À 35 ans, après neuf années passées à diriger les cuisines du domaine du Mont d'Arbois dont le 1920 avec 2 étoiles Michelin, Julien Gatillon a décidé de se lancer dans l'entrepreneuriat. «Soit je restais dans un très bon poste où quelque part j'étais dans une prison dorée, soit je me lançais à mon compte », se souvient le jeune chef qui a profité de la longue pause due à la pandémie pour peaufiner son concept. Inspiré par son expérience au Japon où il avait découvert des restaurants minuscules en taille et très haut de gamme dans l’assiette, il a ouvert en décembre 2020 un restaurant d'un nouveau type à Megève : une seule table, une seule réservation par service (de 2 à 12 couverts), dans un chalet rénové qui sert à la fois de domicile au chef et à son épouse Sonia, et de restaurant.
"Je veux vraiment que le lieu soit privatif et exclusif. D'où le fait qu'on n'ait qu'une seule réservation"
Cette approche exclusive offre aux clients une expérience totalement personnalisée, où le chef et son épouse se consacrent entièrement à leurs convives. Chez « Nous », chaque repas est conçu sur mesure, en fonction des préférences des clients, des produits de saison et des inspirations du chef. La flexibilité va jusqu'à permettre aux clients de choisir leurs vins (de 40 à 4500 euros la bouteille) directement dans la cave du restaurant. "La majorité des clients réservent à nouveau avant même de quitter le restaurant", se réjouit Julien Gatillon. La formule du "gastro" est un succès.
Le couple souhaite ensuite dupliquer son offre de façon plus accessible et mettra plusieurs mois pour trouver au cœur de Megève un local qui s’y prête. Leur choix d’arrête sur une ancienne galerie d’art de 160 m2 sur 3 étages. Toujours ensemble, ils imaginent les lieux, le style, l’offre. La superficie et donc son coût plus importants que prévus leur imposent d’augmenter leurs revenus par rapport au projet initial. L’agencement en étages devient alors un avantage. Le nouveau projet se transforme en deux restaurants distincts dans un même lieu : « Vous » au rez-de-chaussée et « Anata » qui signifie Vous en japonais à l’étage. "Dans le même lieu, on a deux offres culinaires, avec deux ambiances, mais tout se passe au comptoir, donc il y a un contact direct avec la clientèle et ça marche".
Vous s’apparente à une extension de Nous avec les grands marqueurs de la cuisine du chef Julien Gatillon : « des plats lisibles et percutants où le goût est au cœur des assiettes ». En cuisine, Jean Pastre, son ex sous-chef au Domaine du Mont d’Arbois où il officiait auparavant, sans qui il ne se serait jamais lancé dans l’aventure de Vous. Ici, 14 places au comptoir en marbre pour voir évoluer le chef seul en cuisine, tandis que Paul Arnaud Martin, directeur de salle, seul également, veille à délivrer une expérience aussi chaleureuse qu’intimiste.
Installé sur la mezzanine, Anata est une ode à la cuisine japonaise avec des plats traditionnels parfaitement maîtrisés. Derrière le comptoir en bois pour 12 personnes, les chefs Keiji Ishii, maître sushis et Yohan Delhommeau, tous deux ont aussi officié aux côtés de Julien Gatillon au restaurant Keito du Domaine du Mont d’Arbois. Ils sont également seuls. Tous les « anciens » collaborateurs sont salariés et associés. "Je leur ai donné des parts parce que je voulais qu'ils se sentent concernés à temps plein par la maison et qu'ils se sentent chez eux quelque part. Et puis arrive un moment, il faut récompenser les hommes", dit Julien Gatillon.
Pour les deux offres culinaires dans un même lieu, Vous et Anata, Julien Gatillon a décidé de "mettre les mêmes prix. Après à nous à jouer au niveau de nos coûts matières, mais c'est plus lisible pour le client. Le soir, il y a un menu à 135 en 5 services, un menu en 7-8 services à 190. Le midi, il peut manger à la carte ou se faire un menu. On a même une formule à 90 euros avec un menu du chef entrée plat-dessert".
Ouverts en décembre 2023 et à l'année à Megève où beaucoup ferment hors saison, Vous et Anata ont un premier bilan très prometteur. "On sort donc de notre première année d'exercice et du coup je signe tout de suite si on fait l'année 2 comme l'année 1. Mais rien n'est gagné. Les gens sont beaucoup sensibles aujourd'hui au rapport qualité-prix. Il faut qu'on se démarque tout en restant accessible. C'est le gros challenge".
Publié par Nadine LEMOINE