Cafés-hôtels-restaurants-discothèques : mieux vaut-il conclure un bail saisonnier ou un bail commercial ?

Publié le 01 avril 2025 à 12:12
  • En résumé : Le bail saisonnier permet à un locataire commerçant ou une société d’exploiter un local commercial pour une durée maximale de six mois par an, principalement dans les zones touristiques. Contrairement au bail commercial, il ne confère aucun droit au renouvellement et dispense le locataire de loyer en dehors des périodes d’exploitation. Son loyer est souvent plus élevé et peut être exigé en une seule fois, avec un dépôt de garantie pour couvrir les risques d’impayés. Un bail saisonnier qui dépasse six mois ou est reconduit sur plusieurs années risque d’être requalifié en bail commercial, avec des obligations supplémentaires pour le locataire et le bailleur. Certains contrats d’occupation précaire avec des communes peuvent également être requalifiés en bail commercial si les conditions d’exploitation le justifient.

 

Définitions

  • Le bail saisonnier

Le bail saisonnier entre un locataire commerçant (ou société commercial) et le propriétaire de murs commerciaux doit être conclu pour une saison, et peut être conclu plusieurs saisons touristiques. Il est d’une durée maximum de 6 mois par an pendant laquelle le locataire pourra exploiter ses activités commerciales. De nombreuses activités se prêtent au bail saisonnier, par exemple la vente de vêtements, de glaces, de crêpes, de bijoux, les snacks et les restaurants.

Le bail saisonnier est souvent conclu dans les lieux où il y a une forte activité touristique quelques mois par an (stations balnéaires, thermales ou de montagne), mais pas uniquement (le bail saisonnier peut aussi être conclu dans les grandes villes). L’important est qu’il y ait une activité saisonnière.

  • Le contrat 

Il peut y avoir un contrat de bail conclu par un locataire commerçant pour chaque saison, comme un seul contrat pour une ou plusieurs saisons par an. De même, il peut y avoir un seul contrat pour plusieurs années du moment que les saisons sont individualisées. Le commerçant ou société locataire doit avoir à sa disposition le local 6 mois maximum par an. À la fin de chaque saison, le propriétaire des lieux devra reprendre les clés.

  • L'inter-saison 

Ainsi, le locataire d'un bail saisonnier n'a pas à payer les loyers et les charges locatives pendant les périodes d’inter-saisons car il n’a pas le local à sa disposition. C'est un des grands avantages du bail saisonnier, contrairement au bail commercial où le locataire est tenu au paiement du loyer pendant la durée du bail, et pour une durée de 3 ans minimum, et ce même s’il n’exploite pas pendant plusieurs mois.

  • Le bail commercial classique

Lorsqu’un commerçant ou une société conclut un bail commercial classique, il est d’une durée en principe de 9 ans. ll permet au locataire l’exercice de l’activité toute l’année. Le bail commercial lui est plutôt lié à une activité pérenne dans des lieux connaissant une affluence de clients toute l'année. En principe, le commerçant ou la société commerciale locataire a droit au renouvellement à son terme. 

 

Le loyer 

Le loyer d’un bail saisonnier est souvent plus élevé que celui d’un loyer d’un bail commercial afin de tenir compte de la saisonnalité des lieux.

  • Bail saisonnier : le dépôt de garantie, le paiement des loyers

Le propriétaire des lieux demande souvent à son locataire un dépôt de garantie et parfois même le paiement de l'intégralité des loyers en une seule fois dès le départ, afin de se prémunir des éventuels impayés. Souvent, le loyer est payable en début de mois. En ce qui concerne le bail commercial, le propriétaire des lieux peut également demander un dépôt de garantie qui est souvent de 6 mois de loyer HC mais peut-être négocié. Il demande aussi souvent le cautionnement des dirigeants de l'entreprise locataire. En ce qui concerne le loyer d’un bail commercial, il est souvent payé au trimestre d'avance ou à terme échu.

  • Bail commercial classique : un loyer plafonné

Dans un bail commercial classique, le loyer est en principe plafonné. S’il n’y a pas de clause particulière (indexation selon un indice déterminé à l’avance, clause de variation du loyer en fonction du chiffre d’affaires), c’est l’Indice des loyers commerciaux qui va s’appliquer. Le loyer d’un bail saisonnier, souvent plus élevé, peut être renégocié à chaque fin de contrat.

 

Le renouvellement

Contrairement au bail commercial, il n'y a pas de droit acquis du locataire au renouvellement du bail saisonnier. Le bail saisonnier peut être renouvelé à chaque fin de bail. En théorie, il peut être renouvelé sans limite. La condition est que le local ne soit pas mis à disposition du locataire plus de 6 mois par an. En pratique, le locataire doit rendre les clés à chaque fin de saison, sinon, la location pourrait être requalifiée en bail commercial, même si le locataire n’exploite pas. Le bailleur pourrait dans ce cas, être en droit de réclamer au locataire les loyers pendant l'intersaison. Pour éviter cela, il est préférable de mentionner dans le bail saisonnier, la clause selon laquelle que le bailleur met gratuitement à la disposition du locataire, les clefs du local pendant l’intersaison, période où par exemple il pourra entreposer au matériel.

À la fin du bail commercial, le locataire peut demander le renouvellement de son bail. S’il ne le fait pas, le bail est prorogé automatiquement (tacite reconduction). En revanche, en fin de bail, le locataire saisonnier n'a plus la jouissance des locaux et il doit les libérer. Le bail saisonnier prend fin à son terme, le propriétaire des murs n’ayant aucune formalité à faire. Il peut cependant en être stipulé autrement dans le bail saisonnier, par exemple les cas et délais dans lesquels un congé peut être donné par le bailleur ou le locataire.

  • Indemnité 

Enfin, le locataire commercial a le droit à une indemnité représentant la valeur de son fonds de commerce (augmentée des frais de déménagement et du coût des licenciements) si le bailleur refuse le renouvellement de son bail ou lui délivre congé (appelée indemnité d’éviction).

Le locataire saisonnier lui, n’a le droit à aucune indemnité en fin de bail. Il en serait autrement si la location bien qu’intitulée saisonnière n’en était pas une. Tel peut être le cas si le locataire saisonnier exploite plus de 6 mois par an ou si le locataire conserve l’exploitation des lieux entre 2 saisons. Le fait que les contrats de bail saisonnier se renouvellent pendant des années, avec le même locataire, dans les mêmes lieux, pour la même activité, que le locataire exploite de manière permanente et qu'il n'y ait donc pas de justification objective du caractère saisonnier de l'activité, permet de requalifier le contrat saisonnier en bail commercial.

  • Requalification

Les contrats d’exploitation conclu par le commerce et leur durée (par exemple, contrats de travail, assurance des locaux, téléphone fixe, consommation d’électricité, de gaz ..) sont de nature à prouver que le locataire exerce une activité non saisonnière.

Le locataire a 2 ans à compter de la conclusion du contrat, pour saisir le tribunal en requalification afin de pouvoir avoir une indemnité d’éviction en cas de congé ou de non renouvellement du bail par le bailleur. Cependant si cette action aboutit le bailleur aura la possibilité de demander aussi le paiement des loyers à son locataire chaque mois de l'année et pendant la durée du bail , en principe 9 ans.

Certains contrats dits conventions d’occupation précaire sont conclus par les commerçants ou sociétés commerciales avec des communes sur leur domaine privé (ex : station de ski) pour une ou plusieurs saisons. Elles sont sujettes aussi à requalification en bail commercial et donc la commune devra verser à l’exploitant une indemnité d’éviction en cas de non renouvellement de contrat.

Cela concerne beaucoup de commerçants qui ont conclu des conventions d'occupation précaires d'une durée de plusieurs années avec les communes prévoyant des travaux d'un montant souvent important, effectués par le locataire, à ses frais (exemple : étanchéité du conduit de fumée de la cheminée barbecue afin de permettre son utilisation pour la cuisson,  mise en place de prise de force électrique triphasé dans la cuisine, la réfection du système de traitement d’eau, remise à niveau d’une fosse septique,  formalités permettant le branchement téléphonique, remise en état des locaux tels la peinture et le nettoyage…). Souvent, dans le cadre de ces conventions, les réparations des locaux et l’entretien sont mises à la charge du locataire. Si la commune rompt le contrat, alors le locataire pourra demander la requalification du contrat en bail commercial, car il a travaillé plus de 6 mois dans l'année pendant plusieurs années, et qu'il n'y a pas de justificatif de recours au contrat saisonnier.

  • Domaine public

Tout comme le locataire commercial, un locataire saisonnier peut tout à fait faire une demande d'occupation du domaine public, par exemple une terrasse extérieure afin de développer son chiffre d’affaires en créant une surface commerciale supplémentaire grâce à la terrasse (couverts supplémentaires, surface de vente supplémentaire) dans une station de ski ou une station balnéaire.

 

Il est fortement recommandé aux cafés, hôtels, restaurants et discothèques de recourir en amont aux conseils d’un avocat spécialisé avant de conclure des baux saisonniers ou commerciaux afin de sécuriser les opérations financières, fiscales et juridiques et d’optimiser aussi leur chiffre d’affaires et leurs bénéfices.

cabinet-petroussenko.com 


Publié par Sophie Petroussenko, avocate au barreau de Paris



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