1914-1918 : la Grande Guerre vue des cafés, hôtels et restaurants

Paris (75) Alors que les commémorations de la fin de la Première Guerre mondiale s'achèveront en juillet avec la célébration des cent ans du traité de Versailles, l'historienne Emmanuelle Cronier évoque les bouleversements qu'ont connus restaurateurs et hôteliers lors du conflit.

Publié le 15 mars 2019 à 15:32

“Durant la Première Guerre mondiale, un mobilisé sur deux demeurait loin des combats, à l’arrière, avec un sort bien différent. En juillet 1915, sous la pression des familles, Joffre autorise les permissions. Le retour des unités combattantes dans les villes et campagnes va être la source d’énormes frustrations”, explique Emmanuelle Cronier, agrégée et docteur en histoire à l’université de Picardie-Jules-Verne, membre du comité scientifique de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.

La presse du front, alimentée par les chroniques des soldats, évoque “ces cafés et restaurants pleins à craquer”, alors que, pour d’autres, les combats font rage. Ce constat accablant s’additionnera d’une autre colère, celle de ne pas pouvoir, même pendant le retour à l’arrière, se remplir l’estomac et même le gosier. La moralisation de la vie publique impose à tous une sévère prohibition sur la consommation d’alcool. “En outre, la faiblesse de la solde ne permet pas aux permissionnaires de consommer tout ce qu’ils voudraient”, explique l’historienne, qui ajoute cette comparaison frappante : “En 1918, un petit noir au Café de la Paix à Paris coûtait 60 centimes alors que la solde d’un soldat du rang était de 1 franc !”

Le grand train des soldats américains

Les hôtels et restaurants de luxe sont fréquentés par des militaires étrangers dotés de meilleures soldes. Les Américains ‘aux poches bien garnies’ mènent grand train et pratiquent souvent sans vergogne le vol et l’escroquerie : “Ils se font livrer des mets de luxe dans des hôtels mais ne paient pas. Cette clientèle anglophone est pourtant une aubaine. “Les restaurateurs traduisent les menus, embauchent du personnel bilingue. La devanture de Chartier est barrée d’un gigantesque Welcome”, explique, photo à l’appui, l’auteur de Permissionnaires dans la Grande Guerre (éditions Belin). Les grands hôtels hébergent des administrations et des soldats américains ou des clubs financés par des œuvres de guerre. Autour des gares du Nord et de l’Est - où arrivent les permissionnaires du front -, les militaires français s’abandonnent dans les hôtels, restaurants et cafés où se pratiquent la vente de boissons illicites et la prostitution.

Pas d’alcool pour les hommes, pas de sucreries pour les femmes

Partout en France, des hôtels sont réquisitionnés pour loger des réfugiés, des militaires ou des blessés. Les hôteliers se plaignent de la faiblesse des compensations mais tirent finalement profit de la situation en cette période de crise. En 1917, les garçons de café se mettent en grève pour obtenir les mêmes revalorisations de salaire que les ouvrières des usines d’armement. Des cafés kabyles prolifèrent, à Carpentras par exemple, où une énorme usine emploie de nombreux nord-africains. Sur la Côte-d’Azur, la consommation de limonade explose puisque c’est vers Toulon ou Marseille que les sobres tirailleurs sénégalais sont envoyés au repos. “Durant le conflit, on ne mourrait pas de faim en France, mais il y avait des pénuries que les régulations et l’intervention de l’État ont fort bien contenues. On manque de légumes frais et d’œufs. Cette situation favorise l’industrialisation de la nourriture avec, par exemple, des œufs en poudre, des bouillons en cubes et l’importation de viande surgelée. Prosper Montagné devient consultant pour l’armée et contribue à former les cuisiniers du front, qui ne sont pas des professionnels”, liste Emmanuelle Cronier. L’historienne évoque encore le rationnement qui s’abat sur la pâtisserie : “On manque de sucre. Les jours d’ouverture des pâtisseries sont restreints. Les femmes sont même accusées de s’y livrer à la gourmandise plutôt que de participer à l’effort de guerre dans les usines.”

#PremièreGuerreMondiale# #EmmanuelleCronier# Prosper Montagne


Photo

Publié par Francois PONT



Commentaires
Photo

En cliquant sur publier vous acceptez les [conditions générales d'utilisation]

Voir notre Politique des données personnelles

Dialoguez avec nos experts !

(Service réservé à nos abonnés : 3,33€/mois)

Vous souhaitez poser une question
ou ajouter un commentaire ?

Un seul clic pour accéder à la suite :




Vidéos-Podcasts


Newsletter

Ne Ratez plus l'actualité , abonnez-vous à la newsletter quotidienne !


Dernières offres d'emploi

Chef de partie H/F

77 - Chessy

Chef de partie H/F - BRASSERIE ROSALIE Mission Nous recherchons dans le cade d'un CDI, un(e) Chef(fe) de partie H/F, pour la BARSSERIE ROSALIE  ROSALIE "La brasserie traditionnelle de Disney Village" Descriptif du poste :  S’assurer de l’adéquation entre les mets que vous préparez

Posté le 17 juillet 2025

Serveur H/F

19 - Saint-Privat

Serveur (H/F) Mission Qui sommes-nous ? Créateur d’expériences de séjours et de gastronomie depuis 70 ans, le groupe LOGIS HOTELS est la première chaîne de restaurateurs-hôteliers indépendants en Europe avec plus de 2000 hôtels répartis dans 8 pays et 6 marques (Singuliers Hôtels, Demeures & Ch

Posté le 17 juillet 2025

Plongeur - Aide cuisinier H/F

75 - Paris-1ER-Arrondissement

Plongeur(euse) H/F - Au Pied De Cochon Mission Nous recherchons dans le cadre d'un CDI, un(e) plongeur(euse) H/F pour la Brasserie Au Pied de Cochon A propos du restaurant: Adresse mythique parisienne des Halles, en plein coeur de Paris, Le Pied de Cochon est le premier e´tablissement

Posté le 17 juillet 2025