Le choix du Touquet (Pas-de-Calais) n’était pas anodin pour la tenue du congrès annuel de l’Association française des lycées de l'hôtellerie et du tourisme (Aflyht), du 29 au 31 mars derniers. En effet, cette année, les Hauts de France ont obtenu le label Région européenne de la gastronomie, une première en France. Quant à la thématique, ‘Formations et innovations’, elle a permis de donner la parole, dans le cadre d’ateliers, débats et conférences, à des acteurs du territoire, mobilisés pour transmettre autrement. À commencer par Benoît Lengaigne, enseignant-chercheur en sciences économiques, ancien directeur de Sciences Po Lille, responsable du master ‘Boire Manger Vivre’ à Sciences Po Lille. Depuis deux ans, il a intégré dans ce même master plusieurs sessions au sein des lycées hôteliers du Touquet et de Lille. L’idée : “Montrer la pluridisciplinarité des métiers de la cuisine, décloisonner l'enseignement supérieur et l'Éducation nationale, mais aussi rapprocher les grandes écoles et les lycées professionnels”, explique-t-il.
“Deux mondes se rencontrent. Lycéens et étudiants ont réussi à œuvrer de concert, en se nourrissant mutuellement de leur savoir”, commente François Dhalluin, chargé de mission à la mission ingénierie touristique et attractivité de la Région Hauts de France, en charge du projet Hauts de France, région européenne de la gastronomie 2023. Il poursuit : “Les proviseurs doivent comprendre la pertinence de ce type de rapprochement. Cela permet de former des jeunes à la fois à penser, réfléchir, analyser et à maîtriser des gestes techniques.” Cela peut aussi rassurer certains parents hésitants quant au choix d’une filière professionnelle, lorsqu’ils comprennent que celle-ci peut mener jusqu’à un master.
“Allez au bout des choses et soyez curieux”
Dans cette même veine de réflexion sur la transmission et ses évolutions, la conférence ‘Apprendre à désapprendre’ a donné carte blanche au chef étoilé Alexandre Gauthier. Parrain de la démarche qui a permis aux Hauts de France - région dont il est originaire et où il compte désormais cinq restaurants - de décrocher le label Région européenne de la gastronomie, il a d’emblée planté le décor : “J’ai retenu ce que je ne voulais pas devenir chez les chefs pour lesquels j’ai travaillé.” Son message aux jeunes : “Devenez un atout dans une équipe, ne lâchez rien, ayez le goût de l’effort, allez au bout des choses et soyez curieux.” Puis, face à l’auditoire de proviseurs et enseignants, il s’est dit “pour apprendre” en puisant dans les référentiels et “pour désapprendre” en complétant avec la lecture d’ouvrages d’aujourd’hui sur la cuisine d’ailleurs, comme celle des pays nordiques ou encore asiatiques. Enfin, concernant les métiers de la salle, il a rappelé que dans ses établissements, les serveurs “sont les acteurs du moment, au même titre que les cuisiniers”. Ils proposent des glaçons translucides qu’ils ont taillés, concoctent des cocktails, informent sur les vins ou préparent des rince-doigts à partir d’herbes du jardin… De quoi susciter leur créativité, valoriser leur prestation et bannir ainsi le cliché du “porteur d’assiettes”.
“Ce congrès a été un succès, avec 250 participants”, a conclu Valérie Vauthier-Desmaretz, présidente de l’Aflyth. Elle souligne aussi la venue de Michel Lugnier, inspecteur général de l’Éducation nationale. Sans oublier celle de Freddy Zerbib, fondateur de l’association Speak You, instigatrice d’un menu vocal à destination des malvoyants. Car “former et innover”, c’est aussi “inclure”.
Publié par Anne EVEILLARD