Année après année, le parc hôtelier français continuer de diminuer, alerte Mark Watkins, directeur associé de Coach Omnium dans la 34e édition de son Panorama de l’hôtellerie française*. Entre 2023 et 2024, le pays a perdu 112 hôtels (le nombre de créations n’ayant pas compensé les fermetures), portant le total à 16 610 adresses classées et non classées. C’est toutefois 30 % de moins qu’en 2022, qui avait vu le pays perdre 279 établissements. Depuis 2019, le parc a perdu 1 100 hôtels.
Cette diminution touche principalement le segment économique (8 700 de moins depuis 2010), alors que le nombre de 4 et 5 étoiles continue de croître. En cause, l'inflation des charges d'exploitation, l'augmentation des coûts de construction et les difficultés de recrutement qui impactent principalement les petits hôtels, surtout en milieu rural.
Les nouvelles ouvertures se concentrent majoritairement dans les villes où la demande reste forte. À Paris, le solde est positif avec 122 hôtels supplémentaires depuis 2014, et plus d'une centaine en projet (périphérie comprise). On en dénombre 3 019 à ce jour, contre 898 en 2010, avec une capacité moyenne de 65 chambres, contre 40 pour l’ensemble des hôtels, détaille Coach Omnium.
Mais moins d'hôtels ne signifie pas moins de chambres puisque, parallèlement, la capacité d'hébergement est en hausse. Le nombre total de chambres a augmenté de 6,7 % entre 2019 et 2025, passant de 629 056 à 661 066. Les hôtels les plus récents sont plus grands, ce qui leur assure de meilleurs taux d'occupation et une rentabilité accrue.
Indépendants, chaînes et réseaux volontaires
- L'hôtellerie indépendante reste largement majoritaire en France avec 81 % des hôtels (environ 13 500 établissements). La taille moyenne est de 26 chambres, une capacité trop faible pour assurer la rentabilité. En milieu rural, cette moyenne tombe à 19 chambres, rendant plus difficile encore l'amortissement des charges fixes. Cette situation aboutit à “un sérieux retard de modernité et une prestation souvent inadaptée aux attentes de la clientèle”, reconnaît Mark Watkins.
- Les chaînes hôtelières intégrées représentent près de 3 200 hôtels, soit 19 % du total des hôtels, mais 41 % des chambres, puisque leur capacité moyenne est de 85 chambres. Accor et Louvre Hotels Group dominent ce segment, avec près de 75 % des hôtels affiliés.
- Les réseaux volontaires, quant à eux, ont perdu 42 % de leurs adhérents en dix ans, passant de 6 500 à 3 800 hôtels en 2022. Seuls quelques enseignes conservent une notoriété significative.
De nombreux défis
- Des hôtels trop petits ?
72 % des établissements classés comptent moins de 50 chambres, un seuil souvent insuffisant pour une rentabilité optimale. Moins de 5 % disposent de plus de 100 chambres. - Une rentabilité difficile à assurer
Environ un hôtel indépendant sur deux est en difficulté financière. Les PGE à rembourser et les charges croissantes fragilisent encore davantage les plus petites structures. - Isolement
Près de 60 % des hôteliers n'adhèrent à aucun réseau, ce qui peut compliquer leur visibilité commerciale face à la domination des plateformes de réservation en ligne. - Retard de modernisation
L'offre hôtelière souffre d'un retard perçu par la clientèle, notamment en comparaison avec d'autres secteurs (habitat, bureau, design automobile...). Cette situation tend à s'améliorer en milieu urbain. - Contexte économique et social
L'hôtellerie subit également de nombreuses contraintes extérieures : commercialisation au travers des OTA, coûts en augmentation (salaires, énergie, matières premières… ), difficultés de recrutement et changements dans les habitudes de consommation et de travail, qui ont bousculé la fréquentation des hôtels. - Hausse des tarifs hôteliers
Une augmentation significative des prix hôteliers est constatée, en partie pour compenser les hausses de charges et les pertes du Covid. Ce phénomène a commencé à affecter la demande en 2023, provoquant un recul de fréquentation, notamment pour les clientèles plus sensibles aux prix. - Expansion du haut de gamme
Le nombre d'hôtels 4 et 5 étoiles a fortement augmenté depuis 2010, cependant, certains marchés peinent à remplir ces établissements, assure Mark Watkins, ce qui peut entrainer une baisse des tarifs et rendre la rentabilité plus incertaine.
Pour faire face à ces multiples enjeux, "une bonne professionnalisation de l’hôtellerie est en train de s’opérer, avec un avenir réservé uniquement aux plus compétents, aux plus grandes entreprises et aux hôteliers qui parviennent à s’adapter aux attentes des clientèles", explique Mark Watkins.
Qu’ils soient indépendants ou rattachés à un groupe, les acteurs "sachant commercialiser leur offre, clef de voûte de la réussite en hôtellerie" et capables de s'adapter aux nouvelles attentes des clientèles pourront tirer leur épingle du jeu. "Il y a bien de la place pour des hôteliers indépendants imaginatifs, volontaires et entreprenants", assure l'expert, s'ils parviennent bien sûr à vendre activement et efficacement leurs chambres.
* Sources : Insee, Atout France, Banque de France, OMT, Coach Omnium

Publié par Roselyne DOUILLET