Chiffre d’affaires non déclaré : ‘les 50 nuisances de gris’

Suite à l’arrivée des caisses nouvelle génération et à la généralisation du paiement - même pour des petits montants - en carte bancaire, ce que l’on a longtemps appelé le ‘black’ tend plutôt aujourd’hui vers le gris, qu’il soit clair ou foncé. Cette pratique comporte pourtant de nombreux dangers, tant fiscaux que pénaux.

Publié le 16 novembre 2021 à 17:36

Le sujet du chiffre d’affaires dissimulé est rarement traité car difficilement abordable, voire tabou, même si cette pratique est encore répandue. Cette pratique que l’on nomme le black s’apparente davantage à du gris, car les paiements se font aujourd’hui beaucoup plus rarement en espèces. Dans tous les cas, ce gris présente toujours des dangers. Non pas dans les nuances de gris, mais dans ses nuisances. Chaque exploitant qui décide de cacher une partie de son chiffre d’affaires le fait de son gré, en étant parfois parfaitement conscient des risques, mais pas toujours.

L’idée n’est pas de juger qui que ce soit, ni de se prononcer sur le bien-fondé ou le mal fondé de la pratique, ni de donner des astuces sur la façon de procéder. L’objectif est d’avertir les professionnels sur les conséquences qui peuvent découler de cette pratique qui demeure illégale.

  • Des services fiscaux parfaitement armés

Il va de soi que tout chiffre d’affaires encaissé mais non comptabilisé aura mécaniquement et inévitablement un effet sur le résultat final de l’exploitation, qui sera proportionnellement réduit.

Malgré les maintes ruses, méthodes et procédures de dissimulation imaginées pour cacher le gris, il refera tôt ou tard surface, souvent au moment où l’on s’y attendra le moins. Les services fiscaux sont parfaitement armés pour traquer et pour débusquer le ND (non-déclaré) et ils ne lésinent pas lors des contrôles pour rétablir la légalité.

À titre d’exemple, un restaurateur de l’Est de la France a subi un contrôle fiscal il y a dix ans qui lui a coûté la bagatelle d’un peu plus d’un million d’euros : 580 000 € de redressement et 464 000 € de pénalités (80 %). Ce montant n’est toujours qu’à moitié réglé, après maints recours qui sont désormais épuisés. Ce restaurateur fait l’objet de saisies automatiques dès que de l’argent est déposé sur son compte. Son quotidien est devenu dantesque car il jongle en permanence pour régler ses fournisseurs.

  • Des conséquences à plus long terme

Mais en dehors de ces dangers évidents lorsque la fraude est découverte, d’autres conséquences peuvent en découler.

En effet, le résultat opérationnel est mécaniquement endigué lorsque des recettes ne sont pas déclarées. Cela donne ainsi une vision erronée pour l’expert-comptable et le banquier qui constateront une éventuelle diminution des marges, une augmentation du pourcentage de la masse salariale, un excédent brut d’exploitation en berne, une fragilité inévitable dans la capacité d’autofinancement (la CAF). Cette fragilité bloquera ensuite l’obtention de prêts pour des travaux d’amélioration, ce qui constitue un premier problème stratégique.

Les résultats ‘diminués’ auront un deuxième effet stratégique, très sournois, sur la valeur du fonds de commerce. Celle-ci est affaiblie dans la durée par chaque euro non déclaré, qu’il est très compliqué de vendre aujourd’hui. Avec une CAF diminuée, un futur acquéreur aura plus de mal à convaincre sa propre banque de lui prêter pour une acquisition du fonds. De plus, lorsque le futur acquéreur déclarera la totalité de son chiffre d’affaires, il mettra mécaniquement en exergue les dissimulations de son prédécesseur, ce qui fera courir un risque à ce dernier.

  • La question de la rémunération

Sur le plan opérationnel, le pourcentage de marge brute est souvent impacté directement par la dissimulation car les vrais achats de matières premières ne correspondent plus aux faux chiffres d’affaires. Dans ce cas, il y aurait trop d’achats à moins que l’exploitant s’approvisionne autrement en parallèle, une pratique assez répandue parmi ceux qui ne déclarent pas tous leurs achats. Même si un tel approvisionnement ‘corrige’ la marge, il ne cache nullement le non-déclaré car, pour encaisser, il faut du personnel.

En effet, malgré une marge brute ainsi ‘corrigée’, le gris est souvent dévoilé par un pourcentage de masse salariale qui devient trop important : il y a alors trop de personnel pour le chiffre d’affaires déclaré. Dans ce cas, l’exploitant est tenté de rémunérer une partie de son personnel sans le déclarer, ouvrant un peu plus encore la boîte de Pandore.

Dans le passé, certains salariés ont été rémunérés ainsi. Aujourd’hui, certains postulants demandent ouvertement de recevoir une partie de leurs salaires en espèces et certains employeurs proposeraient également cet arrangement à l’embauche. En faisant ainsi, prend d’énormes risques fiscaux, voire pénaux.

Il y a aujourd’hui des salariés qui sont partiellement rémunérés de la main à la main, souvent pour des heures supplémentaires et, lorsqu’ils quittent l’entreprise, qui intentent un procès aux prud’hommes pour être payés une deuxième fois. Il est alors impossible pour un exploitant de se défendre en invoquant qu’il a déjà payé son salarié au black… et il sera donc condamné à payer ces heures.

  • Les charges de fonctionnement révélatrices d’anomalies

Quand il y a du gris, les autres charges de fonctionnement deviennent proportionnellement plus lourdes. Le loyer, le gaz, l’électricité prennent quelques points de pourcentage de plus. Ces charges ne peuvent pas être ajustées par l’exploitant : le gris devient ainsi révélateur d’anomalies. De la même façon, le coût matières, la marge brute, la masse salariale, les autres charges, l’excédent brut d’exploitation, la capacité d’autofinancement deviennent des indicateurs parfois flagrants.

Dans les années à venir, avec des méthodes de comptabilité affinées liées à des processus d’encaissements plus sophistiqués, le gris deviendra plus visible.

Avec toutes ces nuances, le gris représente une cause récurrente de la diminution de la marge brute et, une fois couplé aux autres causes, il contribue inévitablement à la baisse des résultats nets de l’exploitation.

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Publié par Christopher TERLESKI



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