Nos grands-parents et arrières grands-parents, lorsqu'ils laissaient mijoter les plats plus d'une vingtaine d'heures au coin du feu faisaient déjà de la cuisson basse-température. Remise au goût du jour par de nombreux chefs de cuisine, cette méthode a tout pour plaire. Mais qu'en est-il des règles d'hygiène et de la multiplication microbienne ? La cuisson à basse température est-elle sans risque ?
La cuisson basse température a beaucoup d'avantages mais il ne faut pas oublier que préserver la santé des clients est l'un des enjeux de la restauration, au-delà de la notion du plaisir des yeux et de la dégustation.
Ce mode de cuisson n'est pas mentionné dans le dernier Guide de bonnes pratiques d'hygiène restaurateur (GBPH). À ce jour, seules les cuissons à une température supérieure ou égale à 63 °C sont réglementaires. C'est donc à vous de prouver que vos préparations cuites à basse température ne présentent pas de dangers.
Les avantages de la cuisson basse température
- Ce mode de cuisson, applicable à de très nombreux aliments animaux ou végétaux, permet de valoriser des produits qui manqueraient de tendreté ou de jutosité en cuisson traditionnelle.
- Le goût et les apports nutritionnels (vitamines et sels minéraux) sont préservés, l'assaisonnement peut être réduit, il n'y a pas de risque de sur cuisson et la perte en matière première est moins importante.
- La cuisson peut être réalisée pendant la nuit, entraînant moins de contraintes horaires et techniques car le matériel est disponible pendant la journée, ainsi qu'une diminution des dépenses d'énergie, sans obligation d'avoir un matériel spécifique. Seul un thermomètre à sonde est nécessaire. Des systèmes de surveillance nocturnes permettent d'être prévenu par téléphone en cas de problème.
Les principes de la cuisson basse température
Les protéines de la viande se gélifient à partir de 55 °C. L'eau des aliments s'évapore à partir de 100 °C. Le fait de rester entre ces deux températures limitera la perte en eau du produit, qui préservera ainsi toute sa jutosité. Mais pour être sûr de détruire tous les micro-organismes, il faudrait atteindre 120 °C au coeur du produit. Heureusement, de nombreux germes pathogènes ne sont pas aussi résistants mais un couple temps/température précis est indispensable pour éviter les intoxications alimentaires.
Il faut donc tenir compte de la valeur cuisatrice (Vc) : température à partir de laquelle le produit devient consommable.
Exemples :
• À 61 °C, une viande reste rosée.
• Entre 62 et 68 °, les protéines se dénaturent et changent de couleur : cette température sera adaptée pour des viandes rouges sautées ou des viandes blanches.
• À 68 °C, les tissus musculaires des viandes commencent à perdre leur eau.
• À 80 °C, les molécules d'amidon des féculents comment à s'hydrolyser
• Au-delà de 85 °C, les fibres des légumes s'attendrissent
Mais cette valeur repose sur des critères subjectifs (aspect, tendreté, odeur, goût…).
L'autre valeur primordiale et qui prend en compte le développement microbien est la valeur pasteurisatrice (Vp). L'objectif est de détruire au moins 90 % des bactéries. Elle correspond au temps théorique de chauffage d'un produit à une température constante de référence. Cette valeur diminue si la température augmente.
Exemple : pour un produit donné, il faudra 60 minutes à 60 °C ou 6 minutes à 70 °C.
Pour garantir une marge de sécurité, on ne peut raisonnablement pas aller sous 55 °C, et on ne parlera de véritable pasteurisation qu'à partir de 75 °C
Streptococcus faecalis, le germe de référence
La bactérie retenue pour le calcul de la valeur pasteurisatrice est Streptococcus faecalis, mais toutes les bactéries ne réagissent pas de la même façon : 2 minutes à 60 °C suffisent pour les salmonelles mais pour Clostridium Perfringens, plus de 10 heures à 50 °C sont nécessaires.
Saisir la viande sur toutes les faces avant cuisson permet déjà d'éliminer une bonne partie des germes présents. Le contrôle des températures du four et de l'aliment à coeur (dans la zone la plus froide du produit) est indispensable.
Quelques exemples de temps et de températures de cuisson
Aliment |
Saisir |
Durée de cuisson au four |
Température du four |
Température à coeur du produit |
Filet de boeuf (800g) |
4 minutes | 1 h 30 | 80 °C | 55 °C (à point) |
Steak (200g) |
1 minute | 0 h 45 | 75 °C | 55 °C (à point) |
Rôti de veau (800g) |
4 minutes | 2 h | 80 °C | 60 °C |
Gigot avec os (2kg) |
10 minutes | 3 h 30 | 80 °C | 60 °C |
Rôti de porc (800g) |
4 minutes | 2 h 30 | 80 °C | 68 °C |
Filet de dinde (1,5 kg) |
6 minutes | 3 h 45 | 90 °C | 68 °C |
Filet de poisson blanc (150g) |
1 minute | 35 min. | 70 °C | 51 à 54 °C |
Œuf |
1 h | 64 °C | 64 °C | |
Légumes |
0 h 30 | 70 °C | 60 °C |
Encore des incertitudes
Ces températures ne sont qu'indicatives, car il n'existe aucune base scientifique les validant. Elles découlent d'observations et d'expériences réalisées par des cuisiniers. Pour valider ces températures et les protocoles associés, il faudrait réaliser une analyse des dangers et faire des prélèvements microbiologiques.
La marche à suivre
Pour chaque préparation, il faut déterminer un couple temps-température pour obtenir la valeur pasteurisatrice et la valeur cuisatrice souhaitées. Des prélèvements bactériologiques permettront de valider les températures et la durée de cuisson choisies, en vérifiant l'absence de prolifération microbienne. Les différentes cuissons doivent faire l'objet d'un protocole inscrit dans le plan de maîtrise sanitaire.
Les relevés de température doivent être conservés au minimum un mois après la date limite de consommation.