“À chaque nouveau projet, je me mets au service d’une nouvelle histoire.” La designer Julie Gauthron résume ainsi son travail dès qu’elle est sollicitée pour intervenir sur le chantier d’un hôtel. Pour le Crayon, un 3 étoiles à Paris (Ier), elle s’est ainsi projetée dans l’univers d’une maison d’artiste. “Le dessin est partout”, explique-t-elle. En effet, le trait court aussi bien sur les murs que sur les portes et entraîne le voyageur dans une histoire à part. Un storytelling qui serait, pour certains, l’une des clés de la réussite du positionnement d’un établissement. Du resort à l’hôtel de quartier, architectes, designers et décorateurs se remuent les méninges pour donner une âme à des chambres, un lobby, une salle de petit déjeuner… Comment s’y prennent-ils ? Ils observent autour d’eux et surtout autour de l’établissement à construire ou rénover.
► La magie de la géographie
La situation géographique est souvent utilisée pour amorcer une histoire. Les designers et architectes d’intérieur Christine et Nicola Borella, sollicités pour le chantier de l’Akoya Hôtel & Spa à La Réunion, ont ainsi imaginé un type de chambre inspiré par la pierre volcanique, symbole de l’île. Même scénario pour le futur Black Bass Hotel, qui ouvrira ses portes en juin 2019 sur les rives du lac d’Annecy (Haute-Savoie). Ce 5 étoiles de 25 chambres aura pour fil conducteur le bleu, les courbes, les écailles… Et pour cause : le cabinet d’architectes Patriarche, chargé de la métamorphose de l’auberge d’origine, surfe sur la proximité du lac pour concevoir un hôtel où chacun pourra se sentir “comme un poisson dans l’eau”.
► Le charme d’hier
Le passé peut aussi aider à bâtir le présent d’un hôtel. C’est le cas du Grand Powers à Paris (VIIIe), fraîchement rénové par le duo d’architectes Bastie-Behzadi et la décoratrice Cathy Crinon. Cet établissement parisien (VIIIe) de 50 chambres existe depuis 1920. L’idée a donc été de le positionner sur “les belles années du design” : art déco, modernisme des années 1950 et artisanat d’art s’emparent des chambres, lobby, salle de restaurant… Car le patrimoine culturel, artistique, voire architectural reste une valeur sûre pour séduire les voyageurs, en particulier la clientèle étrangère.
► L’attrait des célébrités
Pouvoir rattacher un hôtel à des personnalités, c’est un autre atout en termes de storytelling. En effet, s’inspirer d’une célébrité pour décorer incarne tout de suite une chambre ou un salon. L’hôtel Monte Cristo, à Paris (Ve), est un modèle du genre : “On a imaginé des chambres qui auraient pu être celles d’Alexandre Dumas, de ses femmes et de ses invités”, explique Pauline d’Hoop. L’architecte d’intérieur a travaillé avec sa consoeur Delphine Sauvage sur cette “réinterprétation du XIXe siècle”. Même parti pris à l’hôtel Les Dames du Panthéon (Ve). Dans ce 4 étoiles, chaque étage rend hommage à une femme à histoire : Edith Piaf, George Sand, Juliette Greco… L’astuce en plus : la styliste Valérie Grévin a créé des vêtements de nuit, inspirés par l’univers de ces personnalités et le client peut commander celle de son choix dès la réservation de sa chambre.
► La tentation des sensations
Enfin, un hôtel peut raconter une histoire en jouant avec l’imaginaire de chacun. Matières, atmosphères, parfums, ambiances sont autant de sources à sensations pour le voyageur. À l’hôtel Dress Code, à Paris (IXe), l’architecte d’intérieur Stéphanie Coutas a pensé chaque chambre “comme un vêtement”. C’est-à-dire “séduisant à l’œil”, confortable et Åavec un sens de la coupe pour s’y sentir bien”. Citons aussi la résidence hôtelière La Clef Champs-Élysées, que vient d’achever l’architecte et architecte d’intérieur Jean-Philippe Nuel, à Paris (VIIIe). Ici, le client peut créer son propre parfum dans le fragrance bar du lobby.
Le sur mesure poussé vers la démesure ? Pas plus que lorsqu’il s’agit de composer son propre sandwich dans un établissement de snacking. L’intention est la même, seul le standing change. En 2019, le client recherche la prestation unique à instagrammer pour sa story. À l’occasion de l’ouverture de sa Manufacture de café, près de la Bastille (XIIe), le chef étoilé Alain Ducasse l'a jsutement souligné : “On est passé du storytelling au story-feeling.”
décoration #Déco# #StoryTelling#
Publié par Anne EVEILLARD