Aucun exploitant ne peut ignorer que les prix des matières premières augmentent de façon presque ininterrompue depuis le début de l’année. De nouvelles hausses sont possibles en raison de la situation géopolitique dont les répercussions pourraient s’inscrire dans la durée.
De ce fait, la question d’augmentation des prix de vente est parfaitement légitime.
Certes, les augmentations de vos prix de vente est un moyen mathématique de s’assurer que les hausses subies à l’achat n’impactent nullement la rentabilité finale. Cependant, deux questions cruciales se posent :
- De combien dois-je les augmenter ? Dois-je rajouter uniquement la valeur des augmentations traduites en TTC ou dois-je appliquer un coefficient multiplicateur pour garantir mes pourcentages de marges brutes actuelles ?
- En augmentant mes prix, est-ce je n’encours pas le risque de faire fuir certains clients dont le budget mensuel est déjà serré et pour qui aller au restaurant pourrait devenir simplement du non-essentiel mis en arbitrage ?
Pour répondre à la première question, le point de départ est de connaître au plus près quelles sont vos marges actuelles et de savoir si les marges réalisées concordent avec les marges théoriques. Ces dernières devraient être calculées avec des fiches techniques pour les solides et par des calculs plus simples pour les boissons.
Si vos marges brutes réelles sont en deçà de celles qui sont attendues, des marges théoriques régulièrement recalculées, cela indique qu’il y a certainement des failles dans la chaîne de production. Dans ce cas, il demeure des points de marge à récupérer qui vous permettraient éventuellement d’atténuer les hausses des prix actuelles, voire d’y faire face.
- Cibler les points critiques de la chaîne
En resserrant votre gestion, vous épargnerez vos clients de hausses de prix de vente. Pour ce faire, il sera nécessaire de cibler les points critiques de la chaine, à savoir :
- la réception des marchandises (contrôles soit systématiques, soit inopinés) ;
- le stockage (un meilleur rangement pour éviter des pertes) ;
- la transformation (conformité des pesages et dosages) ;
- la facturation (minimisation des oublis et des erreurs) ;
- les pertes (surveillance renforcée des DLC, meilleure gestion des plats du jour et des repas du personnel) ;
- les offerts (avec une parcimonie plus judicieuse où l’offre du deuxième café ou du digestif remplace celle de l’apéritif) ;
- une minimisation des consommations personnelles de la part de la direction (pour les repas à la maison par exemple) ;
- le coulage (des contrôles renforcés).
En même temps, il faudrait initier des négociations plus soutenues avec vos fournisseurs pour être certain que leurs prix proposés soient les meilleurs prix négociables. Il y a souvent des marges de manœuvre. Si nécessaire, il faut obtenir des prix de plusieurs fournisseurs pour comparer, ce qu’on appelle le benchmarketing.
Il serait également judicieux de contacter des centrales d’achats pour comparer vos prix actuels avec les leurs. Souvent des économies substantielles peuvent être réalisées. Il faut scruter et profiter des promotions du moment, surtout pour les restaurants où il est possible de faire évoluer rapidement la carte ou le plat du jour.
Une autre piste demeure celle de l’ingénierie de vos cartes et menus. Il est possible soit de substituer certains plats par d’autres, gustativement aussi bons mais financièrement moins onéreux, soit de présenter certains mets autrement. Une souplesse dans vos propositions est essentielle, l’utilisation d’ardoises ou d’affichages électroniques prend toute son importance ici.
L’amélioration de l’accueil, du bien-être du client, peut se traduire en armes financières à l’heure où l’accueil et l’expérience sont devenus essentiels. Les marges de manœuvre dans ces deux domaines sont énormes, car certains établissements pourraient renforcer la perception du rapport qualité-prix par ces biais.
Certes le travail d’amélioration de la marge est un travail fastidieux, usant et parfois frustrant, mais ce travail, qui est une obligation pour réussir, se révèle souvent très bénéfique.
- L’augmentation des prix : la dernière cartouche
Enfin, quand toutes ces pistes sont explorées et confirmées et la conformité des marges attendues est atteinte, la piste de l’augmentation des prix, votre dernière cartouche, deviendra l’option à poursuivre.
Dans un premier temps, ne cédez pas à la facilité, car l’augmentation du prix, préconisée dans la situation actuelle, peut être un outil à double tranchant. Le risque de la perte d’une partie de la clientèle est bien réel. Ces clients se disent que la sortie au restaurant est devenue trop chère chez vous et décident de dépenser leur argent dans un établissement moins coûteux, même s’il est peut-être moins bien.
Cependant, s’il est nécessaire d’augmenter les prix, il faut agir avec dextérité et de façon astucieuse. Pour ce faire, la première chose qui s’impose est d’établir les pourcentages de vente de chaque prestation : dans presque tous les cas, 20 % de vos plats représentent 80 % de vos ventes. Il est donc inutile d’augmenter de façon importante les prix des prestations qui ne se situent pas dans ces 20 % car l’impact, en dehors d’être très visible ne serait que marginal sur les marges finales obtenues. N’augmentez pas tous vos apéritifs si 90 % de vos clients consomment du Kir !! Pour les plats qui représentent la plupart des ventes et une fois l’ingénierie (la composition) des plats ajustée, des augmentations adaptées mais calculées pourraient être appliquées.
Naturellement, les augmentations dépendent du créneau votre entreprise se situe car tout le monde n’est pas logé au même enseigne.
Pour les restaurants ouvriers à haut débit mais à marges réduites l’augmentation des prix de vente pourrait avoir un effet dévastateur. Il faudrait procéder avec parcimonie car chaque centime compte. Renforcer votre accueil, votre qualité, votre ‘séduction’, votre visibilité et les quelques centimes en plus passeront.
À l’autre extrémité, des tables haut de gamme qui affichent des prix relativement élevés jouissent de plus de marge de manœuvre. Il est fort probable qu’un client qui paye déjà 75 € pour un menu, 39 € pour une sole ou 85 € pour une bouteille de vin et pour qui la qualité de l’expérience prime sur l’aspect roboratif sera moins volatile en cas de hausses des prix.
- Une équation complexe
Dans tous les cas, tôt ou tard, il sera nécessaire d’ajuster ses prix à la hausse, car “il n’y a que la pluie qui tombe”.
Non seulement les coûts matières flambent, mais le coût salarial avance à haute vitesse suite à l’inflation, à manque de compétences, à la perte d’attractivité des métiers des CHR, donc au manque de personnel.
Et si l’équation n’était pas déjà assez complexe, la situation géopolitique mérite une attention particulière car la visibilité actuelle est faible et les dommages financiers collatéraux incertains.
En opérant de façon avertie, en ajustant avec doigté, en gérant de façon optimale et en serrant au maximum et en renforçant votre attractivité la pérennité de votre entreprise ne pourrait être que favorisée.
Publié par Christopher TERLESKI