Ouvrir un restaurant en Angleterre : entre flexibilité et complexité

Royaume-Uni Theresa May l'a déclaré cet été, le Royaume-Uni post-Brexit restera flexible dans ses relations commerciales. Pas vraiment étonnant de la part d'un pays où la flexibilité est certainement le trait le plus caractéristique du monde des affaires. La restauration ne fait pas exception. Explications.

Publié le 17 novembre 2016 à 17:19

En Angleterre, comme tout entrepreneur, le restaurateur bénéficie d'une grande liberté contractuelle et ce, à tous les niveaux. Une liberté qui a valeur d'atout à condition de bien choisir ses partenaires d'affaires. À commencer par ses partenaires financiers, qui sont souvent des investisseurs privés, le recours au crédit bancaire étant limité voire impossible quand on n'a ni patrimoine ni réputation. D'où l'importance de développer de relations professionnelles de qualité avant même de se lancer dans l'entrepreneuriat. Car vous pourriez un jour avoir à convaincre des investisseurs privés de croire en vous. 

C'est ce qu'a fait Xavier Rousset pour ouvrir Texture, un restaurant situé en plein Mayfair très vite auréolé d'une étoile Michelin. "Obtenir la participation financière de 15 investisseurs différents m'a pris près de deux ans et restera l'une de mes plus grandes fiertés dans cette aventure", se souvient celui qui a depuis vendu ses parts pour ouvrir Blandford Comptoir, un bistrot alliant cuisine méditerranéenne et vins fins au coeur du très chic quartier de Marylebone. 

Gael Pes, propriétaire d'un bistrot français dans la province sud de l'Angleterre a lui aussi pu ouvrir son établissement grâce à l'appui d'un ancien client qu'il a su convaincre d'investir dans son projet.


Bail sur mesure

Autre partenaire incontournable : l'avocat spécialiste des baux commerciaux, car la liberté contractuelle nécessite des compétences spécifiques. En pratique, tout dépend de l'immeuble, de son emplacement et de son propriétaire, étant précisé qu'en Angleterre, les locaux sont proposés en 'leasehold', c'est-à-dire à la location (la cession murs et fonds dite 'free-hold' étant extrêmement rare en matière commerciale). 

Il faut d'abord étudier le 'Head of Terms' (Hots), un document d'une quinzaine de pages qui présente les points clés du bail. Ce n'est qu'une fois d'accord sur ces grandes lignes que l'on passe au 'Lease Agreement', qui, avec sa cinquantaine de pages constitue le véritable contrat de bail.

Parmi les points clés à bien maîtriser : savoir si le contrat fait référence au 'Landlod and Tenant act 1954', qui assure plus de sécurité juridique pour le locataire, mais n'est pas obligatoire. Ou encore, la durée du bail (souvent cinq, dix ou quinze ans) ainsi que les conditions de révision du loyer qui dépendent le souvent du marché des loyers pratiqués de la zone commerciale (open market rent lease) ou du chiffre d'affaires (turnover rent lease). 

En général, lorsque le bail est de quinze ans, les augmentations de loyers interviennent tous les cinq ans. Elles sont parfois très élevées et peuvent conduire à la fermeture du commerce. "Suite à des augmentation indécentes de l'ordre de 50 % à 200 % du loyer initial, certains exploitants privilégient désormais un bail de courte durée sans révision de loyer", explique Vincent Labeyrie, directeur de Gascon Connection un groupe de plusieurs restaurants français à Londres.



Complexité administrative


Mais, pour conclure un bail, encore faut-il avoir trouvé le local. Quand on s'est déjà construit un nom en tant que professionnel, il peut arriver que des propriétaires aient envie miser sur votre succès et viennent à vous. Ce fut le cas pour Grégory Marchand. "Je connaissais les propriétaires de l'Expérimental Group qui étaient connectés au développeur de Covent Garden et à un propriétaire à la recherche de nouveaux locataires. Ils sont venus me voir rue du Nil et m'ont proposé un emplacement pour ouvrir Frenchie Covent Garden", témoigne le restaurateur parisien. 

Mais ce genre d'opportunité est rarissime. Le plus souvent, il faut se débrouiller seul, ou plus exactement se faire assister d'un agent spécialiste des locaux commerciaux. Ce spécialiste vous aidera à dénicher le local adéquat avec la bonne licence ('premises licence' ou 'planning licence'). En effet, à chaque local commercial correspond une licence. Attribuée par la ville et attachée à l'immeuble (et non à l'exploitant), la licence va déterminer le type de commerce autorisé ('use classes'). 

Par exemple, pour un restaurant ou un café, une licence A3 est nécessaire, tandis que certaines sandwicheries, de type Subway et Prêt à Manger, se contentent généralement d'une licence A1. Les locaux de classe A3 sont limités en nombre et sont souvent assortis d'un 'premium', somme d'argent valant droit d'entrée, et dont le montant est très variable d'un emplacement à un autre (jusqu'à plus de 500 000 £ dans certains quartiers de Londres, environ 570 000 €). Mieux vaut donc s'en inquiéter dès le début de ses recherches et se faire aider par un intermédiaire spécialisé qui, lui, connaît les prix du marché et les pratiques commerciales propres au quartier. 

Mais, pour ce qui est des démarches administratives attachées à la licence du local, c'est l'avocat spécialiste des licences ('licensing solicitor') qui sera le bon partenaire. Celui-ci pourra par ailleurs assister le professionnel dans les démarches liées à la 'licence d'alcool'. En effet, tout restaurant doit compter parmi ses responsables au moins une personne détentrice, à titre personnel, d'une licence d'alcool. Cette personne ('the personal licence holder') peut être le patron ou le restaurant manager ou tout autre personne suffisamment formée et responsable en la matière. Pour obtenir cette licence d'alcool il faut en faire la demande auprès de la mairie de votre résidence et suivre une formation payante.


Flexibilité des horaires et des salaires 

Une fois le restaurant ouvert, tous le disent, la flexibilité des horaires est très appréciable. "Nous n'avons pas de minimum hebdomadaire, ce qui nous permet d'organiser les shifts [les horaires, NDLR] en fonction des réservations", explique Vincent Labeyrie. 

Autre facilité de gestion : le 'service charge', qui est un système de paie qui complète le salaire de base des employés et dépend de l'activité. Le service charge, en général égal à 12,5 % de l'addition, est optionnel pour le client même si dans les faits il le paye automatiquement. Le service charge est géré par 'le 'tronc manager' chargé de répartir entre les salariés la part de salaire correspondant à leur 'grade' selon un barème propre à l'entreprise et qui dépend de la fonction et de l'ancienneté de l'employé. 

Les sommes versées aux employés au titre du 'service charge' constituent un complément de salaire conséquent et motivant, pour tous les employés et en particulier ceux payés au smic. Il présente aussi l'avantage d'être exonéré de charges sociales, "ce qui représente une économie de 11 % pour l'employé et 13% pour l'entreprise", souligne Vincent Labeyrie. 

Enfin, lissée sur l'année, la part de salaire liée au service charge assure un revenu minimum au salarié en cas de baisse conjoncturelle d'activité. Ce système est donc très apprécié des employeurs et des salariés. Néanmoins, suite à des abus d'employeurs qui en ponctionnaient une partie, le gouvernement britannique s'est emparé de la question et envisage de réformer le système.


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Publié par Tiphaine BEAUSSERON



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