
Aucun formalisme n’est imposé pour cette prise d’acte, mais il est plus que fortement conseillé de prévenir l’employeur par courrier adressé en lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) pour une question de preuves.
Le salarié quitte l’entreprise. En effet, la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Le salarié n'est pas tenu d’effectuer un préavis dans la mesure où la lettre dans laquelle le salarié notifie la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts de celui-ci, a pour effet d’entraîner la cessation immédiate du contrat (Cass. Soc. 31 octobre 2006, n° 04-46280).
La prise d’acte est une cessation immédiate du contrat de travail. L’employeur doit alors remettre au salarié : un certificat de travail, l’attestation Pôle emploi et le solde de tout compte.
Saisir le conseil des prud’hommes
Le salarié doit saisir le conseil de prud'hommes territorialement compétent, dans le ressort duquel est situé l'établissement où il a travaillé. Il dispose d’un an maximum pour le faire, à compter de la notification de la rupture (Art. L.1471-1, alinéa 2).
Le conseil de prud'hommes est dispensé de statuer en bureau de conciliation. L'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui a un mois pour statuer à partir de la date de sa saisine. (Art. L.1451-1).
Le statut du salarié en attendant le jugement
Le salarié ne peut pas bénéficier d'indemnités chômage dès la fin du contrat de travail. Les indemnités seront versées au salarié à l’issue de la procédure judiciaire, si le juge décide que la prise d’acte est justifiée.
En revanche, le salarié peut retravailler immédiatement après la prise d’acte (Cass. Soc., du 1er décembre 2004, n° 02-46231). Dans cette affaire, le salarié avait quitté l’entreprise le 4 novembre pour occuper un nouvel emploi le 13 novembre. L’employeur avait essayé de justifier que le départ du salarié était motivé par son nouvel emploi et non par les fautes que le salarié lui reprochait. La Cour a retenu la prise d’acte en raison de la gravité des faits reprochés, le non-paiement des heures supplémentaires. La légitimité d’une prise d’acte ne s’apprécie qu’au regard des faits évoqués par le salarié et non au regard de l’emploi trouvé postérieurement.
Position réaffirmée par la Cour de cassation dans une affaire plus récente Cass. Soc., 21 novembre 2012, n° 10-17.978).
Elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Cette prise d’acte n’est pas automatique. Si les faits invoqués justifient la prise d’acte, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, l’employeur est condamné à verser au salarié les indemnités de licenciement, de congés payés et de préavis, ainsi que les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle est assimilée à une démission si elle n’est pas justifiée
En revanche, si la prise d’acte n'est pas justifiée, elle produit les effets d’une démission. Dans ce cas, le salarié peut être amené à verser à l'employeur : des dommages et intérêts si la rupture est considérée comme abusive et une indemnité compensatrice de préavis pour le préavis non effectué.
Publié par Pascale CARBILLET