Après son service, il referme la porte de son bistrot sur la place du village basque, “heureux”. Xavier Isabal, 54 ans, à la tête avec son frère Stéphane de la maison Ithurria depuis 2007, à Ainhoa, a décidé de franchir quelques pas pour exercer désormais au Bistrot attenant du restaurant gastronomique étoilé depuis 1968. Si les deux frères demeurent les gérants d’Ithurria, ce sont désormais Martin et Louis, fils de Stéphane, respectivement chef cuisinier et chef pâtissier, qui commandent seuls leur brigade.
La transition se déroule ici en douceur, à l’instar de celle passée entre Maritchu et Maurice Isabal et leurs deux fils en 2007, eux-mêmes ayant hérité l’établissement des parents de Maritchu, Marie-Louise et Emilie Ithurria qui avaient acheté la ferme en 1962. La transmission de ce patrimoine composé d’un hôtel de 26 chambres, d’un restaurant de 60 couverts et d’un bistrot de 50 couverts (ouvert depuis quinze ans) est devenu un véritable art familial. “Je crois que nous sommes une des plus anciennes lignée de chefs étoilés de France”, s’amuse Xavier Isabal.
Pour Louis et Martin Isabal, revenir dans le giron familial sonnait comme une évidence. Après être passés par de belles maisons étoilées, dont Les Sources de Caudalie et le Kaïku pour Louis, 31 ans, qui a intègré la maison en 2018 pour en devenir vite le chef pâtissier. Martin, 28 ans, passé par Le Prince noir et l’Assiette champenoise, arrive en 2021, comme second de son oncle. La transmission en cuisine s’est déroulée naturellement. Les plats emblématiques restent en bonne place sur la carte comme le foie gras mi-cuit, le pigeon de Souraïde, la Menestra du grand-père, et les produits terre-mer chers au Pays basque. “On retrouve la trame d’Ithurria avec le local, les sauces et la gourmandise”, détaille Martin Isabal qui a déjà imprimé sa marque “gourmande” selon son oncle.
Beaucoup d'investissement
Côté affaires, Xavier et Stéphane Isabal, propriétaires de murs à égalité, comptent transmettre sereinement, le moment venu. Stéphane Isabal, qui dirige la salle, est désormais dévolu au côté administratif. “Notre stratégie est d’augmenter le chiffre d’affaires pour digérer la passation et ne pas se faire surprendre.” Ainsi, la maison ouverte de mi-avril à mi-novembre tend à diversifier ses activités. Le café du village a été racheté pour y vendre les produits faits maison tels que les charcuteries, gâteaux basques et confitures, confectionnés dans le laboratoire d’Ithurria. “Nous avons beaucoup investi, 300 000 € dans la nouvelle cuisine du restaurant, 150 000 € dans le laboratoire de production, dans le but de pérenniser l’affaire et le staff à l’année”, détaille Xavier Isabal.
Et là aussi, la nouvelle génération est partie prenante depuis un certain temps : Louis Isabal crée dans son labo de pâtisserie dès que possible tandis que Martin Isabal, champion du monde du Boudin l’an dernier, a initié la production de charcuteries. Les deux frères vont également se lancer dans la plantation d’agrumes et de poivriers au sein de leur verger. “Chacun s’apporte ici et se tire vers le haut, on ne se marche pas sur les pieds”, souligne Louis. “Avec intelligence pour régler les choses car ce n’est pas tous les jours facile quand même de travailler en famille”, ajoute Xavier Isabal. Un bon résumé de l’histoire atypique d’Ithurria.
Publié par Aurélie DUNOUAU