L’Hôtellerie Restauration : Quel était le contexte de l’affaire ?
Alexandra Marinakis : Dans cette affaire*, le bailleur d’un magasin à dominance non alimentaire a demandé et obtenu la saisie sur compte bancaire des 3 mois de loyer du deuxième trimestre 2020 - avril, mai, juin. Le locataire a versé le loyer du mois de juin, mais il a saisi le tribunal judiciaire pour contester la saisie-attribution de la totalité du loyer et obtenir sa main-levée. Dans son jugement du 20 janvier 2021, le tribunal valide la saisie-attribution des loyers dus pour la période postérieure au confinement et ordonne sa main-levée pour la période allant du 16 mars au 11 mai, qui correspond à la période de fermeture administrative pour cause sanitaire.
À l’appui de sa décision, il considère que “l’impossibilité juridique survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, d’exploiter les lieux loués est assimilable à [la perte partielle de la chose louée prévue à l’article 1722 du code civil]” et exonère le locataire du paiement des loyers et des charges sur la période de fermeture administrative.
Faut-il en conclure que le loyer commercial de la première période de confinement n’était pas dû ou que le bailleur n’est pas fondé à en demander le paiement ?
Non, au regard des décisions judiciaires contradictoires rendues en la matière, ce jugement ne saurait faire consensus tant que la plus haute juridiction – la Cour de cassation - ne se sera pas prononcée.
Que doivent retenir les exploitants CHR de ce jugement ?
Ce jugement est un signal fort adressé à l’endroit des bailleurs qui entendraient demeurer indifférents à la situation des locataires en procédant par voie de saisie-attribution sur leur compte bancaire pour obtenir le paiement des loyers pendant la période de fermeture administrative - en l’espèce sur la durée du premier confinement, du 16 mars au 11 mai 2020.
Cette décision doit toutefois être abordée avec circonspection, non seulement parce qu’elle est susceptible de recours, mais surtout parce qu’elle demeure contestée en l’état par d’autres décisions qui n’ont pas entériné cette solution – on peut citer notamment l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 5 novembre 2020 et le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2020.
Il n’en demeure pas moins que cette décision ouvre le champ du possible, à l’instar de l’arrêt de la cour d’appel de Paris statuant en référé le 9 décembre 2020, sur le terrain d’un autre fondement juridique : “La fermeture totale du commerce dans le cadre d’état d’urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure.”
* Tribunal judiciaire de Paris 20/80923 du 20 janvier 2021
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Publié par Tiphaine BEAUSSERON