Depuis la pandémie, le secteur des CHR a, comme beaucoup d’autres, connu une période dense, imprévisible et difficile à interpréter, avec des pics et des chutes de trésorerie, des niveaux d’activité florissants pour certains, complexes pour d’autres et, dans tous les cas, presque impossibles à comparer avec les exercices antérieurs.
En ce début d’année 2024, certaines tendances préoccupantes, amorcées depuis 2022, se confirment. Parmi elles, l’augmentation du prix des matières premières et la raréfaction des moyens humains sur le marché du travail, liée à un manque de compétences adaptées aux besoins des exploitants. Cela a engendré une hausse sensible du coût salarial, ainsi qu’une explosion des autres charges de fonctionnement. Pour compléter cet ensemble, les mises aux normes, qui ne créent quasiment aucune richesse pour l’entreprise mais entament souvent la trésorerie de façon durable, menacent toujours autant, créant une conjoncture externe incertaine.
Sachant que celle-ci échappe au contrôle de l’exploitant, celui n’a comme seule solution de se concentrer sur la conjoncture interne à l’établissement, grâce à laquelle il pourra non seulement retrouver et protéger sa rentabilité en 2024 mais, ce qui est encore plus motivant, la renforcer.
• Identifier le vide
Comme point de départ il est nécessaire d’identifier le challenge, ultra élémentaire et pourtant souvent ignoré par l’exploitant, les comptables et les banquiers : identifier le vide. Car rien ne trouble tant la stabilité de l’entreprise que les chaises vacantes et les lits inoccupés. En effet, si la marge brute dégagée par le chiffre d’affaires est insuffisante, les coûts salariaux et les autres charges peuvent menacer la bonne santé de l’entreprise.
Dans presque toutes les statistiques qu’un exploitant regarde, le ‘néo-plein’ est toujours mis en évidence avec des chiffres tels le taux d’occupation, le ticket moyen, le RevPar, le nombre de couverts réalisés, etc. Alors que tout tableau de bord démontre, à juste titre, la performance, il devrait également mettre en exergue les montants manquants que représente le vide. Ce tableau devrait aussi indiquer les dérives éventuelles des marges, qui pourraient alors être immédiatement corrigé.
Exemple : un hôtel 4 étoiles de 37 chambres ouvert 300 jours par an a réalisé une saison qualifiée de ”satisfaisante” en 2023, avec un taux d’occupation de 57% et un prix moyen chambre de 205 € HT. Ce que l’exploitant ne prend pas en compte, c’est le manque à gagner théorique que représentent les 43 % de vide, à savoir un chiffre d’affaires potentiel de 965 000 €. En considérant un prix moyen chambre minoré, à seulement 105 € pour calculer la valeur de ce du vide, le manque à gagner représente 500 000 €. Même si l’exploitant se dit ”satisfait”, une partie du manque à gagner l’aurait à n’en pas douter rendu encore plus satisfait, sans compter que le surplus aurait diminué proportionnellement les charges fixes de l’établissement.
Naturellement, il est impossible et irréaliste d’atteindre constamment 100 % de taux d’occupation, mais en récupérant ne serait-ce que 10 % du manque à gagner, le chiffre d’affaires aurait grimpé de 50 000 €, produisant une marge brute supplémentaire supérieure à 40 000 € qui aurait impacté positivement le résultat final.
• Marketing et gestion, armes de 2024
De cet exemple, il est possible de comprendre que le marketing est nécessairement un outil de gestion, car plus il y a d’activité, plus les charges fixes sont proportionnellement absorbées. Si le marketing est une arme pour 2024, l’autre demeurera la gestion car, une fois le client présent il ne faudrait nullement ‘gaspiller’ le précieux chiffre d’affaires généré par un fonctionnement qui présenterait des failles.
Ainsi, cet autre exemple étonnant : un hôtel-restaurant a généré en 2022 un chiffre d’affaires de 7 M€ dont 4,5 M€ en restauration. L’exploitant soupçonnait un manque à gagner occasionné par une gestion pas assez rigoureuse de son offre de restauration. En analysant sa performance, il lui a été possible de déceler un manque à gagner de presque 400 000 € par an, masqué par de bonnes marges sur l’hébergement : les clients étaient là grâce à un marketing efficace, mais la rentabilité s’évaporait, faute d’une gestion assidue.
Dans une période où la rentabilité et la pérennité des entreprises pourraient être menacées, il est nécessaire d’instaurer un mix judicieux ciblé à la fois du marketing et de la gestion. L’un ne va pas sans l’autre. Avoir des clients en nombre sans gestion rigoureuse est usant, tout comme avoir de très bonnes marges - grâce à des prix élevés et des prestations minorées - sans clients ne sert à rien. Il est indispensable de proposer un produit de qualité au bon prix qui séduira le client et permettra à l‘exploitant de rester rentable.
La règle d’or est que les prix pratiqués devraient favoriser le plein au lieu de financer le vide. Le point de départ est, avant d’agir tous azimuts, d’auditer ou de faire auditer son produit et ses pratiques, pour identifier les failles. Ensuite, avec ce ‘scan’ de ses forces et des points à améliorer, il sera possible de porter judicieusement les efforts, soit dans le marketing, soit dans la gestion, soit les deux. Ces deux aspects seront détaillés dans deux articles à paraître les 9 et 16 janvier prochains.
Publié par Christopher TERLESKI