Journalistes français et étrangers, signatures issues de la presse télé, de titres d’informations générales, de la radio… Ils étaient nombreux le 29 janvier 2025 au 7e Ciel, l’espace expérientiel du dernier étage du Printemps Haussmann, à Paris (IXe). C’est là que la chaîne M6 a présenté la 16e saison de son émission Top Chef. “C’est un programme iconique chez les 25-34 ans”, a souligné Guillaume Charles, membre du directoire du groupe M6, en charge des antennes et des contenus. Son explication du phénomène : “Le côté feuilletonnant fonctionne très bien.” “Top Chef, c’est un concours statutaire, reconnu par ses pairs” a renchéri Florence Duhayot, à la tête de Studio 89, une filiale du groupe M6 qui produit l’émission. Autre de ses arguments pour expliquer le succès du programme : “En regardant Top Chef, 30 % du public a changé sa façon de cuisiner.” Cerise sur le gâteau : “En France, 16 % des femmes chefs sont d’anciennes candidates.” Le décor est planté. Top Chef se pose en référence et s’impose en influence.
Du côté des anciens candidats, ils sont nombreux à le reconnaître : leur vie a changé une fois passés à la télé. “Je ne retiens que du positif de cette expérience”, confie Jorick Dorignac, vainqueur de la saison 15 de Top Chef. Même s’il avoue quelques “moments de galère” avec des épreuves plus difficiles que d’autres, la soudaine notoriété et surtout la rencontre avec sa coach, la cheffe étoilée Stéphanie Le Quellec – elle-même gagnante de la saison 2 –, marquent un tournant dans son parcours. “Top Chef, c’est comme une deuxième famille avec laquelle j’ai vécu deux mois intenses”, dit-il. Avec une double victoire à l’arrivée : la finale remportée et un job à la clé, puisque Stéphanie Le Quellec l’a nommé chef exécutif de son groupe Maisons Le Quellec. Même engouement du côté d’Ambroise Voreux, candidat de la saison 13 durant six semaines de compétition. “Je suis ravi de l’avoir fait. J’en garde un très bon souvenir, car on apprend beaucoup, on repart avec un chouette carnet d’adresses – j’ai le “06” de Paul Pairet, mais je n’en abuse pas ! – et cela ramène du monde à La cabane à matelot”, le restaurant des bords de Loire, près de Tours (Indre-et-Loire), dont il est le chef. Un bémol toutefois : “La notoriété n’est pas toujours facile à gérer, notamment vis-à-vis de mon associé et des équipes, car certains clients ne veulent voir que moi.”
“Devenir ambassadeur de marque”
“Top Chef apporte une visibilité aux chefs, qu’ils soient membres du jury ou invités, comme aux candidats. Si l’émission n’apporte pas de réservations dans un restaurant triplement étoilé, elle ouvre en revanche des portes, par exemple, pour devenir ambassadeur de marque”, observe Frédéric Bessard, fondateur et coordinateur du MBA communication et gastronomie à l’Efap-Lyon. Cela a été le cas notamment pour le chef Norbert Tarayre, finaliste de la saison 3 de Top Chef, devenu en 2018 partenaire de l’enseigne de restaurants La Pataterie. Même scénario avec le chef étoilé Michel Sarran, l’un des jurés de l’émission culinaire de 2015 à 2021, qui a notamment imaginé des recettes pour Burger King en 2023 et participé à la campagne de publicité de Maison Delpeyrat en 2024.
Dans cette même veine, un passage à Top Chef aide-t-il les participants à convaincre un banquier de financer l’ouverture d’un premier restaurant ? Pas toujours, paraît-il. Cela dépendrait du profil de l’établissement et de son positionnement géographique. Dans le cas de Samuel Albert, vainqueur en 2019, il a pu faire l’acquisition de l’une des plus célèbres brasseries d’Angers (Maine-et-Loire), sa ville natale, dans les mois qui ont suivi la diffusion de l’émission. Mais son projet était celui d’une table milieu de gamme, accessible à tous, et non celui d’un restaurant gastronomique, pour lequel, selon d’autres candidats, “les fonds sont plus difficiles à obtenir de la part d’un banquier”.
Des followers à la hausse, mais une audience en souffrance…
Si Top Chef fait grimper le nombre de followers sur le compte Instagram d’un candidat ou d’un chef, l’audience de l’émission, quant à elle, chute. Chiffres à l’appui : en 2012, l’audience moyenne flirtait avec les 4 millions de téléspectateurs et atteignait les 5,4 millions pour la finale, contre seulement 1,9 million en 2024, avec un pic à 2 millions pour la finale. À qui la faute ? “L’émission est trop longue”, répondent en chœur les étudiants de Master 1 restauration à l’Esthua de l’université d’Angers. Les jeunes que l’émission intéresse découvrent les résultats d’un épisode le lendemain de sa diffusion, sur les réseaux sociaux. Quant au journaliste culinaire Stéphane Méjanès, s’il est fan de Top Chef et apprécie l’humour des jurés Glenn Viel et Paul Pairet, il a trouvé les dernières saisons “plus fades que les autres”. Selon lui, “le dernier temps fort de Top Chef a été la présence d’Adrien Cachot en finale”. C’était en 2020.
Face au paradoxe qui oppose une influence galopante à une audience en berne, M6 a mis les pieds dans le plat. Pour cette saison 2025, l’émission Top Chef s’est associée au guide Michelin pour offrir la possibilité au gagnant de décrocher une étoile, dans le cadre d’un restaurant éphémère. “La production ne nous a rien refusé pour s’assurer du sérieux de l’évaluation”, souligne Gwendal Poullennec, patron du guide Michelin. Quant à Stéphane Rotenberg, animateur de l’émission, il promet “une nouvelle pression et du suspense en plus” dans cette course à l’étoile. Cela suffira-t-il à fidéliser davantage de téléspectateurs ? Réponse au printemps 2025, lors de la diffusion d’une saison sous haute attention.
Publié par Anne EVEILLARD