Le constat est sans appel. Chaque année, en France, 10 millions de tonnes d’aliments encore consommables finissent à la poubelle. Rien que dans la restauration -collective et commerciale -, le chiffre atteint 1,6 million de tonnes. “Les pertes et le gaspillage alimentaire dans la restauration collective représentent 17 % des aliments achetés et 14 % des coûts d’achat de matières premières”, détaille une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Face à une telle réalité, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration s’engagent. Certains à titre personnel, au niveau d’un établissement seulement, d’autres par le biais des groupes pour lesquels ils travaillent. C’est le cas de David Meyer, par exemple. Chef de cuisine au Resort Barrière de Ribeauvillé (Haut-Rhin), il réutilise les épluchures d’oranges “pour faire la marmelade servie au petit déjeuner”. Résultat : “Chaque mois, ce sont 500 kilos de déchets que nous générons en moins.” Il propose également un plat “zéro déchet”, concocté à partir d’une pomme dont il utilise la peau - qui devient chips -, le jus et le trognon - mis dans la centrifugeuse avec les pépins et la pulpe, pour en faire un faux pain de pomme -. Cette recette tout pomme a été repérée lors d’un challenge anti-gaspillage au sein du groupe Barrière. Elle fait même partie d’une compilation de 20 recettes anti-gaspillage réunies dans l’ouvrage de l’Umih Les chefs s’engagent (éditions Scrinéo), préfacé par le chef étoilé Thierry Marx.
“Les carcasses servent à faire les sauces maison”
Rien ne se perd et tout se transforme aussi avec Bruno Fournier, directeur de la restauration du casino de Royan (Charente-Maritime). “Je retravaille les restes de légumes pour en faire des potages. Quant au surplus de pain, on en fait du pudding.” Du côté de Colroy-la-Roche (Bas-Rhin), “le pain de la veille sert à concocter des mendiants et, quand il est trop dur, on le donne aux poules des paysans voisins”, explique Nicolas Decker, propriétaire et dirigeant de La Cheneaudière, Relais & Châteaux de 38 chambres et suites. “Nous faisons tout nous-mêmes. Il est donc facile d’adapter la production aux besoins des clients et, ainsi, on ne sur-stocke pas.” Il fabrique également son propre compost. Quant aux carcasses de homards ou de viandes, “elle servent à faire nos sauces maison”. Thibault Frotiée, lui, retravaille les mini-tablettes de beurre inutilisées dans les sauces. Responsable du restaurant Le Cercle au casino de Deauville (Calvados), il ne jette plus, non plus, les fonds de bouteilles de vin : “Elles sont ajoutées à de nouvelles bouteilles qui viennent d’être ouvertes, en vue de servir du vin au verre.” Autre possiblité : “Si on ne finit pas sa bouteille de vin, on peut l’emporter”, raconte Mikaël Amisse. Et le chef exécutif de l’hôtel Royal Barrière, à La Baule (Loire-Atlantique), ne s’arrête pas là : “Pour le buffet du petit déjeuner, nous avons établi une trame de commandes, de viennoiseries et charcuteries, en fonction du nombre de clients dans l’hôtel. Résultat : il n’y a plus de retour de buffet du petit déjeuner au restaurant du personnel. Quant au buffet du brunch, proposé au Fouquet’s, on ne dresse plus à l’avance les tomates à la mozzarella, le saumon fumé n’est plus déjà tranché et les huîtres ne sont plus ouvertes en amont : des cuisiniers préparent à la demande, devant le client.”
Un frigo solidaire chez Les Hôteliers impertinents
“Ça ne coûte rien et ça nourrit les gens.” Florian Bitker, directeur des opérations du groupe Les Hôteliers impertinents, résume ainsi le travail mené par l’association Les Hôtels solidaires, à laquelle les établissements de son groupe - les hôtels COQ et Monte-Cristo, à Paris (XIIIe et Ve) - adhèrent. “Chaque matin, des membres de l’association viennent chercher, à vélo, les viennoiseries et les savons qui nous restent, pour les redistribuer à des personnes en situation de précarité.” Florian Bitker projette également d’installer un frigo solidaire courant 2019 devant le COQ : “Il s’agit d’un frigo en libre-service, à la portée de tous, où chacun pourra déposer ou prendre de la nourriture gratuitement, quand il le souhaite.” Enfin, dès février 2019, Les Hôteliers impertinents proposeront aux riverains de leurs établissements, via l’application Too Good Too Go, “de venir récupérer des paniers composés de nos invendus du jour, tarifés à prix coûtant”. Plus que séduisant.
Publié par Anne EVEILLARD
mardi 1 janvier 2019