Au
Mont-Saint-Michel (Manche), où la marée monte à la vitesse d'un cheval au
galop, la prudence est de mise. "Nous
avons une tolérance d'une heure par jour pour stationner au pied du rocher, pas
plus. Pour le restaurateur dont l'entreprise est perchée, il ne faut pas
traîner lorsqu'il faut vider son coffre. Ma propre voiture a été emportée. La
mer n'est pas chargée uniquement de sel mais aussi d'algues et de sédiments. Je
vous laisse imaginer l'état du véhicule lorsque l'eau se retire. Des livreurs
se font avoir chaque année. Le camion-poubelle a même été enseveli dernièrement", explique Matthieu Gaulois, dont la famille exploite trois
hôtels-restaurants et deux sandwicheries intra-muros. À presque 40 ans, l'ancien
élève de Vatel à toujours vécu à côté du Mont-Saint-Michel, où sa famille est
dans l'hôtellerie-restauration depuis un siècle. "Nous vivons en dehors du site, sans quoi
ce serait comme demeurer sur son lieu de travail. Les Montois rêvent de
terrain, d'espace."
La logistique
d'un établissement installé sur ce site singulier, classé au patrimoine mondial
de l'Unesco, est un casse-tête. "Nous avons désormais une seule rotation
par jour pour les déchets et les véhicules sont interdits dans les remparts. Le
matin entre 6 heures et 10 heures, des sortes de Fenwicks-élévateurs
évacuent les ordures et délivrent les marchandises, des croisements qui posent
des problèmes sanitaires. Nous devons aussi conserver nos déchets toute la nuit
en espace climatisé",
regrette Mathieu Gaulois, directeur commercial du groupe qui porte son nom.
Pas de gaz ni
de carburant
"Si nous voulons changer une fenêtre,
nous devons passer par un architecte des Bâtiments de France. Parfois, ils ne
sont pas d'accord entre eux. Les artisans doivent être référencés 'monument
historique' ce qui nous laisse peu de choix pour les devis. Enfin, l'entrepreneur
doit acheminer tous les matériaux à pied. Nos bâtiments sont anciens, nous
devons utiliser les mêmes essences de bois, du fer forgé... En période de
vives-eaux, lorsque les coefficients de marée sont élevés, la navette du
personnel peut être interrompue mais ce n'est pas le plus compliqué car nous
pouvons nous organiser à l'avance",
énumère Matthieu Gaulois, dont le père fut maire du Mont-Saint-Michel de 2001 à
2008.
Les autres
spécificités de ce site classé sont pléthoriques comme les nombreuses coupures
d'eau, "car des
pompes l'acheminent du continent".
Le gaz et le carburant sont également interdits sur le rocher, donc pas de
groupe électrogène. "Nous
redoutons la foudre, car si les ordinateurs peuvent être protégés par les
onduleurs, nous pouvons avoir des dégâts sur les réfrigérateurs, les fours… En
cas de coupure, nous n'avons pas le droit d'utiliser de bougies car elles
déclencheraient les alertes incendie", ajoute le directeur commercial
avant de relever certaines contradictions. "Les antennes sont interdites sur
les toits mais la 4G est enfouie dans le clocher de l'Abbaye. Le bon
fonctionnement des portables est une priorité de sécurité."
La première
phase du chantier de déploiement de la fibre sur le mont , qui s'accompagne
notamment de la modernisation des canalisations qui datent de 1929, a été
lancée cet hiver. Les travaux se poursuivront pendant les prochaines périodes
hivernales (hors saison touristique), et bloqueront plusieurs rues dont l'artère
principale. Et comme pour toutes les interventions sur les sols, des
archéologues sont mobilisés pour contrôler que les coups de pelles ne déterrent
pas de vestiges.
Publié par Francois PONT