C’est votre première participation au jury international S. Pellegrino Young Chef. Après deux jours de compétition, quelles sont vos impressions ?
« On note sur la créativité, la technique et le goût et sur l’engagement personnel. Je suis à la recherche de celui qui va m’apporter une émotion, un vrai message, celui qui a une cuisine engagée par rapport à ce qu’il est. Comme chaque candidat présente son plat signature, il n’y a aucun de point de repère donc je reste focus sur l’assiette et je me laisse porter par l’émotion. Personnellement, je privilégie toujours l’émotion à la technique. C’est ma manière de voir les choses. Ça se voit sur Top Chef, je ne suis pas à chercher celui qui saura le mieux faire et me le démontrer. »
Dans sa philosophie et ses critères de notation, le concours porte une grande attention au durable. Qu’en pensez-vous ?
« Pour moi, cela fait partie de mes critères. Dans ma famille, on a toujours travaillé avec des produits de proximité. Je me souviens de tous les producteurs qui venaient dans le restaurant avec leurs cèpes, avec leurs oeufs, des chasseurs le dimanche soir avec leur gibier. J’ai toujours travaillé dans le respect du produit, à commencer par tout utiliser. Ce ne sont pas des choses nouvelles pour moi et elles ont toujours compté dans ma manière d’évaluer le travail ».
Nelson Freitas remporte le S. Pellegrino Young Chef Academy Award 2023
Dans votre cuisine, quel est votre rapport au végétal ?
« J’ai toujours aimé le végétal. Je l’ai découvert avec Alain Ducasse. Chez moi, dans les Landes, on était plus portés sur les protéines que le végétal. Mais dès 1990, chez Alain Ducasse, j’ai découvert un plat composé uniquement de légumes. J’ai été scotchée. Je me suis dit : « Mais comment peut-on mettre un plat de légumes à la carte ? » Je n’ai pas compris. Après, quand j’ai découvert le plat de légumes, sa complexité et son intérêt, j’ai vu que c’était juste génial ! Cela fait très longtemps que j’ai intégré le végétal dans ma cuisine.
A Villa La Coste, en Provence, où j’ai mon potager, mon jardinier, et tous ces petits producteurs autour de moi, je le renforce encore plus. Néanmoins, la protéine est toujours présente dans ma cuisine, même à Villa La Coste où elle vient en tant que garniture. Je ne conçois pas une cuisine sans protéines. Il faut un équilibre, respecter les saisons même dans les protéines et préserver des races. On a tous une responsabilité à ce sujet ».
Le durable prend aussi en compte les conditions de travail. Qu’en est-il dans vos restaurants ?
« Je considère mes collaborateurs comme ma famille. On est dans le partage, la générosité, l’appréciation réciproque. Je suis dans la transmission de valeurs. Avec la maturité, je sais ce que je veux transmettre et ce qui est important pour moi. Je pense que cela marche puisqu’aujourd’hui, j’ai une base de collaborateurs qui sont là depuis un certain temps. Ils s’engagent et veulent grandir avec moi.
Comme une famille, j’essaye de prendre soin d’eux avec, par exemple, des salles de repos. J’ai aussi installé une machine à laver et un sèche-linge s’ils veulent s’occuper de leur linge personnel sur place. Comme ça, ils n’auront pas à s’en occuper le week-end. Il y a des moments où je fais venir une masseuse pour les relaxer. On se retrouve aussi pour de grosses fêtes. On fête tous les anniversaires. Je viens d’apprendre que, dans mon dos, depuis des années, ils m’appellent maman.
Je pense qu’on forme une grande famille assez stable dans le fond et qui donne envie car au niveau du recrutement, je ne m’en sors pas trop mal dans ces périodes très difficiles.
Publié par Nadine LEMOINE