Pensez à un restaurant indien, puis fermez les yeux. Immanquablement apparaîtront des images de divinités sculptées, de currys en sauce et de cheese naans. Pourtant, depuis quelques années, certains établissements semblent bien décidés à en découdre avec ces clichés et à révéler tout le potentiel et la variété culinaire du sous-continent indien.
En restauration rapide, Dosamaa, implanté à Paris, mise sur les dosas (des crêpes typiques du sud de l’Inde), agrémentés d’une garniture végétarienne. Kuna Naan surfe sur les naans, façon sandwichs (au poulet, paneer ou porc effiloché) : ce micro-restaurant, ouvert en 2023 à Pigalle, enregistre jusqu’à 350 clients le week-end, avec un ticket moyen autour de 15 €.
Bar à chai latte et petit déjeuner indien
Un succès qui a poussé ses fondateurs, Candice Franc (passée par l’École Ducasse) et Charley Moreau, à lancer deux autres concepts. Kuna Masala se présente comme le “premier bar à chai latte de Paris”. Cette boisson traditionnelle indienne à base d’épices, de lait et de thé noir, est proposée ici au chocolat, à la rose ou à la citrouille. C’est aussi l’occasion de découvrir les Kathi rolls, “des classiques de la street food indienne venus de Calcutta, et traditionnellement composés de viandes de kebab, de poulet ou d’œufs enveloppés dans un pain plat paratha”. Kuna Bada, une grande brasserie de 220 m² ouverte début février 2025, sert au petit déjeuner ses dosas et keema kulcha garnis (un peu dans l’esprit d’un calzone). Au déjeuner et au dîner, les papdi chaat, chicken biryani, dal tadka et autres crevettes polichattu se dégustent dans des assiettes à partager, parfois accompagnées de cocktails. Pour les becs sucrés, la pâtisserie française y est réinterprétée à l’indienne : Paris-Mumbai au chai, tarte au citron meringuée à la cardamome…
Grill indien
Le groupe Lemon Butter, basé à Dubai, a lancé à Paris The Crossing Indian Bistro en juillet 2023 au sein des Galeries Lafayette, revisitant les “block busters” de la cuisine indienne. Son autre concept, Seeklo, abrite depuis juillet 2024 un grill indien doublé d’un bar à cocktails dans le quartier branché d’Oberkampf, et une seconde adresse Seeklo devrait prochainement voir le jour dans le centre commercial Cap 3000, près de Nice.
Delhi dans l’assiette
Quant à Delhi Baazar, ce bistrot parisien met à l’honneur les chaats (la fingerfood venue des rues de Delhi), les plats cuits au four tandoor, quelques recettes en sauce et des biryanis en croûte. Sans oublier, côté boissons, des cocktails, des vins bio et des bières artisanales. “L’idée, c’est de faire découvrir autre chose que le butter chicken. Les gens aujourd’hui veulent être dépaysés dans leur expérience. On veut être le plus proche possible des recettes indiennes : on ne lésine pas au niveau des épices et des saveurs, on adapte juste le degré de piment”, note le cofondateur de Delhi Baazar, Bastien Peccoux.
Une décoration repensée
Les divinités se sont évanouies des murs. Delhi Baazar revendique un cadre “contemporain, parisien, pas une immersion Disneyland” : “Ça permet de trancher avec les cantines authentiques du quartier de La Chapelle. On a voulu créer un lieu pour toutes les occasions”, poursuit-il. Kuna Bada a opté pour une décoration ultracolorée, “avec un côté Wes Anderson mais sans tomber dans le cliché de Bollywood”, explique Candice Franc.
Cette cuisine indienne nouvelle génération parvient à séduire un vaste éventail de clients, en fonction du format adopté et de l’emplacement des établissements. “Chez Kuna Naan, la clientèle est assez jeune, il y a pas mal de touristes. Chez Kuna Massala, ce sont des femmes, des sportifs, des actifs, et chez Kuna Bada, on a des clients de tous les âges, même des enfants”, énumère Candice Franc.
Un boom de la cuisine indienne ?
Selon cette dernière, “il y a un boom de la cuisine indienne, et beaucoup de choses à faire en France, en comparaison avec Londres”. Pour Nicolas Nouchi, fondateur du cabinet Stratég’eat, la cuisine indienne coche en effet de nombreuses cases : “Il y a un intérêt du consommateur pour l’ethnique, avec une envie de nouveaux goûts. La restauration indienne peut se prêter aussi bien au sandwich qu’à la restauration à table. La base naan et le tandoor peuvent s’infiltrer partout”, estime-t-il. Cependant, aux yeux de l’expert, “la cuisine indienne ne devrait pas remporter un succès aussi massif que la restauration asiatique”.

Publié par Violaine BRISSART