En 2016 déjà, 400 chefs et restaurateurs s’étaient unis pour publier le livre Vaincre le gaspillage alimentaire, le guide des bonnes pratiques. Édité par l’Umih, ce dernier était suivi, l’année suivante, d’un second ouvrage regroupant 28 recettes gastronomiques zéro déchet. Signe des temps, marier cuisine et développement durable est aujourd’hui devenu incontournable. Pourquoi un tel engouement ? Parce que les chefs, comme leurs clients, souhaitent aujourd’hui retrouver la fraîcheur des aliments et les saveurs du terroir tout en préservant la planète. David Rathgeber, chef du restaurant parisien L’Assiette, se bat ainsi pour le retour à la saisonnalité des produits : “C’est terrible de trouver sur les étals d’un marché des fraises en janvier ou des tomates en février, grince l’inventeur du hashtag 'Ici, on ne suce pas des feuilles'. Mieux vaut manger moins, mais manger mieux ! Il faut donc encourager les productions près de chez soi : on s’assure ainsi de travailler des produit frais, cueillis à maturité et qui conservent encore toutes leurs saveurs.”
Cette tendance locavore (consommer des produits cultivés dans un rayon de 160 kilomètres autour de chez soi) prend de l’essor dans l’Hexagone, régions urbaines en tête. Selon un sondage Ipsos datant de novembre dernier, 83 % des Français pensent en effet que “la diminution du nombre d'intermédiaires entre les agriculteurs et le consommateur final est un modèle d’avenir.”
Réinventer la gastronomie française
Les chefs des plus grandes tables adaptent leurs menus en conséquence. C’est le cas d’Alain Ducasse et d’Alain Passard, qui soutiennent publiquement une dynamique éco-responsable et font l'éloge de l'agriculture locale. Cédric Grolet, chef pâtissier du Meurice, explique utiliser du yuzu cultivé en France pour ces pâtisseries, alors que cet agrume est habituellement produit en Chine et au Japon. “Ce sont autant d’occasions de réinventer la gastronomie française”, se félicite David Rathgeber. Outre privilégier les circuits courts avec de petits producteurs locaux, ce dernier fabrique aussi son propre compost. Son autre cheval de bataille, les livraisons quotidiennes dans de grands “cartons de déménagement” : “C’est tout sauf écolo comme démarche”, peste-t-il.
Pour le Armand Arnal, chef de La Chassagnette, restaurant étoilé situé à Arles, “C’est moins un combat qu’une philosophie de vie.” Le chef raconte ainsi avoir mis son restaurant à disposition d’un potager : “Au lieu de travailler sur des recettes et des plats, on laisse notre jardin guider notre cuisine. C’est le vivant qui pilote nos menus et non l’inverse. Notre carte est mouvante et centrée sur le végétal.”
Une démarche totale
Thibaut Spiwack, gérant de la table Anona, au cœur du quartier des Batignolles, est peut-être celui dont l’engagement va le plus loin. “Ma motivation se résume en une phrase : que peut-on faire chaque jour, pour améliorer ce que l’on n’a pas fait hier pour la planète ?” Jusqu’au-boutiste dans sa démarche, le chef n’a pas fait les choses à moitié, en s’équipant de produits 100 % écologiques : plaques à induction à l’électricité verte, matériaux exclusivement élaborés en Île-de-France, bières à pression et eau microfiltrée pour éviter tout contenant, pain et jus faits maison, compost alimentaire, machines à économie d’eau, etc. Côté cuisine, la carte du restaurant se résume en deux menus à l’aveugle. Objectif : éviter tout gaspillage alimentaire. Thibaut Spiwack conclut : “Petit, j’ai grandi à Gif-sur-Yvette au milieu de potagers. Plus grand, j’ai voyagé dans 40 pays dont j’ai vu la nature se dégradait sous mes yeux. Je suis averti des dangers que court notre planète. L'avenir est donc dans l'offre locale et dans le respect de notre corps et de nos terres agricoles.” Tendance clé de la restauration de demain, le développement durable s'impose donc dans les cuisines. Et dans les mentalités, au service d'une vie meilleure.
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Publié par Mylène SACKSICK