Continuer à consommer en réduisant son ticket moyen, tel a été le réflexe adopté par les Français à l'arrivée de la crise à l'aube des années 2010. Un comportement logique face au contexte économique, qui s'est révélé propice à certains circuits de la restauration hors domicile. À l'heure où la bourse s'effondrait et la restauration traditionnelle tirait la langue en enregistrant un recul de fréquentation de 2,9 % (cumul de mars 2008 à mars 2009), la restauration rapide s'envolait en affichant une progression de visites de 3,4 % sur la même période. Un boum qui s'explique par l'appât économique de circuits moins onéreux qui a conduit les consommateurs CSP + à fréquenter des établissements précédemment boudés tels que les fast-foods, les sandwicheries, les boulangeries ou d'autres lieux de restauration rapide.
Il faut attendre 2012 pour que l'impact de la crise bouleverse profondément les habitudes des Français en matière de restauration : les plats préparés à la maison s'invitent au bureau au détriment de la restauration rapide qui voit sa fréquentation baisser. Au final, la restauration rapide a enregistré une perte de 130 millions de visites depuis 2009. Fin 2014, le segment des fast-foods, le plus dynamique de tous, boosté par une offre accessible et de nouvelles ouvertures, montre les premiers signes de ralentissement et ensuite de baisse de fréquentation. Du jamais-vu.
"Ce recul s'explique par des changements sur le marché et l'apparition du concept hybride du fast-casual où la restauration rapide version 2.0. Un segment naissant qui allie la rapidité et la qualité, analyse Maria Bertoch, Industry Expert de la Division Foodservice Europe de The NPD Group. L'absence du service à table, les produits frais et préparés sur place le jour même, la transparence des ingrédients, un décor soigné et moderne : tous ces ingrédients permettent d'attirer ceux qui désertent la restauration rapide classique, principalement les 18-34 à la recherche d'une consommation plus qualitative, saine et responsable."
Le boum des baby-boomer du fast-food
Si ces huit dernières années, la restauration rapide classique a perdu sur les visites des 16-24 ans et des 25-34 ans (Millenials), les 50 ans et plus progressent : + 40 % entre 2008 et 2015 ! Ils représentent aujourd'hui 16 % des visites du secteur, soit 1 sur 6 d'après l'étude « Les 50 ans et +, une cible à fort potentiel pour la restauration » que The NPD Group publiera le 10 juillet prochain. Moins affectés par le chômage et les problèmes de pouvoir d'achat que les plus jeunes, les quinquagénaires apprécient la praticité et la fonctionnalité d'un déjeuner sur le pouce. Cette génération qui a connu l'arrivée du fast-food à l'aube des années 80, n'hésite pas fréquenter ce circuit en dehors de l'heure du déjeuner : 30 % de leurs visites ont lieu l'après-midi durant leur pause.
Tout comme les 18-24 ans, les seniors surveillent leurs assiettes : ils consomment plus que la moyenne les salades et les eaux en restauration rapide, et boudent les soft-drinks et les menus, moins adaptés à leurs goûts. La folie burger ? Très peu pour eux : ils en consomment deux fois moins que la moyenne de la population française. Toutefois, les burgers de qualité pourraient avoir un avenir intéressant auprès de cette cible épicurienne.
Maria Bertoch conclut : "La croissance française reste relativement timide si on la compare avec les voisins européens. Et la confiance des consommateurs n'a pas non plus montré une amélioration notable. Le problème clé du marché français est la fréquentation en berne. Le début de 2015 a été très difficile pour la restauration au global, y compris pour la restauration rapide. Nos prévisions pour 2015 affichent un marché négatif en visites, toujours affecté par la baisse de consommation de la population active. Toutefois, l'attention portée aux cibles « émergentes » comme les 50 ans et plus pourrait apporter ses fruits sur le court et le long terme."