Glenn Viel : "Une cuisine touchante et gourmande"

Baux-de-Provence (13) À l'Oustau de Baumanière, le duo Glenn Viel, chef, et Jean-André Charial, propriétaire, se donne les moyens de défendre les 2 étoiles Michelin en espérant conquérir la troisième.

Publié le 02 septembre 2019 à 18:16

L’Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Glenn Viel : Enfant, je rêvais de devenir humoriste ou athlète de haut niveau. Le jour où il a fallu trouver un vrai métier, à l’entrée au collège, j’hésitais entre l’armée et la cuisine. Les deux m’intéressaient beaucoup, mais je suis dyslexique, et l’écriture me posait un problème. Comme le concours pour la gendarmerie comprenait une dictée, j’ai opté pour la cuisine. Je suis aussi un gourmand et un gros mangeur. Mon père est un bon cuisinier, mais je ne cuisinais pas à la maison. Le CAP cuisine m’a plu tout de suite. J’ai adoré le côté rigueur et compétition. Je me souviens aussi, sans l’avoir jamais rencontré, des paroles de Bernard Loiseau dans les émissions télévisées. Il savait donner envie d’exercer ce métier. Mon objectif, quand j’étais stagiaire, c’était toujours d’être plus fort que l’apprenti. Plus fort par le travail. Je suis judoka et j’ai des valeurs : la compétition mais aussi la droiture. La gastronomie, c’est un sport de haut niveau. La dyslexie a finalement été un moteur dans ma vie car j’ai toujours réussi à prouver que cela ne m’empêchait pas d’arriver à réaliser mes objectifs et, à ceux qui doutaient de moi, que je pouvais y arriver. Au fond, je suis un compétiteur. “La création est plus importante que le savoir”, disait Albert Einstein : cette phrase a créé un déclic chez moi.

 

Comment définissez-vous votre cuisine ?

Ici, c’est une maison familiale qui a un patrimoine et l’on se doit de le retranscrire avec un esprit contemporain. On a un fil conducteur que sont les murs, le gigot, la crêpe soufflée, etc. Je fais une cuisine de produits, assez épurée. Je suis partisan des trois saveurs : pas plus, pas moins. Avec toujours une idée forte et originale. Par exemple, on fait une carotte déshydratée et réhydratée avec un jus de carotte réduit trois fois. Le ‘caillou d’assaisonnement’ est une véritable concentration de saveurs  que l’on vient râper sur le plat. On remplace le sel par du corsé. Les clients adorent.

Il faut apporter de l’émotion en cuisine. Pour moi, elle est forcément liée à l’enfance. Souvent, on fait référence à sa grand-mère. Pourquoi ? Parce que, enfant, on passe 330 jours chez nos parents, nous sommes habitués à leur cuisine. Même si elle est bonne, c’est récurrent. Mais deux semaines par an, on va chez les grands-parents et là, on découvre d’autres goûts. D’ailleurs, personne ne sort d’un restaurant en disant : “Qu’est-ce que c’était joli !” Ce que l’on retient, c’est d’abord le goût. Après, on peut dire : “En plus, c’était joli.” Or, dans la cuisine, c’est parfois l’esthétique qui prime. Je ne vois pas  les choses comme ça. Je veux une cuisine touchante et gourmande.

 

Expliquez-nous votre travail sur l’inertie de la chaleur ?

L’inertie de la chaleur des produits est un phénomène dont il faut tenir compte. Par exemple, un bateau dont on coupe le moteur va encore aller loin. Quand on arrête la cuisson, la chaleur poursuit son œuvre. On a fait des tests sur des entrecôtes. Pour deux minutes de cuisson, on a douze minutes d’inertie. En faisant des essais avec de nombreux produits, on apprend beaucoup. Il faut intégrer l’inertie dans le calcul du temps de cuisson. Cela passe aussi par la réflexion autour des contenants, conducteurs ou non de chaleur. On a aussi fait des essais en dégustant les plats à 47 °C, 50 °C, 53 °C. À 53 °C, la perception du goût n’est pas suffisante. C’est la chaleur que l’on perçoit et non le goût. Il ne faut donc pas servir les plats trop chauds.

 

Le plat le plus demandé ?

Les Couteaux les pieds dans l’eau, servis tiédis, basilic, pain croustillant comme une algue séchée, pignons de pin. Cela faisait trois ans que je cherchais une idée pour le couteau et j’ai trouvé. Le problème, c’est le côté caoutchouteux du couteau. Nous le cuisons au toucher, avec la main, en fonction de notre ressenti, afin d’arrêter la cuisson juste à temps, et elle est incroyable, c’est fondant.

 

Votre plat préféré ?

Le saint-pierre, ciselé, cuit à la broche, ravioles de fleurs de courgettes, crème triple et caviar Schrenki.

 

Quelles relations entretenez-vous avec vos équipes ?

J’arrive à analyser les gens assez vite. Ça fait ma force aujourd’hui en cuisine. Je me pose toujours 10 000 questions. Je passe mon temps à chercher des réponses. C’est bien d’être un bon cuisinier mais être un meilleur homme, ça compte aussi. Essayer d’être meilleur dans sa cuisine et dans ses rapports à ses collaborateurs, cela fait grandir.

 

Vous avez été embauché avec pour objectif de récupérer la 3e étoile. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

C’est d’abord une rencontre avec Jean-André Charial, qui m’a fait confiance. J’étais un jeune chef peu connu, même si j’avais eu 2 étoiles. Je lui ai dit que je me donnais sept ans pour avoir 3 étoiles. C’est la cinquième année. Je ne suis pas inquiet et je n’ai pas la pression. Je travaille. Quand j’arriverai à ces sept ans, on fera le bilan.

Pour moi, cette maison mérite d’être triplement étoilée, avec son cadre fantastique, sa formidable cave, ses belles cuisines et ses beaux produits. Les potagers, le chariot - pièce unique -, la potière qui travaille avec nous pour créer de la vaisselle, les ruches, les poules, les deux cochons qui mangent les restes, les hamacs pour la pause des cuisiniers : monsieur Charial ne m’a jamais rien refusé.

 

Vous avez accepté de mettre vos pas dans ceux de cette grande maison et de garder quelques plats. Comment cela se passe-t-il ?

En toute simplicité, j’ai étudié les plats et je les ai adaptés à ma vision et au goût du client d’aujourd’hui. Gigot d’agneau de lait, Mousse de rouget, millefeuille et crêpe soufflée sont toujours là. Ce sont des plats magnifiques qui ont été retravaillés pour leur donner plus de légèreté et d’élégance. Je suis content de tous ces plats.

 

Comment se passe la création ?

Cela peut être une torture comme cela peut venir tout de suite. Parfois, je travaille un produit trente fois et je ne trouve pas la solution.

 

Des projets ?

À la fin de l’année, nous aurons un champ de 1,2 hectare où seront plantés une dizaine de blés différents dont les semences alimenteront d’autres parcelles. Nous travaillons toujours de nouveaux contenants et de nouvelles formes grâce à notre poterie intégrée. Nous allons avoir une terrasse sur pilotis qui permettra de découvrir le potager géant en arrivant au restaurant. D’ailleurs, au moment de leur départ, on donne aux clients des légumes du potager avec la recette pour réaliser chez eux une ratatouille. Nous avons un potager bio de 6 000 m². Nous ne sommes pas loin du 100 % bio.

 

Votre plus grand rêve ?

Que l’on soit moins égoïste ! Même quand on parle de la pollution, on dit qu’il faut qu’on mange plus sainement. Non, il ne faut pas penser d’abord à nous pour éviter le cancer, il faut penser à avoir des sols plus propres. Il faut cultiver mieux pour protéger la terre et l’avenir.

 

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Publié par Nadine LEMOINE



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