“Le premier concurrent des restaurants, c’est le canapé”, clame Côme de Chérisey, ancien directeur de publication du guide Gault&Millau. Nicolas Giansily, qui dirige le traiteur Fleur de sel, renchérit : “Bientôt, sept repas sur dix seront livrés. C’est sur ce constat que nous avons ouvert, avec le chef Frédéric Charlet, un restaurant fantôme, Popote, à Aubagne [Bouches-du-Rhône]” (lire encadré). Restaurant fantôme ? Côme de Chérisey explique : “C’est une cuisine centrale, souvent à l’extérieur des villes pour limiter les coûts du mètre carré, dans laquelle on place des marques déclinées en spécialités - pizza, cuisine mexicaine, plats du Sud-Ouest… - qui vont alimenter un service de livraison.”
Bernard Boutboul, directeur du cabinet Gira Conseil, développe : “Le frétillement médiatique que l’on connaît actuellement autour de ces ‘Dark Kitchen’ est du même ordre que celui que nous avons vécu au début des food trucks. À la seule différence que ce concept est génial et va durer. Ce n’est pas nouveau - j’ai découvert le concept au Sial à Montréal en 2012 -, mais le phénomène explose outre-Atlantique avec la création d’immenses cuisines centrales avec une offre de restauration en livraison uniquement, accessible sur internet. Le danger serait qu’une pizza livrée soit si bonne que le client veuille réserver une table dans une pizzeria… qui n’existe pas !” Pour Bernard Boutboul, “c’est la source de revenus qui manque aux établissements physiques écrasés par les charges”. Poursuivant son raisonnement, il estime que “les étoilés vont créer des restaurants fantômes pour consolider leur rentabilité, sans la pression du guide Michelin, puisque, sans arts de la table ni service, ces restaurants virtuels ne seront pas éligibles à la sélection des guides”.
Investissements massifs
“Il s’agit d’une tendance de fond, mondiale et puissante qui procède de l’abandon de la production indépendante du fait maison vers des logiques d’industrialisation, analyse Côme de Chérisey. L’ancien patron d’Uber, Travis Kalanick, a lancé CloudKitchens et acquis en Angleterre FoodStars pour se lancer sur ce marché. Kitchen United est financé par Google. Les questions que cela induit concernent le bilan carbone avec la livraison, l’environnement avec les emballages - souvent en plastique - et surtout le coût matière, puisque l’on sait qu’en dessous de 4 €, il est difficile de faire bon. Sur ce marché émergent, la qualité est envisageable, mais ce ne pourra être qu’une niche.”
Côme de Cherisey #KitchenUnited# #FoodStars# #CloudKitchens# #FleurdeSel# #FredericCharlet# #GiraConseils# #Popote#
Publié par Francois PONT