Enseigner la cuisine française aux étrangers : un danger ou un honneur ?

Paris La gastronomie est devenue un enjeu pour promouvoir le tourisme, industrie stratégique pour la France. Cependant, de nombreux chefs étrangers aiment notre cuisine et viennent se former ou se perfectionner dans nos écoles.

Publié le 11 septembre 2019 à 17:46

 

“Nos élèves étrangers dépassent parfois le maître, confiait un jour Alain Ducasse à Bernard Boutboul. Le fondateur du cabinet Gira conseil ne voit aucun risque à opérer ce transfert de compétences vers l’international : “L’hypothèse du pillage de nos gestes techniques par des puissances étrangères n’est pas très sérieuse. D’autres pays affirment déjà la qualité de leur gastronomie. La cuisine française est-elle toujours la meilleure ? Il suffit de regarder le classement des Bocuse d’or pour constater l’absence de nos compatriotes dans les palmarès. Ce qui est certain, c’est que nous avons toujours de très grandes écoles en France. Dans cet engouement pour nos centres de formation, il  faut d’abord y voir une reconnaissance d’un savoir-faire. C’est plutôt sur l’immobilité de notre gastronomie depuis trente ans qu’il y aurait matière à s’inquiéter.

 

Les élèves et apprentis étrangers : des collaborateurs appréciés

Les chefs français, confrontés à des difficultés endémiques de recrutement, plébiscitent ces stagiaires ‘du bout du monde’ ultra-motivés. Le cuisinier Christian Morisset affirme être ébahi par “la rage ” de ses apprentis étrangers. Le chef 2 étoiles Michelin au Figuier de Saint-Esprit à Antibes (Alpes-Maritimes) forme actuellement trois Albanais et un jeune Bangladais de 20 ans, Ariful-Islam Mozumder, qui vient de recevoir le titre de meilleur apprenti de France. 

Cela fait quarante-sept ans que je suis restaurateur. J’ai rarement croisé un jeune comme Ariful. Il m’est arrivé de lui proposer de venir à cinq heures du matin pour réviser des recettes avant un concours. Imaginez les réactions de parents français si j’avais fait ce type de proposition à leurs enfants ! L’enthousiasme et le respect de ces jeunes sont très inspirants.

Quant à l’idée que l’énergie dépensée à faire de ces jeunes de grands techniciens de la cuisine sera au seul bénéfice de l’industrie touristique du pays d’origine, Christian Morisset s’en amuse : “D’abord, il faut quinze ans pour faire un grand chef. Ariful quittera ce mois-ci le Figuier de Saint-Esprit, mais pas la France. Il va rejoindre les cuisines de la présidence de la République afin de poursuivre son apprentissage aux côtés de Guillaume Gomez. Sans doute, plus tard, retournera-t-il au Bangladesh, et ce sera pour promouvoir notre gastronomie !

 

Les cuisiniers français se forment aussi à l’étranger

De plus, si le savoir-faire peut se délocaliser, ce n’est pas le cas du terroir, explique Côme de Chérisey, ancien patron du Gault&Millau : “La formation des étrangers à la cuisine française est un honneur pour notre pays. Si l’on peut apprendre des techniques, le talent, lui, ne s’enseigne pas et notre terroir reste lié à la France. En outre, il faut bien voir que nos chefs français s’inspirent aussi - et de plus en plus - de ce qui se fait ailleurs. À l’image de David Toutain, ils sont nombreux à engager des tours du monde avec l’objectif de s’enrichir d’autres cuisines et techniques. ”

Bernard Boutboul tente un rapprochement entre notre gastronomie et un autre fleuron national, le football : “Les plus grands centres de formation de footballeurs sont à Auxerre et Nancy. Ces clubs ont formé de grandes stars internationales sans que cela remette en cause notre leadership. Pour la cuisine, si l'on faisait l’inventaire, sur les vingt ou trente dernières années, de ceux qui ont été formés en France, on s’étonnerait d’y retrouver un grand nombre de chefs étrangers.”

 

#ChristianMorisset# #CômedeChérisey# Formation


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Publié par Francois PONT



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