L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?
Gabriele Ravasio : À 11 ans, l’école nous a proposé des cours facultatifs et j’ai choisi la cuisine. Quand je suis rentré à la maison, j’ai dit à mes parents que je voulais être cuisinier. À 14 ans, j’ai intégré l’école hôtelière. Je travaillais en cuisine pendant l’été, j’étais dans un restaurant au bord de la mer, je voyais mes copains défiler pour aller à la plage et moi, je nettoyais les poissons et coquillages mais c’était très formateur, ça m’a plongé directement dans la cuisine. Je ne le regrette pas.
Vous vous êtes formé en Italie et aujourd’hui vous travaillez en France. Qu'est-ce qui vous a guidé ?
Je voulais travailler dans le restaurant 1 étoile Michelin de Bernard Fournier, à Campione d’Italia, près de la Suisse. Après mon voyage en Amérique du Sud j’ai essayé de le rejoindre mais sa brigade était complète. Il m’a conseillé de travailler en France et m’a mis en contact avec l’ancien sous-chef de Simone Zanoni, au Trianon. Je suis venu, j’ai fait mon essai. C’était mon destin je pense. Venir travailler en France, c’est le rêve de tous les cuisiniers.
Quel est l’esprit actuel en cuisine ?
Dans tout ce que je fais, je recherche toujours le ‘family feeling’. Quand je suis arrivé ici, je l'ai ressenti et après huit ans en cuisine, je retrouve toujours cet esprit. Le chef Frédéric Larquemin [chef exécutif, NDLR], qui m’a donné les rênes des cuisines début 2022, est quelqu’un de très humain, de bienveillant et disponible. C’est ce qui fait que je me sens comme chez moi. Je suis très attaché au projet et à cette sensation de famille. Ma sous-chef, Giulia Bacin, est là aussi depuis huit ans. On parle la même langue culinaire, on travaille en symbiose. L’équipe [de 8 personnes, NDLR] reste en moyenne trois à quatre ans. Nous sommes ouverts que le soir, donc il n’y a pas de travail en coupure, c’est aussi ça le ‘family feeling’ pour moi. Je tiens à garder les équipes motivées et en forme. Nous prenons le temps de manger. Il n'y a pas de différence au sein des équipes, je ne regarde pas la hiérarchie. J'aime les gens impliqués et passionnés. L'objectif pour moi, c'est de faire passer un bon moment aux clients.
Comment qualifieriez-vous vos assiettes ?
Je n’aime pas l’ordinaire. J’aime beaucoup quand mes plats sont déstructurés, avec beaucoup d’éléments, mais il faut que la multitude de goûts crée un équilibre. C’est un peu comme le morceau Bohemian Rhapsody : il y a beaucoup de choses mais à la fin, ça fonctionne.
>> Recette : Saint-Jacques, fenouil, condiment jalapeño
Quelles sont les régions qui vous influencent le plus ?
Nous nous devons de garder l’esprit des restaurants Gordon Ramsay, patron du groupe. Il ne faut pas se perdre dans trop d’influences. On doit proposer une cuisine qui reste internationale. Pour autant, je propose une cuisine influencée par mes origines ou mes découvertes lors de mes voyages. J’ai travaillé au sein de restaurants japonais à Londres, cela joue beaucoup dans le choix des ingrédients, et j’utilise également mes influences italiennes.
Vous proposez un menu, sans carte. Pourquoi ce choix ?
Quand on va dans un restaurant gastronomique, c’est pour découvrir la cuisine du chef. On se fait plaisir, on prend du temps. Il faut vraiment se laisser guider et faire confiance au chef. C’est pour cela qu’après le covid, nous avons décidé de proposer un menu pour guider l’expérience du client. C’est uniquement comme cela, selon moi, que l’on découvre la cuisine du chef. C’est aussi plus intéressant pour les équipes et cela crée moins de gâchis. On peut se concentrer sur le bien-être de nos équipes, suivre les saisons correctement. Il ne faut pas s’éparpiller dans les mises en place en prenant le risque de ne pas faire comme il faudrait.
Comment évolue votre menu ?
On ne se donne pas de date précise pour le faire évoluer. On décide par rapport à la saison. Mais toutes les semaines, on change quelque chose. Nous sommes dans une évolution constante. L’innovation est indispensable mais il faut maintenir la qualité dans le temps. On ne change pas une carte d’un coup. Ce n’est pas bon pour les équipes ni en cuisine ni en salle. En salle, il y a énormément de travail et d’étude sur le menu, de curiosité pour comprendre pourquoi nous avons fait ce choix en cuisine et d’où viennent les produits, et eux-mêmes travaillent au moment de la sortie des plats pour savoir comment les mettre en valeur. Cela prend du temps.
Comment se déroule le processus créatif ?
La nuit. Au lieu de dormir, je vais dans mon lit pour me reposer et je pense à mes plats. Ensuite, nous en parlons avec les équipes, en cuisine et en salle.
Comment collaborez-vous avec le chef pâtissier Eddie Benghanem ?
Eddie Benghanem est quelqu'un avec une grande expérience, un grand nez. On se lance des défis. J'aime bien travailler avec le sucré, je travaille toujours avec un fruit. Le côté sucré-salé j'adore. Et lui aussi adore travailler avec des légumes. C'est osé et extrêmement bon, cela crée de l'inattendu. On s'adapte l'un à l'autre. On travaille en symbiose. Quand on goûte à nos plats, on se comprend, on sait où l'autre veut aller. Les parfums, les goûts, c'est notre langue.
Si vous deviez choisir un ingrédient ?
Caviar et truffe. Ce sont deux éléments qui ont des qualités gustatives qui se marient bien avec presque tout. Ce sont des produits très nobles mais qui sont très polyvalents.
Quel est le plat qui vous représente le plus ?
Le risotto est un plat qui me parle beaucoup. C’est un souvenir des dimanches à la maison. Mon père préparait toujours un risotto le dimanche soir. C’est la chaleur, c’est l’hiver, ce sont les champignons… Même sans rien, c’est quelque chose d’exceptionnel pour moi.
Quels sont vos ambitions aujourd’hui ?
Mon rêve, c’est d’accéder à la deuxième étoile. On a tous ce rêve ici. Cet hôtel mérite vraiment cette vitrine. Et si ça ne passe pas cette année, on réessaiera. Je suis quelqu’un de têtu.
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Publié par Romy CARRERE