À Rouen (Seine-Maritime), Fantine Georges n’avait pas imaginé un tel succès en ouvrant L’Échappoterie en janvier 2024. Son établissement, un café où l’on peint et personnalise ses propres pièces de céramique, le tout accompagné d’une boisson chaude, ne désemplit pas. Un mois après l’ouverture, elle a dû investir dans un deuxième four pour absorber la demande. “Nous pensions que la fréquentation augmenterait petit à petit, mais on a dépassé les 1 000 pièces à cuire dès le premier mois. Ce qui veut dire que 1 000 personnes sont venues entre nos murs. Nous ne prenons plus que sur réservation, tellement la demande est forte”, sourit la fondatrice. Son secret ? Avoir su transformer un café en expérience créative. Le client ne vient pas seulement consommer, il repart avec un souvenir tangible et un moment partagé.
Même logique pour Åven Bike & Fika, à Strasbourg (Bas-Rhin), lancé, en janvier 2023 par deux passionnés, Jean-Baptiste Chouan et Thomas Landré. Leur établissement, mi-atelier vélo mi-café de spécialité, séduit une clientèle éclectique. “Nous avons réparé plus de 900 vélos et servi 6 000 cafés en huit mois", se réjouit Jean-Baptiste Chouan. Là encore, le café sert de point d’ancrage, mais c’est l’association inattendue des deux activités qui fait mouche. “Nous voulions réunir au même endroit tout ce que nous aimons : le vélo, le café et la bière”, résument les fondateurs. Résultat : de lieu de passage, l’atelier devient un lieu de vie.
Pourquoi ça marche ?
Si les lieux hybrides séduisent autant, c’est d’abord parce qu’ils racontent une histoire. À Paris, le restaurant Les Abysses, ouvert en mars 2022 par l’ancien candidat de Top Chef Florian Barbarot et son associé Pierre-Henry Lecompte, propose une immersion totale. Salle bleutée, ambiance feutrée et menus conçus comme une descente en plongée : chaque service est une expérience sensorielle. Aujourd’hui, l’assiette seule ne suffit plus : le client veut vivre un moment mémorable, qu’il pourra partager et raconter. L’expérience devient le cœur du concept.
Autre clé du succès : multiplier les portes d’entrée. “Grâce au café et à l’atelier vélo, nous attirons des profils très différents : certains viennent pour un espresso, d’autres pour une réparation, et beaucoup finissent par découvrir l’ensemble”, raconte Jean-Baptiste Chouan. Cette complémentarité génère des flux réguliers et diversifiés. Chaque service annexe devient un levier pour attirer de nouvelles clientèles et lisser la fréquentation sur la journée, là où un restaurant classique dépend souvent de quelques créneaux horaires.
Enfin, ces lieux hybrides misent sur la convivialité. Le café, le repas ou la boisson deviennent des prétextes à l’échange et au partage. “Les gens viennent peindre une pièce, mais surtout passer un moment ensemble. C’est cette dimension collective qui les fidélise”, observe Fantine Georges. Dans un monde où l’on cherche à recréer du lien, cette dimension sociale fait toute la différence : elle transforme un simple client en habitué, et nourrit un bouche-à-oreille puissant.
L’hybridation au service de l’expérience
La restauration est sans doute l’un des terrains les plus fertiles pour expérimenter l’hybridation. La souplesse des espaces et la diversité des usages possibles ouvrent un large champ de possibilités. Un restaurant qui accueille des ateliers culinaires ou artistiques en journée, un bar qui se mue en scène culturelle le soir venu, une salle qui se transforme en espace de coworking le matin… Les combinaisons sont infinies.
L’essentiel est de bâtir un concept qui reste cohérent avec son identité et sa clientèle. En d’autres termes, l’activité annexe doit prolonger l’histoire de l’établissement et non la contredire. C’est cette cohérence qui fera naître l’adhésion, et qui transformera un simple lieu de consommation en véritable destination.
Publié par Lolita Péron-Vranesic, Aletheia Press

Dialoguez avec nos experts !
(Service réservé à nos abonnés : 3,33€/mois)
Vous souhaitez poser une question
ou ajouter un commentaire ?
Un seul clic pour accéder à la suite :