Alors que McDonald's a régné presque sans partage sur l'Hexagone jusqu'au début des années 2000, le marché de la restauration rapide a bien changé depuis. “En France, le nombre de points de vente en restauration rapide est passé de 13 000 en 2003 à 51 000 aujourd’hui”, pointe Nicolas Nouchi, directeur Insights de CHD Expert - Datassential. Une explosion qui touche inégalement le territoire. Selon un classement effectué pour les vingt-cinq plus grandes villes françaises par HelloFresh en février 2022, Cergy-Pontoise s’affiche en première position : près d'un restaurant sur cinq y propose de la cuisine rapide. Vient ensuite Amiens avec 15,9 % de fast-foods, suivie de près par Nîmes (14,2 %), Brest (13,4 %) et Saint-Étienne (13,1 %). Grenoble occupe la dernière place du classement, avec seulement 8,2 % de fast-foods parmi tous ses restaurants.
D’après les données de l’Urssaf, les fast-foods sont devenus majoritaires par rapport aux restaurants traditionnels dans la moitié des départements d’Île-de-France : c’est le cas de la Seine-Saint-Denis (58,2 %), du Val-d’Oise (52,8 %), de l’Essonne (51,8 %) et du Val-de-Marne (50,2 %). Dans Paris intra-muros, le nombre de restaurants rapides est passé de 2 981 enseignes en 2011 à 4 473 en 2021. Les restaurants traditionnels parisiens, eux, ont vu leur nombre croître de 8,7% durant la même période : ils représentent encore deux tiers des établissements de la capitale en 2021 (soit 8 652 sur un total de 13 125). Mais dans des arrondissements comme le XIXe et le XXe, la restauration rapide a franchi la barre des 40 %.
41% de la fréquentation de la restauration hors-domicile
Comment expliquer ce boom de la restauration rapide ? Ces établissements correspondent aux évolutions des modes de consommation, en proposant une offre rapide, nomade et accessible. “Il y a un vrai engouement pour le snacking de la part des Français. Certains de ces restaurants ont opéré une montée en gamme avec le fast-casual, avec un concept et des recettes plus travaillées, des paniers moyens plus élevés. C’est le marché le plus adapté pour les autodidactes qui veulent se lancer en restauration. Enfin, il y a l’hybridation des marchés : certains restaurants à table proposent de la vente à emporter et de la livraison, et s’apparentent plus désormais à de la restauration rapide”, observe Nicolas Nouchi.
D’après NPD Group, la restauration rapide représente 41% de la fréquentation de la restauration hors domicile (en comptant également les sandwicheries, les traiteurs et les boulangeries) en 2022, contre 34 % en 2016. L’Hexagone semble offrir un terreau fertile aux acteurs du secteur. Il constitue désormais “le deuxième marché mondial” pour une marque comme McDo “en termes de volume d’affaires et de résultats”, selon Nicolas Nouchi. En 2022, KFC a ainsi battu son record d'ouvertures de restaurants en France avec 25 nouveaux établissements, tandis que son chiffre d'affaires s'est accru de 12 % à périmètre constant. La chaîne devrait même accélérer la cadence avec une trentaine d'autres points de vente prévus cette année. Les grandes chaînes américaines de fast-food (Five Guys, Chipotle, Steak'n Shake, Carl's Jr, Popeyes et bientôt Wendy’s) s’installent les unes après les autres.
Encore du potentiel
Cette ruée vers le snacking n’est pas toujours perçue d’un bon œil, ni par les restaurateurs traditionnels, ni par certains élus. En début d’année, un collectif de riverains du XXe arrondissement de Paris, soutenu par la mairie, s’est d’ailleurs mobilisé contre l’ouverture d’un Burger King sur une place piétonne. Pourtant, pour Nicolas Nouchi, la restauration rapide a encore de beaux jours devant elle : “Il y a encore du potentiel, à travers le développement de la livraison, de la premiumisation et des autres moments de consommation comme le petit déjeuner. Mais il faut répondre aux exigences du consommateur : il recherche de la transparence sur les recettes, l’origine des produits, l’hygiène, les augmentations tarifaires et la philosophie du restaurateur. Il souhaite aussi de la gourmandise et du lâcher prise. Restauration rapide et traditionnelle sont, selon moi, assez complémentaires.”
Publié par Violaine BRISSART