Lorsque Nicolas et
François Bergerault, tous deux diplômés d'une école de commerce,
lancent L'Atelier des chefs en 2004, on leur rit au nez. "Mes copains de HEC
me regardaient bizarrement, ils ne comprenaient pas ce choix", se souvient
Nicolas Bergerault. Aujourd'hui, leur entreprise affiche pourtant 13,5 millions d'euros de
chiffre d'affaires, 120 salariés et 16 centres en France, à Londres et Dubaï. "Dans
les années 2000, les gens ont commencé à en avoir marre de la malbouffe, ils se
plaignaient de ne pas savoir cuisiner. Or, à l'époque, il existait seulement
des cours longs, chers et compliqués", constate Nicolas Bergerault. Avec l'aide
du chef Jean-Sébastien Bompoil, les deux frères saisissent l'opportunité
et inventent une "nouvelle génération de cours de cuisine, courts, pros mais
abordables". Ils innovent aussi en proposant du teambuilding dans leurs
ateliers et, plus récemment, en lançant des cours en direct sur internet. "Nous
avons créé un marché, juge-t-il. En 2004, entre 5 000 et
10 000 personnes prenaient des cours. Actuellement, nos ateliers
accueillent 200 000 personnes par an en France, et on estime que cela
représente les deux tiers du marché."
Cet engouement pour la cuisine ne cesse de croître, notamment du côté
des entrepreneurs. "Il ne se passe plus une semaine sans que je ne reçoive
un business plan de la part de jeunes diplômés", s'amuse Nicolas
Bergerault. Le fait que la consommation alimentaire hors domicile pèse
87 M€ en France, selon le cabinet Gira Conseil, n'y est certes pas
étranger… Émilie et Guillaume
Juhel, tous deux formés en ingénierie et marketing, ont ainsi
délaissé leurs carrières respectives pour lancer Leoni's Deli, à l'aube de la
trentaine. Ils ont été parmi les premiers à se positionner sur le hot-dog
gourmet, et comptent bien développer leur concept en franchise. "Les gens de
notre génération veulent créer des entreprises qui ont du sens. Leoni's, c'est
de la street-food bio, cela correspond à nos valeurs et à une demande
prometteuse", glisse le couple.
Changer les codes
Pour Nicolas Nouchi, directeur général de CHD Expert France, l'arrivée
de ces bac + 5 "bouscule la restauration, génère de l'émulation et de
nouvelles tendances". "Ces diplômés sont des consommateurs avant d'être
des restaurateurs. Ils sont plus créatifs, moins formatés. Ils ont le recul
nécessaire pour développer une analyse fine du marché, une offre intelligente,
un approvisionnement rationnalisé, une communication réfléchie… Ce sont d'abord
des projets d'entreprise avant d'être des projets de restauration."
Victor Lugger et Tigrane Seydoux, tous deux diplômés de HEC et fondateurs des
trattorias parisiennes East Mamma et Ober Mamma, illustrent parfaitement ces propos.
"J'ai transposé ce que j'avais appris dans l'univers du web à la
restauration. Pour nous confronter aux clients le plus tôt possible, nous avons
créé des restaurants éphémères pendant deux ans avant d'ouvrir nos propres
établissements. À l'ouverture, tout était rodé, l'offre était assez calibrée,
on savait ce que voulaient les clients", explique Victor Lugger. Le
néo-restaurateur a décidé de revisiter le métier à sa sauce. "On fait tout
maison et on achète tout en direct. J'ai plus de 100 fournisseurs. En
termes de logistique, c'est énorme ! Mais comme j'ai coupé les
intermédiaires qui prennent généralement entre 20 et 40 %, cela me permet
d'avoir des produits que personne n'a, à de meilleurs prix, une carte abordable
et plus de salariés. Nous comptons une centaine d'employés pour 220 places
assises au total", précise-t-il.
Pour leur part, les ingénieurs Xavier Tholot et Guillaume
Manca préfèrent surfer sur la cuisine 2.0. Leurs sites Platmaison.fr et
MyCuistot.fr ont vu le jour en 2015. Le premier propose de la vente de plats
entre particuliers, tandis que le second veut démocratiser les cuisiniers à domicile
pour la préparation des repas du quotidien. "En tant que consommateur, j'ai
constaté qu'aucune solution n'existait pour les gens qui travaillent tard, qui
n'ont pas le temps de cuisiner et qui veulent manger équilibré. La livraison,
par exemple, est chère, pas pratique sur la durée et au quotidien, et surtout,
elle n'est pas adaptée au régime alimentaire de chacun", déclare Guillaume
Manca. Pour mettre au point ses deux propositions, l'entrepreneur a mené une
réflexion "sans a priori et sans limites". Et de conclure : "L'ubérisation
nous est apparue comme une évidence."
Publié par Violaine BRISSART