Sophie Reigner était secrétaire avant de se convertir à la grande cuisine auprès du chef étoilé libanais Alan Geaam dont elle fut la chef exécutive au restaurant bistronomique AG Les Halles, à Paris (Ier). Le soir de la Saint-Valentin 2020, elle inaugure le Restaurant Iodé, à Vannes (Morbihan) avec ses cinq salariés : “Dès le premier soir, nous étions complets !”
Mais la crise sanitaire franchit les frontière et déboule brutalement dans son établissement, le 14 mars, un mois jour pour jour après l’ouverture à 19 h 45, quinze minutes avant le début du service : “J’ai reçu un message d’un collègue. Il fallait fermer les portes à minuit. Toute l’équipe était effondrée !” Elle ferme le restaurant, reste choquée pendant trois jours puis rouvre, seule, sa cuisine.
Beaucoup de détresse
Des personnes âgées la contactent, un voisin handicapé la sollicite. Les aides à domicile ne viennent plus, les livraisons non plus. Les seniors redoutent de sortir. Sophie Reigner décide de leur porter secours. “Je suis d’une nature emphatique. Il y avait beaucoup de détresse. Les clients parlaient sans fin en passant des commandes. Ma reprise d’activité avait un sens social. J’ai arrêté le pigeon et les Saint-Jacques pour des plats mitonnés, goûteux mais moins chers, d’abord pour des raisons d’hygiène. Je ne livre aucun plat cru. Mes paniers sont autour de 20 € mais je livre aussi pour 8 € si ce n’est pas trop loin. J’ai mis en place le paiement sans contact. Je change de gants à chaque livraison. Ma voiture ressemble à une ambulance avec gel hydro-alcoolique et matériel stérile. Ouest France devait faire un article pour l’ouverture de Iodé, ils en ont fait un sur mes livraisons. Les commandes ont explosé. Les clients que je livre, certains chaque jour, seront les fidèles de demain, quand le restaurant rouvrira. Mes procédures sont très strictes en matière d’hygiène. En protégeant mes clients, je me protège moi-même. Le fait de travailler seule, est rassurant pour eux”, explique la chef bretonne.
Travailler seule, un avantage
Sophie Regnier recevra la dotation Gault&Millau pour les jeunes talents 2020 : “Je n’ai pas encore la plaque mais j’ai déjà été informée !” Elle fut aussi finaliste du concours de la Cuillère d’or 2016. Cette jeune femme au timbre vivifiant reconnaît avoir des moments de doute mais aussi beaucoup d’espoir : “Je suis en contact tous les jours avec mes salariés, on ne va pas laisser tomber. Le retour à une activité normale va prendre du temps. Mais aujourd’hui, avec au minimum une dizaine de livraisons par jour qui représente une trentaine de portions vendues, mon activité est inespérément soutenue car je suis seule à travailler du lundi au samedi. Et puis j’ai le sentiment d’être utile en particulier envers les personnes les plus vulnérables, les plus isolées”, confie Sophie Reigner, heureuse de venir en aide à sa façon
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Publié par Francois PONT