Lorsqu’un locataire est titulaire d’un bail commercial en CHR, il peut vouloir sous-louer une partie des locaux pour les rentabiliser.
La sous-location est différente de la location-gérance, car la location porte sur des locaux alors que la location-gérance porte sur un transfert de l’exploitation de l’ensemble des éléments du fonds de commerce au locataire-gérant.
La sous-location peut être autorisée pour les commerces, qu’ils soient des toutes petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME), des sociétés-mères et des filiales.
La plupart du temps, les commerçants concluent un contrat de sous-location :
- signé avec un sous-locataire concernant les locaux commerciaux ;
- ou du fait de l’existence d’un bail mixte : le bail porte sur des locaux commerciaux avec un local d’habitation attenant. Le gérant qui n’occupe pas tous ses locaux peut donc souhaiter en sous-louer une partie.
Lors de la rédaction du contrat de sous-location, il y a un certain nombre de précautions à prendre.
Une autorisation obligatoire du bailleur
Cette obligation d’autorisation du bailleur concerne tous les commerces. Le locataire qui entend sous-louer doit en demander l’autorisation à son bailleur. Cela permet à ce dernier de contrôler et vérifier l’existence, le sérieux et solvabilité du sous-locataire, et donc en pratique de le choisir.
Par précaution, le preneur négociera, dès la conclusion du bail avec son bailleur, une clause qui l’autorise à sous-louer, ou bien il obtiendra un écrit du bailleur en cours de bail. Les autorisations verbales de sous-louer sont très risquées pour le locataire, et ce même si la sous-location dure depuis plusieurs années. En effet, si un bailleur engage une action en justice car il n’y a pas eu de sa part autorisation écrite de sous-location, le locataire qui a sous-loué aura du mal à prouver qu’une autorisation lui a été consentie.
Le locataire pourra toujours se défendre en arguant que le bailleur a eu connaissance de cette sous-location depuis plusieurs années (par exemple, il a autorisé au sous-locataire de faire des travaux). Cependant, rien de mieux pour le locataire d’un bail commercial qu’une autorisation écrite afin de ne pas encourir le risque d’une procédure en résiliation de bail, et même d’une décision de résiliation.
La sous-location peut être totale ou partielle. Lorsqu’elle est totale, le sous-locataire peut exercer un véritable droit au renouvellement à l’encontre de son bailleur (locataire, titulaire du bail commercial), et du bailleur des locaux (propriétaire des murs) à certaines conditions.
À l'expiration du bail principal, le propriétaire n'est tenu au renouvellement que s'il a, expressément ou tacitement, autorisé ou agréé la sous-location. Ce droit au renouvellement du bail est accordé aussi au sous-locataire partiel à l’égard du propriétaire des locaux, lorsque ceux-ci sont divisibles (article L145-32 du code de commerce).
Si le bailleur n’a pas donné son accord pour la sous-location et que le bail est en cours, il a la possibilité de délivrer à son locataire :
- un commandement de faire cesser la sous-location et faire ordonner l’expulsion du sous-locataire non-autorisé,
- un commandement d’avoir à cesser l’infraction visant la clause résolutoire du bail. Il n’aura pas à payer d’indemnité d’éviction au locataire qui a manqué gravement à ses obligations légales.
Si le bail arrive presque à expiration, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail au locataire sans payer d’indemnité d’éviction (et donc obtenir de fait, par ce biais le départ du sous-locataire).
Le propriétaire peut demander à se voir payer une indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle à compter de la date de résiliation du bail (qui remplace le loyer) à la charge du locataire et du sous-locataire (exemples : CA Paris, 30 janvier 2019, n° 18/15509 à propos d’un entrepôt ayant sous-loué illégalement à des sociétés ; CA Paris, 6 mars 2019, n° 18/21601, boutique ayant sous-loué sans autorisation du bailleur à un restaurant). Généralement, cette indemnité d’occupation est équivalente au montant du loyer, mais pas obligatoirement.
Dans l’hypothèse où le bail a été résilié par le juge et que le sous-locataire s’est maintenu dans les lieux malgré le départ du locataire principal, il sera redevable de la totalité de l’indemnité d’occupation (Cour de cassation 3e civ 9 juillet 2020 n° 19-15.874).
Les conditions pour réduire les risques de procès
Même si une clause autorise le locataire de sous-louer, le bailleur doit par ailleurs être appelé, par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception, à intervenir à l’acte de sous-location (article 145-31 du code de commerce), sauf clause contraire (Cass. 3e civ. 27-9-2006 n° 05-14.700 et CA Paris 26-2-2020 n° 18/05192)
Si une clause du bail commercial énonce : “Les lieux loués pourront être sous-loués sous la seule responsabilité de la preneuse qui fera son affaire personnelle des sous-locations, le bailleur ne devant jamais être inquiété à ce sujet”, cela n’exclut pas l’obligation d’appeler le bailleur à concourir à l’acte.
Une éventuelle renonciation par le bailleur nécessite une formulation qui n’est pas ambigüe (Cour d'appel, Paris, pôle 5, chambre 3, 26 février 2020 – n° 18/05192).
Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale.
Un arrêt de la Cour de cassation rendu récemment est intéressant car il indique que si le locataire met à disposition d’un tiers son local avec des prestations de service associées, il ne s’agit pas d’une sous-location. Le prix doit être global et rémunérer indissociablement la mise à disposition des locaux et les prestations de service (en l’espèce, il s’agissait des prestations d’ameublement, d’entretien des locaux, de chauffage, accès à internet, téléphone, assurance, surveillance...) . Le bailleur voulait augmenter le loyer de son locataire qui avait selon lui, sous-loué irrégulièrement les locaux. La Cour de cassation a donc refusé au bailleur le réajustement du loyer compte-tenu du fait qu’il ne s’agissait pas d’une sous-location.
On peut donc aussi comprendre de cet arrêt que l’accord du bailleur ne serait pas nécessaire pour mettre à disposition d’un tiers des locaux avec prestations de services, moyennant un prix indissociable entre la mise à disposition et la prestation de services (redevance). Ainsi, le locataire doit fournir un certain nombre de prestations à son propre locataire. Attention cependant à ce que ces prestations soient réelles pour éviter les procès de la part du bailleur.
Par ailleurs, si une clause autorise la sous-location sans réserve, notamment sur le choix du sous-locataire, et si le bailleur refuse la sous-location, le preneur peut alors envisager de signer le contrat de sous-location en outrepassant son refus. Dans ce cas, si le bailleur demande la résiliation du bail contre le locataire, il ne pourra voir son action aboutir et pourra se voir condamné à des dommages et intérêts au profit du locataire.
Enfin, une clause du bail peut autoriser la sous-location à certaines conditions (par exemple relative à la solvabilité du sous-locataire.). Si les conditions émises par le bail ne sont pas respectées par le locataire, les risques de sanctions sont les mêmes : acquisition de clause résolutoire ou résiliation du bail.
Bien entendu, le bail ne doit pas poser à son locataire commerçant des conditions abusives, sinon les juges lui donneront tort.
Si le bailleur n’a pas été appelé par son locataire commerçant à participer à l’acte de sous-location et a obtenu la résiliation du bail à l’encontre du locataire, il sera tout de même possible pour le sous-locataire de se maintenir dans les lieux, si le bailleur lui a consenti un droit à y rester. Il peut en être ainsi, par exemple par :
- une clause expresse du bail principal indiquant que l’expulsion du locataire ne vaut pas expulsion du sous-locataire ;
- ou par une convention d’occupation précaire orale moyennant le paiement d’une indemnité d’occupation perçues par le bailleur (CA d’Aix-en-Provence 13 juin 2019 n° 16/18821).
Si le sous-locataire a occupé le terrain loué avant même la signature du contrat de bail, le locataire en conflit avec le sous-locataire ne peut pas reprocher au bailleur son opposition à la sous-location (CA Amiens, 5 février 2019, n° 17/01246).
Les formalités pour le locataire
Si le locataire est autorisé à sous-louer, il doit tout de même prévenir le bailleur de son intention de sous-louer. En pratique, il le fera concourir à l’acte en lui soumettant le projet de contrat de sous-location.
Dès réception de la demande, le bailleur a 15 jours pour indiquer s’il entend user de sa faculté de participer au contrat de sous-location. S’il ne répond pas, la sous-location est autorisée de fait.
L’autorisation du bailleur à la sous-location peut être soumise à certaines conditions de forme par le bail.
La Cour d’appel de Paris a considéré que lorsqu’un bail impose au locataire principal de “faire constater par acte authentique (la sous-location) dont copie exécutoire sera remise au bailleur sans frais pour celui-ci”, cette formalité doit être respectée. En l’espèce, le juge a considéré que le fait de ne pas communiquer ledit acte au bailleur, malgré une sommation, est constitutif d’un motif “grave et légitime”, permettant au bailleur de refuser le renouvellement du bail sans offrir d’indemnité d’éviction (Cour d'appel, Paris, pôle 5, chambre 3, 10 avril 2019 – n° 17/15629).
L’autorisation peut être non écrite mais, dans ce cas, elle doit résulter d’une attitude claire du bailleur.
Attention : la simple connaissance par le bailleur de l’existence d’une sous-location et le fait qu’il n’ait pas réagi ne peuvent pas en principe s’interpréter en un accord. En revanche, un comportement du bailleur, telle une lettre au sous-locataire qui l’autorise à réaliser des travaux, peut constituer un accord tacite de la sous-location.
Si la sous-location n’est pas permise, et que le bailleur proteste, il lui est possible d’obtenir la résiliation du bail.
Les formalités pour le sous-locataire
Il est souhaitable que dans le contrat de sous-location, il soit mentionné que le locataire doive procéder et justifier auprès de son sous-locataire de la signification de l’acte de sous-location au bailleur.
Après conclusion du contrat, le sous-locataire doit demander à son locataire de justifier de l’accomplissement des formalités requises auprès du bailleur.
En cas de doute, le sous-locataire peut prendre l’initiative de demander au bailleur une telle autorisation, pour rendre l’acte opposable à toutes les parties.
La sous-location de chambres meublées
De nombreux hôtels pratiquent la sous-location de chambres meublées pour quelques jours, à la semaine, au mois ou à l’année. Par exemple, une entreprise peut vouloir sous-louer pour 6 mois une chambre pour un cadre ou ouvrier travaillant loin de son domicile.
Il faut en principe l’accord du bailleur pour sous-louer ces chambres meublées, soit une fois à titre général pour toute la durée du bail, soit à chaque signature par l’hôtelier d’un contrat de sous-location. Cette dernière solution est extrêmement lourde.
L’hôtelier a donc tout intérêt à bien négocier et le prévoir dès la conclusion du bail, car une demande en cours de bail peut l’exposer à un refus ou à un accord moyennant une augmentation de loyers.
Le coworking
Certains restaurateurs souhaitent mettre à disposition leur cuisine moyennant une rétribution.
L’activité de coworking pourrait s’apparenter, aux yeux d’un bailleur propriétaire des murs, comme de la sous-location (par exemple, sous-location d’une cuisine à une autre personne pour y préparer des plats) et donc requérir son accord. Comme indiqué, sauf s’il y a une clause contraire du bail, la sous-location totale ou partielle est interdite, sauf accord du bailleur (article L145-31 alinéa 1er du code de commerce). À défaut, ce dernier peut obtenir la résiliation du bail aux torts de son locataire (ou l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail).
Le propriétaire devra aussi être appelé à l’acte et y concourir. Il est donc conseillé de demander l’accord du propriétaire si l’exploitant du commerce compte sous-louer uniquement ses locaux, sauf stipulation contraire prévue au bail.
Cependant, une autre possibilité existe : la mise en location-gérance à durée déterminée de l’établissement. Le propriétaire d’un fonds de commerce peut mettre celui-ci en location-gérance dès la signature du contrat de bail par lui avec le bailleur. Dans de nombreux baux, la sous-location des locaux est interdite sans l’accord du bailleur, mais la location-gérance du fonds est permise. Il faut donc vérifier qu’il n’existe pas de clause interdisant au commerçant de conclure un contrat de location-gérance ou soumettant à accord du bailleur la personne du locataire-gérant.
Compte-tenu de l’enjeu que représente la sous-location, il est nécessaire de se faire conseiller et rédiger le contrat de sous-location par un avocat spécialiste des CHR.
Publié par Sophie PETROUSSENKO AVOCATE