L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?
Frédéric Anton : En fait, je n'ai jamais voulu être cuisinier parce
que, tout simplement, cela ne m'a pas traversé l'esprit. Enfant, je ne suis
jamais allé en cuisine pour regarder ma mère aux fourneaux. J'étais plutôt avec
mon père pour bricoler. J'ai toujours été très manuel et je rêvais d'être
ébéniste. Lorsqu'il a fallu choisir une voie à l'école, j'ai opté pour l'ébénisterie
et la cuisine en deuxième position, dans la mesure où c'était un métier où il y
avait du travail. Dans les Vosges, les entreprises préparaient les jeunes en
apprentissage à la menuiserie, pas à l'ébénisterie. Alors j'ai essayé la
cuisine. Quand je suis rentré à l'école hôtelière, que je me suis mis à laver
une carotte, l'éplucher, la découper, la cuire et la dresser, j'ai tout de
suite vu l'analogie avec l'ébénisterie, cette transformation de la matière
brute, comme le bois pour faire une belle commode. Je me suis dit que c'était
un métier d'artisan et manuel qui allait me convenir.
Vous avez trois étoiles Michelin depuis 2007 et un titre de
MOF. Avec le recul, quel a été le moment le plus difficile de votre
carrière ?
Le concours Un des meilleurs ouvriers de France représente notre
apprentissage, les dix ou quinze années où l'on a appris notre métier et qui
nous permettent de retranscrire le thème imposé le jour J. Pour le guide Michelin, c'est notre travail au
quotidien qui est pris en compte, celui qui doit satisfaire notre client. Il
faut être un grand cuisinier sur le long terme, avec une régularité sans
faille. Je dirais que ce métier, c'est l'aboutissement d'un apprentissage
acharné et d'une constante boulimie d'apprendre la cuisine. Ça c'est
difficile !
Qu'est-ce qui vous motive
aujourd'hui ?
Me retrouver tous les jours dans ma cuisine, de transmettre mon savoir à
mes collaborateurs et la créativité que demande la réalisation des plats.
Vous avez été pendant
plusieurs saisons membre du jury dans Masterchef sur TF1. Vous avez quitté le
programme volontairement. Quel bilan tirez-vous de cette aventure ?
Un bilan très positif. J'ai passé quatre ans aux côtés d'Yves
Camdeborde et Sébastien Demorand avec qui j'ai passé des moments
formidables de découverte de candidats passionnés, d'épreuves exigeantes, de
rencontres émouvantes… Pour le Pré Catelan, nous avons enregistré un afflux de
clients inhabituel, une clientèle beaucoup plus large, des passionnés de l'émission
et cela continue. Pour moi, cela a été un changement de vie un peu brutal au
quotidien : tout à coup les gens vous reconnaissent, vous interpellent…
Quatre saisons, c'était suffisant et je n'ai pas voulu participer à la 5e
car je voulais me recentrer sur le restaurant et sur mon travail.
Votre grand plat classique
favori ?
Le pâté en croûte Alexandre Dumaine.
Votre plat best-seller ?
L'os à moelle est à la carte depuis dix-sept ans et il se décline au fil
des saisons. En automne, cèpes et chou ; en hiver, haricots coco et
truffes ; au printemps, fèves et morilles, et en été, petits pois et
girolles. C'est mon plat porte-bonheur. Mettre un os à moelle dans un
restaurant gastronomique, ce n'était pas courant. La presse a accouru et les
professionnels aussi. Je ne sais pas ce qui se serait passé sans ce plat…
Votre plat préféré à votre
carte ?
Le crabe au caviar est un plat fétiche [Crabe moelleux parfumé au curry,
caviar de France et zestes de citron vert, NDLR]. C'est en fait une nouvelle
version de mon plat d'étrilles à mes tout débuts au Pré Catelan.
Au restaurant, en tant que
client, sur quoi se porte votre attention en priorité ?
J'ai le souci du détail, surtout celui auquel j'aurais pu penser. C'est ce
qui m'intéresse.
Quels restaurants ont votre
préférence ?
J'adore le restaurant Nahm à Bangkok - à l'Hotel Metropolitan by Como -
avec le chef David Thompson, un Australien qui vit sur place depuis des
années et qui est devenu la référence de la cuisine thaïlandaise. C'est
extraordinaire ! J'aime aussi les bars à tapas du marché de la Boqueria à
Barcelone où on commence avec des couteaux à la persillade à la plancha avec
une bière blanche et un café latte. Parfait pour débuter la journée.
Ce qui vous agace le
plus ?
Les gens qui ouvrent des restaurants en pensant que c'est facile alors
qu'ils n'ont aucune formation, et qui finissent par fermer car ils n'ont ni le
savoir-faire ni les épaules pour y arriver.
Le secret de la
réussite ?
La régularité.
Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine