L’achat d’un fonds de commerce, la rénovation d’une cuisine… représentent des investissements qui se caractérisent par une dépense importante mais aussi par l’espérance d’un retour sur investissement pendant plusieurs années. C’est pourquoi ils doivent être financés par des ressources stables, d’origine interne ou externe, qui permettent de disposer du temps nécessaire pour que l’investissement produise les ressources qui serviront à rembourser les emprunts et à rémunérer les apports.
Investissements :
- achat d’un fonds de commerce ;
- acquisitions d’immobilisations : matériel, aménagements, rénovation… ;
- fonds de roulement permanent.
Financement :
• Fonds propres :
- origine externe : apports en capital ; apports en compte courant d’associés ; subventions.
- origine interne* : capacité d'autofinancement diminuée des dividendes distribués.
• Financements externes : emprunt bancaire, crédit-bail…
* Les ressources d’origine interne n’existent pas au moment de la création.
- Quelle répartition entre les fonds propres et le financement externe ?
Pour une création ou une reprise, les fonds propres seront au minimum de 40 % et au maximum de 60 %.
La part des emprunts dans le financement dépend de la rentabilité et du risque perçus par le banquier : plus le projet paraît risqué, plus le banquier exigera des fonds propres importants. La perception du risque dépend :
- du niveau de risque du secteur : l’hôtellerie et la restauration sont considérés aujourd’hui comme des secteurs plutôt risqués par la plupart des banquiers, ce qui conduit à exiger des fonds propres importants ;
- du risque du projet : celui-ci dépend de la qualité du business plan et de la personnalité du ou des créateurs. Par exemple, un projet de création en franchise sera considéré comme moins risqué car le concept a été testé tant au plan commercial que gestion.
En cas de création ou de reprise, la part des fonds propres exigés est rarement inférieure à 40 %.
En cas d’investissement important en cours d’exploitation (rénovation, extension), il est possible d’obtenir un financement externe plus important si l’entreprise a fait la preuve de sa rentabilité.
- Le financement par fonds propres
Les fonds propres désignent des ressources apportées par les propriétaires de l’entreprise (entrepreneur individuel, associés ou actionnaires) ou provenant des amortissements pratiqués et des bénéfices non distribués. Ils se caractérisent par une grande stabilité par rapport aux autres moyens de financement dont le remboursement s’effectue selon un échéancier préétabli.
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- L’apport en capital
Le capital représente le montant des apports en numéraire ou en nature effectués par les associés ou les actionnaires d’une société.
Au plan juridique, la détention des actions est un droit de propriété. Le droit de vote donne un pouvoir de décision.
Au plan financier, c'est un moyen de financement des investissements.
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- L’apport en compte courant d’associés
L’apport en compte courant consiste pour les associés ou actionnaires à mettre de l’argent à la disposition de la société sans qu’il soit bloqué dans le capital. Cette solution présente plusieurs avantages :
- les apports et les retraits s’effectuent sans formalité particulière en fonction des besoins de l’entreprise. Le compte courant ne doit jamais être débiteur, ce qui signifierait que les associés empruntent de l’argent à la société ! Dans certains cas, les organismes de crédit peuvent exiger un blocage du compte courant en vue de garantir les emprunts effectués ;
- alors que les apports en capital sont rémunérés exclusivement par les dividendes, ce qui suppose l’existence de bénéfices, les apports en compte courant peuvent être rémunérés par des intérêts qui seront versés même si l’entreprise est en situation déficitaire. La déductibilité fiscale de ces intérêts est cependant limitée.
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- Les subventions d’investissement
Les primes et subventions sont généralement accordées au niveau local. Il convient donc de se renseigner en fonction de la localisation de l’activité auprès des conseils régionaux et généraux.
La plupart des primes et subventions bénéficient d’un sursis d’imposition : elles ne sont pas comprises dans les résultats de l’exercice à la date de leur versement mais sont rapportées aux bénéfices imposables de chacun des exercices suivants à concurrence des amortissements pratiqués à raison des éléments correspondants, ou, si ces éléments ne sont pas amortissables aux bénéfices des dix années suivant celle du versement de la subvention.
Exemple de montage financier
Deux amis ont décidé de s’associer pour reprendre un fonds de restauration d’une valeur de 150 000 €, dont 50 000 € pour les éléments corporels :
- chaque associé doit apporter 40 000 € ;
- les apports seront complétés par un emprunt bancaire. Les banquiers consultés ont précisé qu’ils exigeraient un blocage des comptes courants ;
- les associés souhaitent disposer d’un fonds de roulement de départ de 10 000 € ;
- ils ont choisi de constituer une SARL dotée d’un capital de 10 000 € apporté à parts égales par chaque associé.
Montage financier (bilan de départ)
|
Passif |
||
Actif immobilisé |
|
Capitaux propres |
10 000 |
Immobilisations corporelles |
50 000 |
Dettes |
80 000 |
Actif circulant |
10 000 |
Emprunts et dettes financières diverses (*) |
70 000 |
Total général |
160 000 |
Total général |
160 000 |
(*) Comptes courants d’associés
Commentaires
Les apports en comptes courants doivent être considérés comme des fonds propres d’un point de vue financier. Il en résulte la répartition suivante entre fonds propres et emprunt :
- fonds propres : 10 000 + 70 000 = 80 000 = 50 % des ressources ;
- financement externe : 80 000 = 50 % des ressources.
Le banquier exige un blocage du compte courant : c’est une convention par laquelle les associés s’engagent à ne pas se faire rembourser le compte courant tant que l’emprunt bancaire n’est pas lui-même remboursé. La banque s’assure ainsi que ces comptes courants resteront à la disposition de la société pendant toute la durée de remboursement de l’emprunt.
Les associés prévoient 10 000 € de fonds de roulement. Ce fonds de roulement se traduit dans le montage financier par une trésorerie de 10 000 € qui va servir à financer le stock à constituer et à faire face à la montée en charge progressive de l’activité : il est fréquent en effet que le chiffre d’affaires des premiers mois ne soit pas suffisant pour couvrir les charges…
Chaque associé détient la moitié du capital. Il n’existera pas de majorité dans les assemblées d’actionnaires, ce qui peut conduire au blocage du fonctionnement de la société en cas de désaccord entre les associés. Il est préconisé dans ce cas de proposer à un troisième associé d’entrer dans le capital avec deux actions par exemple afin d’assurer une médiation en cas de désaccord.
- Le financement externe : l'emprunt
Un emprunt a quatre caractéristiques : son taux, sa durée, son mode de remboursement et ses garanties.
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- Taux
Le taux d’intérêt des emprunts à long terme dépend principalement des taux d’intérêts pratiqués sur les marchés financiers. Il peut cependant exister des différences d’une banque à l’autre, justifiées par la politique commerciale de la banque à l’égard de tel ou tel secteur ou telle catégorie d’entreprise. En supposant que plusieurs banques soient prêtes à financer le projet, le choix repose rarement sur la seule différence de taux mais sur l’ensemble des caractéristiques du financement proposé et notamment sur la nature des garanties exigées.
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- Durée
La durée de l'emprunt dépend de la nature des biens à financer :
- matériel, mobilier, aménagements, fonds de commerce : 2 à 7 ans maximum
- terrain, immeubles, rénovation importante : 10 à 25 ans
En cas de reprise d’entreprise par achat d’un fonds de commerce, la durée de l’emprunt est généralement de 7 ans.
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- Mode de remboursement
Les emprunts sont remboursés par mensualité ou trimestrialité constante : cela signifie que la somme prélevée par la banque chaque mois ou par trimestre ne change pas. La somme prélevée comprend le remboursement partiel de l’emprunt et les intérêts de la période. Le banquier remet à l’emprunteur un échéancier, voir exemple ci-contre :
• Tableau d’amortissement d’un emprunt de 100 000 € à 2 % sur 5 ans
• Remboursement trimestriel (extrait : deux premières années)
Trimestrialités |
Montant prélevé |
Intérêts période |
Remboursement emprunt |
Capital restant dû |
1 |
5266,65 |
500,00 |
4766,65 |
95233,35 |
2 |
5266,65 |
476,17 |
4790,48 |
90442,87 |
3 |
5266,65 |
452,21 |
4814,44 |
85628,43 |
4 |
5266,65 |
428,14 |
4838,51 |
80789,92 |
5 |
5266,65 |
403,95 |
4862,70 |
75927,22 |
6 |
5266,65 |
379,64 |
4887,01 |
71040,21 |
7 |
5266,65 |
355,20 |
4911,45 |
66128,76 |
8 |
5266,65 |
330,64 |
4936,01 |
61192,75 |
Attention : le -n et le -20 dans les formules sont en exposant
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- Mode de calcul du prélèvement
Formule : P = C x [i ÷ (1 – (1+i) -n)]
P = prélèvement de la période
C = capital emprunté
i = taux d’intérêt de la période
n = nombre de prélèvements
Exemple d’un emprunt de 100 000 € à 2 % sur 5 ans, remboursement par trimestre
C = 100 000
I = 2 % par an, donc 2 % ÷ 4 = 0,50 % par trimestre
n = 5 ans × 4 trimestres = 20 prélèvements
P = 100 000 × [0,005 ÷ (1 - 1,0005-20)]
P = 5 266,65 € par trimestre
Exemple d’un emprunt de 100 000 € à 1,8 % sur 7 ans, remboursement mensuel
C = 100 000
I = 1,8 % par an, donc 1,8 % ÷ 12 = 0,15% par mois
n = 7 ans × 12 mois = 84 prélèvements
P = 100 000 × [0,0015 ÷ (1 – 1,0015-84)]
P = 1 267,94 € par mois
> Pour calculer les prélèvements et obtenir le tableau d’amortissement de l’emprunt, téléchargez le tableur excel en fin d'article
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- Garanties
Les organismes de crédit exigent généralement des emprunteurs des garanties qui créent une priorité de remboursement en faveur de la banque en cas de difficultés de l’entreprise. L’absence de garanties ou des garanties insuffisantes sont souvent la cause de l’échec d’un projet de création d’entreprise :
- le nantissement du fonds de commerce : cette garantie est systématiquement exigée par le banquier lorsque l’emprunt a pour but de financer l’acquisition d’un fonds de commerce. Elle est cependant dans la plupart des cas considérée comme insuffisante en raison de l’incertitude qui pèse sur la valeur du fonds de commerce en cas de difficultés de l’entreprise ;
- l’hypothèque : cette garantie est très appréciée des prêteurs car elle s’appuie sur un bien immobilier ;
- la caution personnelle : les organismes financiers exigent le plus souvent que les dirigeants se portent caution des engagements financiers de l’entreprise. Il faut bien mesurer les conséquences de cet engagement : il signifie que les personnes qui se sont portées caution devront rembourser les dettes cautionnées si l’entreprise ne peut plus y faire face ;
- lorsque les garanties que peut offrir l’emprunteur sont insuffisantes par rapport au montant emprunté, il est possible de recourir à l’intervention d’une société de caution mutuelle qui compte en son sein des représentants professionnels avec qui la banque va accepter de partager les risques et auprès de qui elle va prendre avis pour mesurer la solidité financière et professionnelle du demandeur. Les sociétés de caution mutuelle prennent une commission d’environ 0,30 % du montant emprunté par an, à laquelle il faut ajouter une cotisation à un fonds de garantie. En contrepartie, il est parfois possible de négocier avec la banque un taux d’intérêt légèrement abaissé puisque son risque diminue.
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- Le financement externe : le crédit-bail
Déroulement d’une opération de financement par crédit-bail :
1. Décision d’investissement mobilier ou immobilier : l’entreprise définit ses besoins en constructions (création, extension), en matériel ou mobilier.
2. Dossier de financement auprès d’un organisme financier : elle présente une demande de financement comme s’il s’agissait d’un emprunt. L’organisme financier vérifiera de la même manière le bien-fondé de l’investissement, la capacité d’endettement et la capacité de remboursement de l’entreprise.
3. Acceptation du dossier : les organismes financiers sont parfois moins exigeants en matière de garanties lorsqu’il s’agit d’un financement par crédit-bail car ils restent propriétaires du bien.
4. Acquisition du bien par l’organisme financier et signature du contrat de location : le bien est donné en location à l’entreprise pour une durée de 2 à 5 ans s’il s’agit de crédit-bail mobilier et généralement de 15 ans s’il s’agit de crédit-bail immobilier.
5. Versement des loyers : le bien ne figure pas à l’actif du bilan, son financement ne figure pas au passif. Les loyers sont des charges externes.
6. Terme du contrat : l’entreprise devient propriétaire du bien pour la valeur résiduelle prévue au contrat : le faible montant de la valeur résiduelle conduit le loueur à lever l’option d’achat.
Dans le cas du crédit-bail, le financement externe représente 100 % de l’investissement. C’est pourquoi le recours au crédit-bail pour le financement de la création ou de la reprise est rarement possible dans le cas des indépendants. Des exceptions existent cependant : la création d’unités de chaînes d’hôtels ou de restaurants est dans certains cas financée par crédit-bail immobilier en raison des garanties de rentabilité apportées par l’expérience des unités en fonctionnement.
- Une autre source de conseils et de financement : les fournisseurs
Les fournisseurs que sont les brasseurs, les négociants en vins et en cafés, les équipementiers peuvent apporter une aide en cas d’acquisition d’un fonds de commerce :
- leur connaissance des fonds de commerce peut être utile dans la recherche et le choix de l’emplacement ;
- ils peuvent apporter une aide financière, accorder une dotation en matériel ou se porter caution de certains engagements financiers. En contrepartie, le bénéficiaire s’engage à s’approvisionner auprès du fournisseur.
Publié par Jean-Claude OULÉ
mardi 3 mars 2015
Rachat parts et fonds : une renégociation des prêts bancaires peut-elle se révéler sans intérêt ?