“Quand elles sont en poste en cuisine, les femmes se mettent au diapason des hommes, sinon elles ne peuvent pas suivre. Elles sont en résistance au quotidien.” Caroline Dumas est psychologue. Mais elle a longtemps travaillé dans les ressources humaines au sein du secteur de l’hôtellerie-restauration. Alors, des cas de femmes stressées, pressurisées, épuisées derrière les fourneaux, elle en a déjà vu défiler dans son bureau. “Elles n’ont pas le choix, poursuit-elle : soit elles se blindent, soit elles craquent.”
Un avis partagé par la chef Stéphanie Le Quellec. Après sept années passées au restaurant La Scène, de l’hôtel Prince de Galles, à Paris (VIIIe), où elle a décroché une première étoile Michelin en 2014, puis une deuxième en 2019, elle vient d’ouvrir son propre restaurant, à deux pas de l’Élysée. “En cuisine, il faut avoir une personnalité, une force de caractère et une puissance de travail”, affirme-t-elle. Une recette qu’elle a, bien sûr, expérimentée : “J’ai tout donné au métier pendant quinze ans. Il n’a rien fallu lâcher. C’est difficile, mais pas seulement pour les femmes : que l’on soit un homme ou une femme, il faut de la patience et de l’investissement. Si on a une forme d’abnégation dans ce métier, ce métier saura la rendre. Je le rabâche à mes équipes : on ne peut pas tout avoir à 22 ans… ”
Redoubler d’efforts pour convaincre
Il faut donc faire preuve d’endurance, peu importe le sexe. Reste que certaines doivent tout de même redoubler d’efforts. À l’instar de Sabrina Durand, aujourd’hui responsable adjointe de direction du Manoir de Kergrec’h à Plougrescant (Côtes-d’Armor). En 2014, lorsqu’elle a décidé de se former pour remplacer le chef étoilé partant des Trois Rivières, à Tréguier (Côtes-d’Armor), “on me regardait de travers, on doutait de mes capacités”, se souvient-elle. Mais l’audace, l’envie et “les équipes en cuisine et en salle qui allaient dans mon sens” l’ont guidée, aidée aussi. Résultat : deux ans après, l’étoile était retrouvée.
“J’ai vu des femmes chefs plus dures que des hommes”
“Faire la cuisine, c’est une tâche féminine mais un métier d’homme”, commente Caroline Dumas. La psychologue rappelle que “l’expérience en cuisine peut être traumatisante, car très physique”. Ampoules aux mains, casseroles très lourdes, chaleur, bruit… : des conditions de travail difficiles qui s’ajoutent à la tension qui règne, notamment lors du coup de feu.
Et ce pas seulement lorsqu’un homme dirige la brigade. “J’ai vu des femmes chefs plus dures que des hommes”, confirme Camille Guei, cuisinière au restaurant Montcalm, à Paris (XVIIIe). Sa méthode pour se faire ‘sa’ place sans se sentir malmenée, voire maltraitée : “J’ai toujours privilégié les petits restaurants, plutôt que les grosses maisons.”
“Nous avons embauché Camille parce que nous savions qu’elle allait nous apporter une technique, un savoir-faire et une personnalité”, explique William Robitaille, chef et cogérant de Montcalm, avec son complice en salle, Guillaume Thomas. Le charisme serait donc bel et bien la clé pour tirer son épingle du jeu en cuisine, de surcroît lorsqu’on est une femme. D’où l’importance de proposer des cours de théâtre et de communication, dans les formations liées à la restauration.
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Publié par Anne EVEILLARD