Le Canada ? Stéphane Modat n'y avait jamais songé.
Originaire de Perpignan, il fait ses armes au Jardin des sens des frères Pourcel (Montpellier) et
à L'Univers de Christian Plumail (Nice), jusqu'à ce qu'il rencontre sa
future épouse, venue tout droit du Québec. En 2000, le jeune couple pose ses
valises outre-Atlantique et, au bout de cinq mois, le cuisinier obtient son
permis de travail. "On m'a parlé d'un restaurant à Québec, L'Initiale, tenu
par un Français. J'ai rencontré le patron et j'ai commencé le lendemain",
se souvient-il. Au cours de ces trois années, il découvre les habitudes
québécoises. "Les gens dînent à 17 h 30, et à 22 heures, les
restaurants ferment. Autre exemple : un poisson grillé servi entier avec
la tête, c'est impossible", détaille-t-il.
C'est également dans cet établissement qu'il fait la connaissance de ses
futurs associés, avec lesquels il lance l'Utopie en 2004. "À 27 ans, j'ai pris un
prêt, et en six mois, le restaurant était ouvert. Aujourd'hui, les banquiers
sont plus frileux, mais certainement moins qu'en France. Ça reste relativement
facile", estime-t-il. En quelques mois, l'Utopie est classé deuxième
meilleur nouveau restaurant du pays par le magazine EnRoute d'AirCanada. Le succès est au rendez-vous et l'équipe ouvre
une seconde adresse mitoyenne, Le Cercle. Après avoir dirigé la brigade de cuisine pendant cinq ans, Stéphane
Modat met un terme à l'aventure. Son but ? "Découvrir d'autres facettes
de la gastronomie." Le touche-à-tout part explorer les cuisines asiatiques
et marocaines. Chef à domicile, il assure les événements VIP pour Guy
Laliberté, le fondateur du Cirque du Soleil. En tandem avec le sommelier François
Chartier, il anime l'émission Papilles, sur les ondes de Télé-Québec, et
publie Les recettes de Papilles et
Molécules, tiré à 20 000 exemplaires.
Créativité et ambiance 'relax'
Mais les fourneaux finissent par lui manquer… Une rencontre fortuite
avec le directeur du Fairmont Château Frontenac le propulse chef des
restaurants, à la tête d'une trentaine de cuisiniers, en 2013. L'hôtel
emblématique est sur le point de débuter un projet de rénovation majeur, le
chef travaille à l'élaboration et au développement des concepts des nouveaux
restaurants… et savoure l'ambiance de travail. "C'est très plaisant, le
tutoiement est facile, les gens sont plus relax. Il n'y a pas de climat de
pression. On ne crie pas. Au contraire, on discute beaucoup en cuisine, on fait
des briefs sur les nouvelles cartes, sur les retours clients… C'est un vrai
travail d'équipe", note-t-il. Le Québec lui fait aussi découvrir "l'intelligence
de la transformation". "Dans un pays où l'hiver dure six mois, il y a
une vraie recherche de produits à faire si l'on veut travailler avec des
ingrédients locaux. Bien sûr, on peut trouver des produits sous serre, mais il
faut aussi être créatif, préparer des bocaux et des marinades, jouer avec les
légumineuses ou les topinambours", glisse-t-il.
Aujourd'hui, le chef tricolore, dont même l'accent est devenu québécois,
ne regrette aucunement son choix : "Il y a quinze ans, on pouvait
beaucoup innover. Aujourd'hui, c'est plus concurrentiel, mais c'est super
intéressant. Les Québécois sont curieux, il y a une vraie frénésie pour
la cuisine. C'est le fun d'arriver là, ne serait-ce que pour l'ambiance de vie."
Publié par Violaine BRISSART