Indemnité d'éviction

Publié le 23 janvier 2023 à 18:15

Qui doit l’indemnité d’éviction ?

Le bailleur de locaux loués à un commerçant peut donner congé à son locataire. Dans ce congé qu’il lui fait délivrer, il peut offrir le renouvellement du bail ou le refuser dans les 6 mois avant la fin du contrat. Le locataire peut aussi demander un renouvellement du bail dans le même délai ou après.

Qu’il s’agisse d’un congé donné par le bailleur ou d’une demande de renouvellement du locataire, si le bailleur refuse le renouvellement, il doit en principe verser une indemnité d’éviction correspondant aux préjudices subis par le locataire.

Dans le cas d’un démembrement de propriété, seul l’usufruitier, qui a la qualité de bailleur, a la charge de l’indemnité d’éviction et peut mettre fin au bail (article L145-14 du code de commerce). Si l’usufruitier ne peut consentir un bail commercial ou le renouveler sans l’accord du nu-propriétaire, il peut mettre fin à un tel bail sans le concours de ce dernier. Le juge indique que “l’usufruitier a seul les qualités de bailleur dont il assume toutes les obligations à l’égard du preneur”, et en déduit que l’indemnité d’éviction est à sa seule charge (Cass 3e Civ, 19 décembre 2019, n° 18-26.162).

Existe-t-il des exceptions à cette obligation ?

Il y a trois exceptions à cette obligation.

1. Si le bailleur peut justifier d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire. Il s’agit d’une infraction au bail suffisamment importante : retard important ou défaut de paiement des loyers, conclusion d’une sous-location sans l’accord du bailleur, conclusion d’un contrat de location-gérance, travaux importants non autorisés par le bailleur.

Il appartient au bailleur de prouver le manquement du locataire, par exemple que ce dernier a réalisé des travaux sans son autorisation (Cour de d’appel de Versailles, 12e ch. 5 janvier 2023). L’absence de motif grave et légitime n’entraîne pas la nullité du refus de renouvellement du bail, mais l’obligation du bailleur de payer l’indemnité d’éviction.
Par ailleurs, le locataire commerçant a droit à une indemnité d’éviction si le bailleur ne lui a pas notifié, avant le refus de renouvellement, une mise en demeure préalable par acte d’huissier de mettre fin aux infractions au bail reprochées (défaut de paiement des loyers, défaut de jouissance des lieux en bon père de famille, à savoir, défaut d’entretien).
Il en est de même pour une absence de mise en demeure totale ou nulle pour vice de forme, qui ne suffisent pas pour entraîner la nullité du congé mais ouvrent le droit au paiement d’indemnité d’éviction au profit du locataire (Cour d’appel de Rennes 11 mai 2022, n° 18/07816).
Les juges admettent que cette mise en demeure, qui donne au locataire un délai d’un mois pour régulariser la situation, puisse être notifiée jusqu’au jour du congé du bailleur, et dans le même acte que le congé.
Si la Cour de Cassation (3e ch. civile, 21 mai 1970) a indiqué que la mise en demeure d’avoir à exploiter effectivement un local commercial qui est intervenue un mois et demi après le refus de renouvellement permet le défaut de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction, cet arrêt n’est pas transposable si le bailleur attend deux ans après son refus de renouvellement pour notifier cette mise en demeure à son locataire. Le fait d’avoir attendu deux ans après le refus de renouvellement pour adresser une mise en demeure a donné le droit au locataire à une indemnité d’éviction.

2. Si l’immeuble est déclaré insalubre par l’autorité administrative et doit être totalement ou partiellement démoli ou s’il est établi que l’immeuble ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.

De plus, si le bailleur notifie à son locataire un congé avec refus de renouvellement accompagné d’une offre d’indemnité d’éviction et qu’ensuite les locaux sont détruits par incendie et ne peuvent donc plus être utilisés conformément à leur destination, le commerçant ne peut plus demander paiement de l’indemnité d’éviction car le bail est résilié de plein droit par suite de la destruction totale des lieux (articles 1722 et1741 du code civil). “Il résulte de la combinaison des articles 1722 et 1741 du code civil que le bail prend fin de plein droit par la perte totale de la chose survenue par cas fortuit ou même par la faute de l'une des parties ; que doit être assimilée à la perte totale de la chose louée l'impossibilité absolue et définitive d'en user conformément à sa destination ou la nécessité d'effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur” (CA Paris, 13 mai 2020, n° 18/20097).

3. Si le bailleur a l’intention de réaffecter les locaux en locaux à usage d’habitation, construire un local d’habitation sur un terrain nu ou encore habiter les locaux d’habitation accessoires au local commercial. Il s’agit d’un droit de reprise.

Doit-on quitter les locaux si l’indemnité n’a pas été versée ?

Deux hypothèses sont à distinguer (en dehors des trois exceptions ci-dessus) :
- le bailleur offre une indemnité d’éviction ;
- le bailleur n’offre pas d’indemnité d’éviction.

Dans les deux cas, le locataire qui a le droit à une indemnité d’éviction, peut se maintenir dans les lieux et n’en partir qu’après versement de cette indemnité par le bailleur. Il lui est même très conseillé de n’en partir qu’après le versement de cette indemnité, sinon il pourra avoir des difficultés à la récupérer. Le départ anticipé du locataire avant de percevoir l’indemnité d’éviction est aussi déconseillé car le bailleur pourra relouer ses locaux sans avoir encore versé l’indemnité d’éviction.Cependant, le locataire peut, s’il le souhaite, quitter les

lieux à la date d’effet du congé et obtenir l’indemnité par la suite. S’il quitte volontairement les lieux, le préjudice causé par le non-renouvellement de son bail sera évalué à la date de ce départ. En l’espèce, un bailleur délivre à son locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction. Le juge a refusé de se référer à un constat d’huissier postérieur au départ du locataire, et a évalué cette indemnité en se fondant sur la date de départ volontaire du locataire (Cass. 3e civ. 14-3-2019 n° 18-11.991 F-D).

Le commerçant doit être vigilant car il a deux ans à partir de la date pour laquelle le congé a été donné par le bailleur pour réclamer le paiement de l’indemnité d’éviction. Il devra donc saisir le tribunal dans ce délai (article L145-9 du code de commerce).

Si c’est le bailleur qui saisit le tribunal en premier, par exemple pour voir valider un congé sans paiement d’indemnité d’éviction, le locataire peut contester le congé et réclamer l’indemnité d’éviction dans cette même procédure, à partir du moment où il respecte le délai de deux ans (Ccass. 3e civ. 7 février 2019, n° 17-31.807). Le commerçant économise les frais d’une autre procédure.

Le bailleur a donc deux ans pour saisir le juge s’il veut faire valider le congé, à compter de la date à laquelle il l’a délivré.

L’action du bailleur à dénier le droit à l’indemnité d’éviction pour motif grave et légitime court à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l’infraction au bail commise par le locataire.

Ainsi, le bailleur doit payer une indemnité d’éviction dans le cas où il a donné congé avec refus de renouvellement au locataire commercial car ce dernier avait vendu le fonds de commerce neuf années avant sans l’en informer, mais le bailleur avait saisi le juge plus de deux ans après qu’il ait eu connaissance de ladite vente (Cour d'appel de Chambery, 1re chambre, arrêt du 15 octobre 2019, RG nº 18/00398. En l’espèce le vendeur avait notifié au bailleur le projet de cession de fonds de commerce et le nouveau locataire payait ses loyers directement au bailleur depuis 9 ans).

Une fois l'indemnité d'éviction versée au commerçant locataire, les lieux doivent être remis au bailleur à l'expiration d'un délai de 3 mois (article L145-29 du code de commerce).
Cependant, les bailleurs pourront demander au juge de faire séquestrer l’indemnité ou une partie afin d’éviter que les dettes du locataire à son égard ou à l’égard des tiers (impôts...) restent impayées lors de sa sortie (indemnité d’occupation, réparations locatives…). 
Les commerçants ont donc intérêt à payer leurs dettes auprès de leurs créanciers avant de demander le paiement d’une indemnité d’éviction et à le justifier auprès du bailleur, afin d’éviter que l’indemnité soit séquestrée pendant plusieurs mois en attendant l’apurement complet des dettes.

À compter du congé (ou refus de renouvellement) du bail et en attendant la fixation et le versement de l'indemnité d'éviction, le locataire n'est plus débiteur de loyers, mais d’une indemnité d'occupation au titre de son maintien dans les lieux. Dans ce cas, son montant correspond à la valeur locative des lieux, et non pas au montant du dernier loyer dû (Ccass. 3e civ. 13 décembre 2018, n° 17-28.055).

Lorsque le locataire se maintient dans les lieux jusqu’au versement de l’indemnité d’éviction, le bailleur reste tenu de son obligation de lui délivrer des locaux conformes à leur destination prévue au bail. Si le bailleur manque à cette obligation, il est tenu d’en réparer les conséquences (Cass. 3 civ., 28 nov. 2019, n 18-8862).

Le locataire peut obtenir du bailleur des dommages-intérêts pour les préjudices subis du fait du manquement à son obligation de délivrance, (Cour d’appel de Paris, pôle, chambre 3, 30/11/2022). En l’espèce, défaut d’accès à la cave pendant 26 ans et dégâts des eaux successifs en provenance de l’appartement au-dessus du local commercial, appartenant aussi au propriétaire, pendant quatre ans.

Enfin, seule la remise effective des clés au propriétaire des locaux, ou la preuve que celui-ci a refusé de les recevoir, vaut libération effective des locaux commerciaux (Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, n° 19-22.443).

Le montant

Dans les deux cas, l’indemnité d’éviction est issue d’une négociation entre le bailleur et le locataire. À défaut d’accord, elle est fixée par le tribunal saisi par le bailleur ou le locataire. Que ce soit en négociation ou devant un tribunal, il est toujours conseillé d’avoir recours, même si cela engendre des frais, à des experts qui détermineront, avec l’aide des avocats, la valeur de l’indemnité d’éviction.

Cette expertise amiable permettra au locataire et au bailleur de négocier, et en cas d’échec, elle servira également à la désignation d’un expert judiciaire et à la valorisation de l’indemnité par ce dernier, ce qui déterminera le tribunal.

Comment et quand est fixé le montant ?

L’indemnité d’éviction est calculée en fonction des résultats financiers du locataire, de son activité ou encore de son emplacement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutations impayés (sauf préjudice moindre du locataire).

Elle est évaluée au jour du départ effectif du locataire ou à la date de la décision du juge, si le locataire s’y trouve encore.

Il existe deux types d’indemnité d’éviction : l’indemnité de remplacement et l’indemnité de déplacement-transfert. Il s’agit de l’une ou de l’autre mais, en tout état de cause, les deux ne sont pas versées ensemble.

L’indemnité de remplacement

L’indemnité de remplacement compense le préjudice lié à la perte par le commerçant locataire de son fonds de commerce. Elle est égale à sa valeur fixée suivant les usages de la profession et permet au locataire d’acquérir un nouveau fonds de valeur identique.

Pour évaluer la valeur du fonds de commerce, les juges choisissent la méthode qui leur semble la plus adaptée.

Méthode du chiffre d’affaires moyen : chiffre d’affaires moyen HT des trois derniers exercices auquel on applique un coefficient (pour l’application du coefficient multiplicateur qui peut être de 1 à 4 fois, les juges décident souverainement).
Exemple : un propriétaire d’hôtel 1 étoile dans le IVe arrondissement de Paris a obtenu une indemnité d’éviction égale à 3,5 fois le chiffre d’affaires moyen HT des trois derniers exercices, soit la somme de 1 459 535 € (3,5 × 417 010 = 1 459 535), compte-tenu de l’excellence de l’emplacement et des possibilités de rénovation de l’hôtel.

Méthode du pourcentage du chiffre d’affaires : elle permet d’appliquer un pourcentage du chiffre d’affaires selon la nature et les bilans du commerce, la commercialité du quartier, le secteur géographique.
Ainsi, une indemnité pourra être égale à 110 % du chiffre d’affaires, 125 % ou 200 % par exemple.

Méthode de l’excédent brut d’exploitation (EBE). L’EBE est le solde du compte d’exploitation au bilan.
Cette méthode de calcul est basée sur le chiffre d’affaires de l’année précédente multiplié par un coefficient (exemple : 2). On applique ainsi un coefficient déterminé par le juge (après avis d’expert la plupart du temps). Exemple : si un hôtel est proche d’une gare parisienne et est très rentable, il pourra s’agir d’un coefficient égal 6 fois le chiffre d’affaires.
Suite à l’application de ce coefficient au chiffre d’affaires de l’exercice précédent, il conviendra de retirer l’EBE, en tenant compte du loyer que le locataire aurait dû acquitter en cas de renouvellement.

Méthode du différentiel de loyer : c’est le différentiel entre le loyer en cours et celui qui serait applicable en cas de signature d’un nouveau bail pour un nouvel occupant des mêmes locaux. Par cette méthode, il est possible d’obtenir une indemnité d’éviction basée sur la réalité locative, mais non sur les bilans du commerce visé.
On appliquera un coefficient à cette différence (pour l’application du coefficient multiplicateur, les juges décident souverainement : l’évaluation peut passer du simple au quadruple).

L’indemnité de déplacement

Lorsque la clientèle est liée à la personne du commerçant qui peut se réinstaller à côté sans la perdre ou en la perdant partiellement, il lui sera versé une indemnité de déplacement uniquement, qui est donc moindre.
L’indemnité de déplacement-transfert est composée des frais de transfert et d’installation du locataire dans les nouveaux locaux, de la valeur du droit au bail de l’ancien local et éventuellement du coût d’un nouveau pas-de-porte.
Pour évaluer ces éléments, la pratique courante est la méthode du différentiel de loyer, entre celui en cours et celui qui serait applicable en cas de signature d’un nouveau bail dans les mêmes locaux pour un nouvel occupant. Il sera appliqué aussi un coefficient à cette différence.

Exemple : une propriétaire d’un fonds de restauration rapide et de sandwicherie dans le Ve arrondissement de Paris a obtenu une indemnité d’éviction égale à 5,5 fois la différence entre les deux loyers (loyer d’un nouveau bail au prix du marché à 15 400 € - loyer en cours à 11 550 € = 3 850 €) soit la somme de 21 175 € (5,5 × 3 850 = 21 175).
Le locataire évincé doit, dans son intérêt, être assisté par un avocat spécialisé, car l’évaluation de l’indemnité est pointue. Le secteur de l’hôtellerie-restauration bénéficie de règles particulières de calcul de l’indemnité d’éviction (multiple de la recette journalière pour les cafés afin de tenir compte de la réalité de l’activité, pourcentage du chiffre d’affaires pour les restaurants et les hôtels…).

La Cour de cassation a estimé que la valeur du droit au bail perdu doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité d’éviction, et ce même si le locataire a trouvé de nouveaux locaux (Ccass. 3e civ. 28 mars 2019, n° 18-11.739).

Les indemnités accessoires

Des indemnités accessoires particulières viennent s’ajouter à l’indemnité de remplacement ou de déplacement-transfert. Il s’agit par exemple :
- des frais de déménagement et de réinstallation (s’il s’agit d’une indemnité de déplacement-transfert) ;
- des droits de mutation (notaire) liés à l’achat du nouveau fonds ;
- d’indemnités de licenciement dues aux salariés si l’éviction entraîne leur licenciement ;
- d’une indemnité pour perte de logement quand le bail comporte des locaux d’habitation accessoires au restaurant ou à l’hôtel ;
- des frais liés au paiement d’indemnités de résiliation de contrats ;
- d’une compensation du préjudice lié à la perte d’activités accessoires (par exemple la vente de tabac dans un débit de boissons) ;
- des frais de réemploi (commissions d’agence immobilière pour trouver un nouveau local) ;
- d’une indemnité de trouble commercial (perte d’image, détournement de la clientèle, stratégie commerciale troublée…).

Le commerce pourra obtenir des indemnités de réemploi pour trouble commercial et pour frais de déménagement s’il s’est réinstallé ailleurs.

Si des aménagements et équipements nécessaires à l’exploitation du fonds dans le local ont été réalisés, leur valeur doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité d’éviction, et ce même si une clause du bail des locaux quittés prévoit qu’ils restent la propriété du bailleur sans indemnité pour le locataire (Ccass. 3e civ. 13 septembre 2018 n° 16-26.049).

Les éléments pris en compte pour l’évaluation de l’indemnité d’éviction sont restreints aux préjudices subis par le locataire, et n’incluent pas les éventuels frais de déménagement liés à une sous-location. Par exemple, un bailleur délivre à son locataire commerçant un congé avec refus de renouvellement du bail et offre une indemnité d’éviction. Le bailleur rétracte ensuite l’offre d’indemnité d’éviction au motif que son locataire a sous-loué irrégulièrement une partie des locaux. Le locataire demande une indemnité d’éviction évaluée en prenant en compte les frais liés au déménagement de la sous-locataire. Le juge considère que l’indemnité d’éviction qui doit être retenue ne doit pas prendre en compte les frais concernant la sous-locataire tels que les frais de déménagement ou de communication. Il affirme en ce sens que “l'indemnité d'éviction du preneur sortant ne doit réparer que le préjudice qu'il a subi” (Cass 3e Civ 10 octobre 2019 n° 18-19.662).

Suite à la crise sanitaire, de nombreux congés ou refus de renouvellement ont été et sont délivrés par les bailleurs à leurs locataires commerciaux. Les bailleurs tentant de récupérer leurs locaux à bas prix allèguent que l’évaluation de l’indemnité d’éviction doit être basée sur les chiffres d’affaires, en particulier le dernier, celui de 2020 ou 2021. Les locataires commerçants doivent donc avoir recours, dès la notification de congés ou refus de renouvellement, à un avocat conseil spécialiste afin de les accompagner.

Le bailleur peut-il se rétracter ?

Suite à la notification du congé (ou refus de renouvellement) sans offre d’indemnité d’éviction, le bailleur peut se rétracter et finalement proposer le renouvellement du bail aux mêmes conditions ou avec des conditions de loyer différentes, par exemple un loyer augmenté (article L145-58 du code de commerce). Dans ce dernier cas, le débat portera sur les modifications permettant une telle augmentation (hausse des facteurs locaux de commercialité, ajout d’une activité et modification notable des engagements respectifs des parties…).
Ainsi, le locataire du bail commercial qui reste dans les lieux le temps de la procédure n’est jamais certain, jusqu’à un délai de 15 jours postérieurs à la décision judiciaire passée en force de chose jugée, de bénéficier du versement de l’indemnité.
Le bailleur peut finalement choisir de renouveler le bail, notamment après avoir eu connaissance du montant de l’indemnité réclamée ou celle fixée par le tribunal. Le locataire pourra alors continuer l’exploitation de son fonds de commerce.

Pendant la période intermédiaire s’écoulant entre la date de cessation du bail et la date de son renouvellement, le locataire paiera une indemnité d’occupation (et non plus un loyer).

Cette indemnité d’occupation est différente de celle que pourrait réclamer le bailleur d’un commerçant locataire sans droit ni titre (expulsé). En effet, elle est fixée par référence à la valeur locative, à laquelle les juges appliquent souvent un abattement de 10 à 20 %. Par exemple, si la valeur locative est de 200 000 € HT et HC par an, avec un abattement de précarité est de 10 %, l’indemnité d’occupation sera fixée à 180 000 € HT et HC par an.

Cet abattement de précarité tient compte de l’incertitude économique dans laquelle s’est trouvé le commerçant locataire, sans qu’il soit nécessaire pour lui d’établir l’existence d’un préjudice (Cour d’appel de Rennes 11 mai 2022/ n°18/08341).
Il convient donc que le locataire sollicite un expert amiable pour évaluer la valeur locative de l’indemnité d’occupation, afin d’éviter les surévaluations, surtout lorsque l’occupation dure longtemps.

Il peut arriver que le bailleur utilise la faculté de repentir comme un moyen de pression au détriment du commerçant pour tenter d’obtenir un loyer augmenté. Cependant, ce type de tentative restera le plus souvent vain, car le loyer est réglementé en cas de renouvellement du bail. Le droit de repentir exercé par le bailleur uniquement pour éviter le paiement d’une indemnité d’éviction ne peut caractériser, à lui seul, un exercice fautif (Cass 3e civ, 9 juillet 2020).

Enfin, le bailleur ne peut évidemment pas profiter de cette faculté de repentir si le locataire a quitté les lieux ou s’il l’a avisé qu’il avait loué ou acheté un local destiné à sa réinstallation. Dans ce cas, l’indemnité d’éviction devra en principe être versée.

La conclusion d’un nouveau bail par le locataire avant la notification du repentir du bailleur, fait échec audit repentir et ce, même si le locataire a continué à exploiter les lieux jusqu’à la notification du repentir. Dans ce cas, un locataire avait demandé le renouvellement de son bail à son expiration. Le bailleur avait alors délivré un refus de renouvellement accompagné d’un refus d’indemnité d’éviction fondé sur des motifs graves et légitimes. Il est ensuite revenu sur sa décision, et offert un renouvellement du bail au locataire. Toutefois, le locataire avait dans l’intervalle conclu un bail commercial avec un tiers sur d’autres locaux. La signature de ce nouveau bail invalide le droit de repentir postérieur (cour d'appel d'Angers, 25 juin 2019).

Si le bailleur décide d'exercer son droit de repentir et accepte le renouvellement du bail, il ne peut plus demander ni poursuivre la résiliation du bail pour d'anciens manquements du locataire (Ccass. 3e civ. 24 janvier 2019, n° 17-11.010).
De même, les commerçants doivent déclarer à l’administration fiscale un chiffre d’affaires réel car s’ils le minorent, non seulement ils sont en infraction, mais, de plus, l’indemnité d’éviction risque d’être très basse et ils risquent donc de perdre financièrement.



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