Le saké comme vous ne l'avez jamais... su

Paris

Publié le 17 septembre 2012 à 18:27
Toshiro Kuroda crie à l'imposture. Non, l'alcool servi dans les restaurants asiatiques en fin de repas n'est pas du saké, « c'est le plus souvent un alcool de riz issu de la distillation ». Le saké répond des règles de fabrication très strictes. « Issu d'une fermentation particulière, double et parallèle, le saké est un vin de riz pouvant atteindre 15 à 16° alcooliques et dont l'identité, plus discrète que le vin, tient dans l'absence de tannins et une faible acidité. Il existe plusieurs variétés de riz très spécifiques et le degré de polissage du grain joue sur le résultat final. » C'est au coeur du grain de riz que l'on trouve la concentration d'amidon nécessaire au développement des arômes. Depuis 6 ans, Toshiro Kuroda s'efforce de « faire venir les meilleurs sakés » du Japon. Pas si simple. Il existe des centaines de variétés de sakés, dont la typicité varie en fonction du terroir, du producteur, du vieillissement. L'homme, qui est ce qu'on appelle un 'sakéologue passionné', a créé l'épicerie japonaise la plus étonnante de la capitale : Workshop-Issé. Chez lui, le saké retrouve toutes ses lettres de noblesse. On parle ginjô, l'excellence même. L'aventure gourmande est au rendez-vous et les découvertes plus intéressantes les unes que les autres. Papilles bluffées de bouteille en flacon. Afin de mieux faire partager son amour du produit, celui-ci a lancé récemment l'Association française des amateurs de sakés : les Becs fins de sakés. A ses côtés, Eric Briffard, chef du Cinq (Hôtel George V), Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde 2000 ou encore Christophe Pelé de la Bigarade. Le comédien, Gérard Depardieu, japanophile convaincu, fait partie de la bande. Et c'est chez lui, au 95, rue du Cherche Midi, à Paris, que va se dérouler Le nouvel an du saké. Un événement prévu sur trois jours et dont la journée du 1er octobre sera réservée aux professionnels. Une centaine de références seront proposées à la dégustation, des producteurs japonais de grands crus de sakés seront présents, des accords mets /sakés seront réalisés par des chefs parisiens, Olivier Poussier commentera les dégustations, Rob MacHardy, chef barman du Club Silencio évoquera quant à lui les cocktails à base de saké. Notez aussi la participation d'un forgeron japonais, affûteur de couteaux et une exposition d'objets d'art et de service du saké.

Paroles d'esthètes…

Croiser Toshiro Kuroda, c'est entrer dans un autre univers. A la clé, une multitude de saveurs nouvelles. Plusieurs chefs et sommeliers se sont déjà piqués au jeu avec un grand bonheur. Voici, en avant-première de ce Nouvel an du saké, quelques émotions partagées.

Akrame Benallal, chef du restaurant Akrame à Paris : « Des légumes cuits à l'horizontal : betteraves blanches, navets en botte, artichauts poivrade… à la vapeur de Dassaï 50.  Un saké délicat, qui apporte une certaine amertume. A associer à la viande de veau. »

Pascal Leonetti , sommelier de l'Auberge de l'Ill à Illhaeusern : « Je garde un souvenir impérissable de 2 sakés. Le premier est un junmai ginjo, traduisez, eau du désir, d'un producteur nomme Kuheiji . Un saké de belle typicité, pas le plus pur et complexe mais travaillé de très belle manière.  Le second m'a semblé exceptionnel , tout d'abord par son degré de polissage , 77 % et surtout sa grande pureté . Il s'agit du junmai daiginjo 23 % Dassai. La gamme d'odeurs est fraîche et aérienne, exprimant des dominantes fruitées, de melon, d'épices, le gingembre. La structure de bouche rappelle le côté cristallin des grands rieslings allemands.  Les associations les plus réussies sont , a mon goût , les légumes , le céleri , le radis , les préparations a base de gingembre , les poissons cuisines froid , le fogu , poisson mortel , mais délicieusement préparé lors de nos visites. Je pense également aux crustacés, les langoustines, le crabe  et aux huîtres. Certains accords sur les fromages de chèvres me paraissent judicieux. Je reste persuade que la température de service , comme pour le vin , est fondamentale . L'idéal pour moi est entre 12 °c et 17 °c en fonction des différents styles. »

Jean Christophe Rizet, chef du restaurant La Truffière, à Paris : « Au fil des années et des dégustations, mon palais c'est familiarisé avec ce vin de riz et des préférences ce sont fait sentir naturellement. Je continue à découvrir des sakés comme le " Mizuho Kuromatsu " de Kenbishi avec des accords surprenant sur des jambons ibériques des classiques comme le Dassaï 23 équilibré sur la douceur , les sakés de la maison Masumi ou Kazenomori avec le saké perlant que j'ai découvert récemment, les Kuheiji, ou Kokuryu avec lesquels nous avons fait des menus accords mets et sakés. Mes préférences : des sakés relativement secs plus intéressants pour des accords en cuisine et des sakés plus doux sur des entrées plus printanières ou des crustacés. Des sakés plus secs avec du caractère peuvent supporter des accords plus audacieux tel que des viandes rouges. Plus les plats sont marqués en saveurs, plus le saké se révèle… »

Sébastien, chef sommelier au Chateaubriand d'Inaki Aizpitarte, Paris :  « Mizuho Kenbishi avec  un thon snacké et des pommes de terre en chips,  ou sur un boeuf avec une salade très fraîche herbes, coriandre, menthe qui apporte un contraste frais sur le côté « animal » du saké. Sur un amuse bouche : un shot très vif,  ceviche avec eau de citron, fumé de poisson, coriandre… Shoju Nishiyama Brewing sur une nage de coquillages (couteaux) avec des reines des près, du pourpier qui font ressortir l'amertume. Un saké pétillant non filtré en automne  pour sa tonalité « levure » qui accrochera les saveurs de terre d'une poêlée de giroles, cèpes ou pleurotes avec un peu de sel noir ou encore sur un turbot aux haricots cuits au beurre monté à la manzanilla, pour ouvrir l'ensemble des saveurs. Sakés Ishiro (et autre sakés plus fins)  sur des oursins avec du sel de mer. »

Publié par Sylvie SOUBES



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