Le tourisme représente le poumon économique des Pyrénées-Orientales, département qui s’illustre comme le plus sec de France. Dès lors, comment faire cohabiter ces deux paramètres sans antagonisme ? “On ne veut pas d’un scénario à la barcelonaise, avec un rejet d’un tourisme trop gourmand en eau par les habitants”, alerte Brice Sannac, président de l'Umih 66. L'organisation professionnelle “membre du comité sécheresse depuis dix ans”, a d’ores et déjà incité ses membres à remplacer l’ensemble de leurs mitigeurs, à renouveler l’équipement de verrerie et blanchisserie avec des systèmes à moindre consommation, ou encore à contrôler les fuites d’eau. “Pour les fuites d’eau, il suffit de brancher un appareil sur le compteur d’eau, ce qui représente 30 € à l’achat, et 50 € d’abonnement par an. Sinon, vous pouvez checker le compteur au milieu de la nuit : s’il tourne, c’est qu’il y a un très gros risque de fuite”, glisse-t-il, jamais à court d’idées économiques.
Réutiliser l’eau
En 2023, “l’année de la crise de l’eau”, l’Umih 66 “a dessiné une stratégie sur les quatre ou cinq prochaines années pour un tourisme plus résilient”. Cette année, le syndicat a poursuivi sur sa lancée en se dotant d’une charte, signée en avril entre Brice Sannac et le préfet des Pyrénées-Orientales, Thierry Bonnier. Le document baptisé Save water vise la sobriété et la lutte contre le gaspillage à travers 35 mesures “de bon père de famille”. À commencer par la réutilisation des eaux de piscines, spas ou jacuzzi. “L’Agence régionale de santé [ARS] exige que 30 litres soient renouvelés par jour et par utilisateur, afin de garantir les niveaux d’hygiène d’une piscine. Pour respecter ces contraintes et limiter notre impact, toutes les eaux sont récupérées dans des réservoirs en sortie de piscine, grâce à un système de pompe mis au point avec des piscinistes, qui coûte 1 500 €. Au bout de 24 heures, l’eau est déchlorée. On la récupère pour arroser les plantes, nettoyer les surfaces, ou la mettre à disposition des pompiers, des agriculteurs ou des communes. Une goutte d’eau doit servir deux fois pour les eaux de loisir”, souligne Brice Sannac.
En signant la charte, les hôteliers s’engagent aussi à supprimer les bouchons des baignoires, ou à réutiliser cette eau pour de l’arrosage “grâce à un système de pompe immergée qui coûte 100 €”. “Tous les nouveaux hôtels qui ouvriront en 2024 et 2025 auront un système de récupération de leurs eaux grises, ce qui permet de diviser la consommation d’eau d’un hôtel par deux. Sur mon hôtel de 13 chambres à Collioure, par exemple, on a imaginé la plomberie et le double réseau lors de la construction, pour un montant de 60 000 €. En revanche, la récupération des eaux grises est beaucoup plus coûteuse dans une vieille bâtisse : si j’avais dû refaire tout le système dans mon hôtel de Banyuls, avec ses 32 chambres et son restaurant, j’en aurais eu pour 250 000 €”, remarque-t-il.
L’arrêt du nettoyage à grande eau, le bâchage nocturne des piscines pour réduire l'évaporation, l’extinction des douches de plage et de piscine et l’arrêt de l’arrosage automatique font partie des autres mesures phare pour les hébergements signataires.
Des rabais pour les clients
Tandis que les collaborateurs sont sensibilisés et formés à cette problématique, les clients, eux, peuvent s'engager à adopter des pratiques économes en eau pendant leur séjour. Ces green stays, qui permettent de bénéficier de rabais de 15 %, limitent par exemple le renouvellement des draps et serviettes pendant le séjour.
Côté restauration, les seaux à glace sont remplacés par des chaussettes réfrigérantes réutilisables. “Un seau et des glaçons, cela fait 5 litres d’eau. Sur tout le département, les chaussettes réfrigérantes permettent d’économiser 1,5 million de litres d’eau par semaine en période estivale.”
L’ambition de l’Umih 66 est de réduire de 40 % la consommation en eau d’ici à 2040. Un engagement suivi de près par d’autres départements soumis au stress hydrique.
Publié par Violaine BRISSART