Les pertes dans le maintien de la marge brute

Traditionnellement peu ou pas comptabilisées au quotidien, les pertes liées aux mauvaises planifications, aux mauvaises procédures ou tout simplement à la malchance peuvent dégrader sensiblement la marge brute de l’entreprise.

Publié le 09 mars 2021 à 17:39

Il est souhaitable d’essayer de réduire les pertes au maximum et, dans la mesure du possible, de les chiffrer pour avoir une idée plus claire de l’enjeu qu’elles représentent.

Tandis que les pertes, et peu importe leur origine, se traduisent toujours par un seul chiffre dans le compte de résultat, à savoir une baisse du résultat, il est important de comprendre que les causes peuvent être multiples, ponctuelles ou récurrentes, évitables ou inévitables.

  • Les pertes inévitables

Certains évènements, par leur nature, défient toute préparation préventive, par exemple :
- baisse subite de l’activité liée à un événement imprévu ;
- fermeture brusque et non prévisible (pour pandémie) ;
- coupure de courant non détectée dans l’entreprise pendant un long week-end ou en période de fermeture annuelle ;
- coupure de courant géographique, mais très visible, liée à des intempéries ;
- défaillance d’un équipement de stockage qui reste non-détectée initialement ;
- cambriolages.

Normalement et fort heureusement, ces pertes inévitables sont rares (exception faite de la pandémie de Covid-19 qui a bouleversé le fonctionnement des entreprises depuis mars 2020). Même si les chiffres qu’elles représentent peuvent rapidement croître, en général, elles n’influent que marginalement sur les résultats en fin d’exercice.

Il est possible que ces pertes soient couvertes par les assurances de l’entreprise, même si la découverte de clauses suspensives des assureurs suit très souvent, et de très près, le sinistre lui-même quand l’assureur - qui avait “tout assuré” - annonce un alinéa excluant le dédommagement dans ce “cas particulier”. Même sans clause suspensive, il existe presque toujours des franchises liées à la perte.
Dans les cas de pertes inévitables, le chiffrage est relativement facile à réaliser car il s’agit de pertes circonscrites, permettant ainsi d’ajuster les chiffres analytiques pour que ceux-ci reflètent la vraie performance de l’entreprise.

  • Les pertes évitables

Si les pertes inévitables sont assez rares et leurs coûts absolus proportionnellement réduits,  les pertes évitables sont nettement plus dévastatrices. Leurs causes ont deux origines distinctes : structurelles et opérationnelles.

    • Les pertes structurelles

Les pertes structurelles sont essentiellement liées à la conception de la carte des mets et menus, ainsi que celle des boissons. Citons notamment :

- certains plats qui sont maintenus à la carte malgré le peu de ventes qu’ils occasionnent, obligeant le chef à les recycler, en espérant les vendre sous une autre forme. Par exemple, un restaurateur qui achète du saint-pierre entier pour le mettre en filet dans son menu à 47 € mais qui, faute de ventes, le recycle tel quel dans son menu du marché du midi à 27 €. Le plat était adapté au premier menu mais ‘assassine’ la marge dans le deuxième ;

- les fruits de mer dont la rotation des stocks est vitale et dont les ventes peuvent être aléatoires en cas de changement de météo ou de fréquentation en dents de scie ;

- le plat du jour qui est acheté habituellement en quantité trop importante et qui engendre des pertes inévitables à moins d’être recyclé. Même réutilisé pour le repas du personnel, il peut représenter une perte importante de marge ;

- le champagne proposé à la coupe mais qui se vend si peu régulièrement que le reste de la bouteille est perdu après le service de seulement un ou deux verres. Dans ce cas, il est préférable de proposer une demi-bouteille (trois verres) à un prix modique que les clients consomment avec plaisir plutôt que de réaliser une vente ainsi qu’une perte qui ne produisent aucune marge dans la finalité ;

- certains vins proposés au verre qui ne provoquent pas suffisamment de débit et qui sont finalement soit bus par l’exploitant et son personnel, soit simplement jetés. Dans ce cas, il vaut mieux proposer des vins qui se vendent régulièrement et en quantité avec éventuellement ‘le vin du mois’ pour étoffer la gamme.

Tandis que ces pertes peuvent être importantes, elles ont au moins l’avantage d’être détectables et il est possible de les minimiser grâce à une meilleure planification.

    • Les pertes opérationnelles non détectées

Si les pertes inévitables qui sont flagrantes et les pertes évitables qui sont rectifiables avec la mise en place d’une meilleure méthodologie, les pertes les plus importantes demeurent de loin les micro-dérives qui, une fois cumulées, peuvent coûter très cher.

Les causes des pertes qui restent indétectées sont multiples. Parmi elles, figurent :

- des produits manquants lors de la livraison, alors que celle-ci ne fait l’objet d’aucune vérification ;
- de mauvaises conditions de stockage, qui font courir le risque de perdre des produits fragiles ;
- l’absence d’une bonne rotation des stocks ;
- des transformations qui manquent de la technicité : épluchages grossiers, levage de filets de poissons mal maitrisés (dans ce cas, mieux vaut acheter le poisson en filets si le personnel ne peut pas réaliser cette tâche) ;
- taillages et mises en portion sans pesage. Sans balance, personne n’est capable de garantir des poids justes dans la durée ;
- service du vin avec un cl en trop dans chaque verre vendu. Un verre témoin ou logoté contournent ce problème ;
- 4 cl de trop lors du service de la bière dans les verres ‘ballons’ où la ligne de 25 cl ou 33 cl se situe au niveau où le verre est au plus large. Trop de mousse car le personnel n’est pas formé au tirage de la bière, ou les lignes de bière ne sont pas nettoyées assez régulièrement ;
- des oublis de facturation.

Dans tous les cas, l’effet peut être dévastateur.

Pour réduire sensiblement ces pertes il est nécessaire :
- d’instaurer des procédures simples et rapides pour réduire les risques de dérive ;
- d’équiper l’entreprise pour garantir un meilleur fonctionnement (balances, chambres froides…) ;
- d’informer le personnel des pertes possibles  et des améliorations réalisées ;
- de former le personnel pour améliorer sa performance.

L’utilisation du tableau de bord devrait permettre de déceler des changements importants. Si les marges sont habituellement bonnes et deviennent subitement mauvaises, il se peut qu’une des origines réside dans un changement de personnel, avec un nouveau salarié pas assez formé ou rigoureux.
Il incombe à l’exploitant de guetter la performance et d’instaurer des actions correctives nécessaires.

  • L’enjeu

Il est presque trop facile de choisir d’ignorer le sujet des pertes, considérant qu’il est peu important dans la finalité du fonctionnement de l’établissement. Cette approche est erronée et peut se révéler coûteuse.
Pour un restaurant qui est assure deux services par jour, cinq jours par semaine, qui est fermé cinq semaines par an et qui subit une perte de simplement 5 € par service, le coût annuel s’élève à 2 350€. Si la perte est de 10 € par service, le montant approche les 5 000 €.
Les pertes ne sont jamais anodines.
Dans ce même restaurant, si le ticket moyen par couvert servi s’élève à 25 € TTC et la marge brute se situe à hauteur de 70 %, la marge générée par couvert s’élève à 15,91 €. Si les pertes annuelles sont égales à 5 000€, il est nécessaire de réaliser 314 couverts pour effacer les effets des pertes, autrement dit, assurer plusieurs services dans l’année pour rien.

  • À retenir

- Les pertes peuvent avoir plusieurs origines.
- Il est important de les identifier et de les éliminer méthodiquement
- Pour cela, il est suggéré d’indiquer les pertes inévitables ou évitables sur un calepin. Celui-ci n’est pas un support accusateur de qui que ce soit, simplement un moyen d’améliorer la performance.
- Plus il y a de contrôles habituels, mais faciles et rapides, plus les pertes seront réduites.
- Toute diminution des pertes contribuera à l’amélioration des résultats.
- Avec cette amélioration, l’entreprise travaille mieux pour gagner plus, plutôt que de travailler plus pour faire seulement du sur place. 


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Publié par Christopher TERLESKI



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