Restauration : Promouvoir ses prestations mais garder ses marges

Quel type de promotion envisager à la réouverture pour faire revenir les clients dans son restaurant ? Christopher Terleski, du cabinet C.H.R. Conseil et Formation, fait le point.

Publié le 13 septembre 2023 à 14:13


© GettyImages

L’un des clients de mon cabinet C.H.R. Conseil et Formation, restaurateur dans le sud de la France,m’a envoyé ce message : “J’ai été approché entre les deux confinements pour participer à la promotion de mon établissement à travers une réduction de 50 % du prix de vente des menus. Craintif de trop réduire mes marges, je me suis abstenu. Ai-je bien fait ?”

Il est certain que l’ennemi numéro 1 des restaurateurs, surtout depuis le début de la pandémie, est celui de la chaise vide et que la tentation naturelle est de les remplir en se disant qu’il vaut mieux un client que personne dans sa salle.

Cependant, avant de s’engager dans une action de promotion à - 50% il est nécessaire de bien analyser les conséquences éventuelles qui pourrait émaner d’une réponse hâtive rendue à une promotion présentée d’une façon très alléchante par ceux qui vous l’ont proposée.

En réduisant le prix de vente de votre produit il est évident que la marge va suivre car en proposant deux repas pour le prix d’un, la marge est coupée en deux. Si dans votre établissement, vous travaillez habituellement avec un coût matières de 30 % (marge brute de 70 %) et que vous engagez dans la promotion, le coût matières augmente à 60 % et la marge descend à 40 %.

Si, en parallèle, votre masse salariale chargée avoisine 40 % en temps normal et vos autres charges de fonctionnement 20 % il est évident qu’avec une marge brute de seulement 40 %, vous ne pourriez pas faire face : vous serez plus pauvre en fin de service qu’au début.

L’idée de réduire de 50 % son prix de vente en espérant que la venue des clients va provoquer des ventes additionnelles est un pari incertain. Il est possible même de dire qu’une telle promotion pourrait rapidement devenir ‘un accélérateur de faillite’.

Cela dit, il faudrait peut-être vous inspirer de l’idée de base. Certains restaurateurs ont appliqué une forme de Yield Management qui leur permet d’attirer les clients en nombre sur le ou les services habituellement calmes, en réduisant certaines marges tout en gagnant plus à travers un chiffre d’affaires accru.

À titre d’exemple, un restaurateur dans la Moselle qui propose un menu ‘tout compris’ une fois par semaine a réussi à fermer le jeudi soir (notoirement calme) pour remplir le mercredi soir (auparavant aussi calme que le jeudi), ce qui lui permet de vivre la situation enviable où il faut réserver bien à l’avance pour avoir une table. Le restaurateur a gagné et les clients habituels et nouveaux sont ravis de cette soirée de promotion.

Comment fonctionne une telle promotion ?

Il faut continuer à proposer le menu pour deux personnes au prix normal. En faisant ainsi, la marge est maintenue. En même temps, il faut l’inclure dans le package ‘tout compris’ dans lequel figurent, deux kirs à l’apéritif, deux verres de vin par personne choisis par le restaurateur, une bouteille d’eau minérale, une boisson chaude et un digestif par personne en fin de repas. Le principe est de créer un package attractif et séducteur, en réduisant très fortement le prix de vente des produits additionnels qui complètent le package.

Pour permettre de mieux comprendre, il faut appréhender la démonstration chiffrée qui suit, partant des prix habituellement pratiqués par le restaurateur. Dans cet exemple, ce dernier fonctionne avec un coût matières de 30 % sur son menu.

 

Prix de vente TTC

Prix de vente HT

Coût matières

Marges

2 menus

70 €

63,64 €

19,09 €

44,55 €

2 kirs

10 €

8,33 €

2 €

6,33 €

4 verres de vin

20 €

16,67 €

4,50 €

12,17 €

2 boissons chaudes

5 €

4,55 €

1 €

3,55 €

1 eau minérale

5 €

4,55 €

1 €

3,55 €

2 digestifs

15 €

12,50 €

3 €

9,50 €

Total normal

125 €

113.64 €

30,59 €

79,64 €

Sachant que les deux menus sont des produits incontournables, le client rentre dans le restaurant pour manger, mais que tous les autres produits sont des ventes additionnelles (le client pourrait juste demander une carafe d’eau s’il rentrait pour l’offre à - 50% !), il est ainsi suggéré de baisser considérablement les prix de vente des produits additionnels dans le package.

Ayant connaissance que les ventes additionnelles coûtent 11,50 € HT ou 13,60€ TTC, il serait, dans l’absolu, possible de les vendre pour ce montant + la TVA fixant ainsi le prix du package à 83,60 € (70 € + 13,60€). Comme l’idée n’est pas de vendre à prix coûtant mais de gagner un peu sur chaque vente additionnelle il est suggéré de doubler ces coûts et de fixer ainsi le prix du package à 97,20 €, arrondi à 99 € ou 100 €.

En mettant le prix de vente à 100 €, le client voit une promotion alléchante à - 25% par rapport au prix normal. En même temps, l’exploitant voit une marge de plus de 58 € (44,55 € sur les menus et 14,03 € sur les ventes additionnelles) en fonction des prix de vente TTC éventuellement fixé de chaque article (effet taux de TVA).

Tandis qu’il ne gagne pas énormément sur les ventes additionnelles, le prix global pour un dîner aux chandelles pour deux personnes, est plus attrayant pour l’exploitant que l’inconnu de la facture quand le client s’aventure au restaurant sans achats supplémentaires garantis.

Il y a un ‘risque’, néanmoins, à savoir celui d’attirer des clients sur des créneaux habituellement calmes, quand le personnel est présent, mais quand les recettes ne couvrent ni les frais de personnel, ni les charges fixes : le risque est de vendre. Le risque de gagner plus !

En hôtellerie

Pour des hôteliers, vous pouvez utiliser l’élasticité du prix de la chambre pour rendre les packages plus alléchants.

Un très bon exemple réel est celui d’un hôtelier-restaurateur de l’est de la France qui a lancé une promotion le dimanche soir, à la fin du mois de septembre dernier. Habituellement, il servait entre 10 et 20 couverts le dimanche soir, et son hôtel avait un taux d’occupation inférieur à 40 %. Le succès fut immédiat au point que, juste avant le reconfinement à la fin du mois d’octobre, l’exploitant s’est trouvé en situation de refuser des clients car il servait 60 couverts. Extrapolée sur six mois d’activité en hiver, la génération du chiffre d’affaires avoisinerait 50 000 €, un chiffre d’affaires qui n’existait pas auparavant.

Concevoir des packages qui correspondent à son entreprise et à sa clientèle

Pour revenir à la première question et pour conclure, il faut comprendre que baisser le prix de 50 % d’un menu à 35 € vous garantit une marge de 25,45 € sur les deux couverts.
En initiant l’idée du package tout compris, vous gagnerez une marge de 58,58 €, soit un écart de + 130 %.

Naturellement, l’écart serait amoindri par vos ventes additionnelles si vous optez pour la première solution qui est de promouvoir seulement les menus, mais la question fondamentale est de savoir combien il faudrait faire de couverts supplémentaires pour arriver à la même marge ? Travailler plus pour ne pas gagner plus, voire gagner moins.

Il serait certainement souhaitable de vous inspirer de l’idée de la proposition qui vous a été faite initialement, ou de inspirer de l’idée de l’opération Tous au Restaurant pour, par la suite, concevoir des packages qui répondent au plus juste à votre entreprise et sa clientèle. Travailler mieux, gagner plus.

Ensuite, il faut le faire savoir par des canaux de distribution non assujettis aux commissions qui rogneraient la marge, d’où la nécessité d’une bonne utilisation de votre site internet et des médias sociales.  Et surtout, vous gardez votre indépendance.

Le dernier conseil est : osez !, car le seul risque est que cela fonctionne !


Publié par Christopher Terleski



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