Eric Kayser : l'art de multiplier les pains

Paris (75) En septembre 1996, il ouvrait sa première boulangerie rue Monge, à Paris. Seize ans plus tard, la maison Kayser compte plusieurs dizaines de boutiques en France, une centaine dans le monde et quelque 2 000 salariés. Retour sur une success story made in France.

Publié le 03 août 2012 à 14:12

À l'âge de 4 ans, il sait déjà qu'il veut devenir boulanger. Reprendre le flambeau. Car Eric Kayser est fils, petit-fils et arrière-petit-fils de boulangers. Une tradition familiale. Une passion transmise de génération en génération. Décidé, motivé "tant par le pain que par les voyages", à 19 ans il rejoint les Compagnons du Tour de France. Une formation unique. Loin des a priori et autres prêts à penser. Pendant cinq ans, le jeune Alsacien suit, observe, écoute la fine fleur des chefs boulangers de l'Hexagone. Ce qui lui donne l'envie d'enseigner à son tour, transmettre une culture, une rigueur, une expérience. Il intègre alors l'Institut national de la boulangerie-pâtisserie (INBP). Pendant dix ans, Eric Kayser va ainsi parcourir la France et le monde pour former les plus jeunes à l'art du bon pain. Car "le bon pain ne ment pas, il dit tout de la qualité de ses ingrédients et du savoir-faire de celui qui le crée".

 

2 millions de pains vendus chaque mois dans le monde

Entrepreneur dans l'âme, Eric Kayser a peu à peu "l'envie de se lancer". Tenter sa chance en ouvrant sa propre boulangerie. Il saute le pas en septembre 1996, "un vendredi 13". Il a trouvé "par hasard" un local rue Monge, à Paris, et c'est ici, entre la Mutualité et le Panthéon, que débute l'aventure de l'enseigne Eric Kayser. Discret mais pugnace, réservé mais audacieux, il veut que sa boutique du 5e arrondissement soit la première d'une série. Il est d'emblée dans une logique de multiplication de ses pains. D'abord dans d'autres arrondissements de la capitale, en province puis à l'étranger. Aujourd'hui, Eric Kayser c'est plusieurs dizaines de boutiques en France (à Paris, Lyon, Levallois-Perret, Saint-Germain-en-Laye…), une centaine dans le monde (notamment au Japon, en Russie, au Maroc, au Sénégal, en Corée du Sud…) et plus de 2 000 salariés. Tout aussi impressionnant : son entourage parle de "2 millions de pains vendus chaque mois" en France et au-delà de nos frontières. De quoi avoir le vertige.
Mais Eric Kayser garde les pieds sur terre. Sa priorité : 'la qualité'. Ses pains sont élaborés avec du levain naturel, des farines sélectionnées et tous cuits "sur place, dans nos boulangeries". Sa devise : "on achète avec les yeux, on revient pour le goût".

Pas question, donc, de s'éloigner trop des fours, de la farine, du pain, de la centrale de production située à Ivry (94). Même s'il voyage beaucoup -"je suis à l'étranger la moitié de la semaine" -, Eric Kayser veille au grain. Et ce d'autant qu'une soixantaine de nouveaux pains sont créés chaque année. À commencer par le "pain du mois, pour changer de la baguette". Quelques exemples : un pain aux marrons à Noël, une ciabatta aux graines de courge à l'automne, un pain typique de la Réunion aux beaux jours… "Il faut vivre avec les saisons", rappelle le boulanger. Même s'il concocte la galette des rois pour l'Épiphanie 2013 dès l'été 2012. "Nous faisons déjà des tests sur palettes", confie-t-il. Pour ne pas être pris de court. Éviter les mauvaises surprises. Même les fèves estampillées 2013 sont sur le point d'être créées. "L'an prochain, elles se déclineront sur le thème : des grands hommes et du pain". Autrement dit : une fève, une citation. À l'instar de celle de Philippe Delerm : "Le pain, c'est le squelette, la structure des journées".

 

Trois mois pour se former à la fabrication des pains

Intégrer une boulangerie Kayser, c'est donc se fondre dans une culture. Adhérer à une certaine philosophie. Accepter une autre approche du pain. "Chaque personne que nous embauchons suit une formation", souligne Eric Kayser. Elle se déroule dans les locaux de la centrale de production d'Ivry, si c'est une formation à la pâtisserie. "Directement dans l'une de nos boulangeries, s'il s'agit de se former à la fabrication des pains". Les sessions durent entre deux semaines et trois mois, selon les profils et les postes à pourvoir. "C'est en général trois mois pour se former à la fabrication des pains ou au service". Sachant que les dossiers de quelque 300 à 400 candidats 'en présélection' s'accumulent aujourd'hui sur le bureau d'Eric Kayser. Et pour cause : avec les créations régulières de nouvelles boutiques en France comme à l'étranger, les vagues de renouvellement des équipes sont nombreuses au cours d'une année. Ajoutons à cela la perspective de pouvoir partir travailler à l'étranger, qui attire et motive les plus jeunes des postulants. Le boulanger s'étonne même de voir d'anciens élèves de l'École de Lausanne, par exemple, lui envoyer leur CV en vue d'intégrer l'une de ses boulangeries. Seule ombre au tableau : le service, où il reconnaît avoir du mal parfois à trouver "les bons profils". Les passionnés.


Eric Kayser aura 48 ans le 16 octobre prochain. Homme pressé, il dort peu. "Je me lève tôt tous les matins. Je travaille quinze heures par jour. Et quand je ne sais pas quelque chose, je pose des questions : je ne suis pas un monsieur 'je-sais-tout'". C'est comme cela qu'il se définit, curieux, à l'écoute, en éveil. Aussi bien capable de plancher sur la mise au point d'une dizaine de pains différents et d'une vingtaine de brioches pour la dernière édition du salon Europain, que d'animer une série de conférences en Chine sur le pain et la boulangerie. Ou encore d'ouvrir une nouvelle boutique, en novembre prochain, à l'orée de la gare Montparnasse à Paris qu'une autre à Hong Kong le 15 décembre et trois à Manhattan d'ici à la fin de cette année. Sur l'une des fèves qui garnira la galette des rois de la maison Kayser en 2013, cette citation de Jean Anouilh résume plutôt la personnalité d'Eric Kayser, son parcours, sa vision du monde qui l'entoure : "J'aime la réalité. Elle a le goût du pain".


 


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Publié par Anne EVEILLARD



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