Retour d’expérience : “J’ai fait le choix du bio”

Le bio peine à séduire les restaurateurs, souvent rebutés par son coût ou le sourcing. Pourtant, au-delà d’une démarche engagée, le bio peut parfaitement rimer avec rentabilité.

Publié le 13 février 2024 à 14:00

En France, il y a 6 % de produits bio dans la consommation à domicile, 7 % dans la restauration collective, mais seulement 1 % en moyenne dans les 170 000 restaurants, et à peine 300 restaurants sont labellisés bio”, constate Laure Verdeau, directrice générale de l’Agence Bio. Le surcoût des produits bio, estimé entre 20 % et 30 % par rapport à leurs homologues conventionnels selon le magazine Capital, explique en grande partie cette frilosité : il cache en réalité de grandes disparités selon les types de produits et le mode d’approvisionnement. “Pour les fruits et légumes, je paie deux à trois euros supplémentaires au kilo chez le maraîcher, glisse Sarah Goter, à la tête du café-resto Les Récupérables à Rennes. Pour le poulet en revanche, mon fournisseur ne me propose plus que du label Rouge, car le bio est devenu trop cher.”

 

Maîtriser ses coûts

La restauratrice, qui utilise des produits bio à 60 %, affiche “près de 70 % de marge en globalité”. Bio et rentabilité sont donc conciliables, à condition de maîtriser ses coûts. Sarah Goter, tout comme Davide Fontana (fondateur du resto-bar-épicerie d’inspiration italienne Trattino, 100 % bio, à Lyon), compose un menu majoritairement végétarien. Les produits sont choisis avec soin. Davide Fontana a ainsi arrêté de travailler les produits trop chers, baissé leur quantité dans l’assiette ou cherché des solutions moins onéreuses comme le bleu du Vercors-Sassenage, “40% moins cher que le gorgonzola”. “Mais j’achète toujours au juste prix, pour être équitable avec les fournisseurs”, insiste-t-il. Autres astuces évoquées par Laure Verdeau : “Cuire aux heures creuses, et acheter des bas morceaux comme le paleron ou des légumes dits moches.”

Tout est question d’équilibre entre “le coût du produit et le travail qu’il nécessite”, mais aussi dans le calcul des marges et la “conception intelligente du menu” : “Je dois écraser ma marge sur certains produits comme les bières, et me rattraper sur des productions maison comme les thés glacés ou les gnocchis à la tomate, bien plus rentables. Au final, je peux proposer des plats entre 12,50 et 23,50 , avec beaucoup de travail derrière”, poursuit Davide Fontana. Pour sa part, Sarah Goter mise sur les soupes et les salades de type bowl (“leur grosse rentabilité et le fait qu’elles ne nécessitent pas beaucoup de travail permettent d’équilibrer mes deux autres plats plus travaillés”), les ventes additionnelles (pain bio maison, pâtisserie et traiteur : parmentier, lasagne, quiche…), et les pauses gourmandes. “Nous sommes ouvert de 9 h 30 à 18 h 30. À midi, le ticket moyen est entre 11 et 13 . Les clients de l’après-midi font moins attention à la dépense : un chocolat chaud et un cookie reviennent à 7 , alors qu’en main-d’œuvre et en coût matière, c’est peu”, pointe-t-elle.

L’organisation doit être optimisée et la fréquentation au rendez-vous. Sarah Goter et ses deux salariées gèrent les 46 couverts et la vente à emporter. Chez Trattino, six personnes en cuisine assurent chaque service, pour un total de 300 à 600 couverts par jour. “Une patateuse, par exemple, fait gagner un temps précieux pour la confection des gnocchis”, note Davide Fontana. La lutte contre le gaspillage, quant à elle, est intransigeante : carte courte, suggestions du jour, produits utilisés dans leur entièreté…

Durabilité

Côté sourcing, la relation directe avec les producteurs ou des groupements est privilégiée. Le nombre de fournisseurs grimpe vite : une quarantaine pour Trattino. Mais dénicher de bonnes adresses ne s’avère pas si compliqué, d’autant que des annuaires existent en ligne. “Quand on le veut vraiment, on trouve. Ma seule difficulté porte sur les produits laitiers bio, car je n’ai trouvé personne pour me livrer”, regrette Sarah Goter.

Selon les deux restaurateurs, la démarche bio ne vise pas forcément à séduire la clientèle, plus intéressée par le rapport qualité-quantité-prix ou les produits locaux. Mais elle permet de marier restauration et durabilité. Et Davide Fontana de déclarer : “Le bio est encore souvent perçu comme un truc de bobos mangeurs de graines ! Mais pour moi, c’est une conviction, la garantie de produits plus qualitatifs, le soutien à des producteurs engagés, et surtout l’absence de pesticides. Si je passais en conventionnel, j’augmenterais ma rentabilité, mais quel impact j’aurais sur la planète et la santé des gens ?”


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Publié par Violaine BRISSART



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