“J’ai voulu donner un sens à tout ce que je faisais.” Le chef Jérôme Banctel ne s’en cache pas, la crise sanitaire l’a poussé à changer son interprétation de la cuisine. Des changements qui - au-delà de l’assiette – ont aussi modifié l’organisation du Gabriel, le restaurant du palace parisien La Réserve : diminution du nombre de tables, quelques travaux pour la salle, et remise à plat du service en salle pour plus de naturel, “moins palace, plus dans l’échange”, précise le chef. Désormais, le Gabriel est fermé les week-ends et jours fériés, ainsi que 10 jours en février et en août. “Pour la première fois en vingt ans, j’ai profité du mois de février avec ma famille, confie le chef. Des changements qui nous permettent d’être plus justes, avec une gestion plus simple. Et tout le monde arrive le lundi matin et s’en va le vendredi soir. Je constate qu’aujourd’hui, on ne vient plus dans un établissement pour travailler avec un chef mais pour des conditions de travail.”
Cuisson à la chaux
Mais les évolutions les plus surprenantes sont dans l’assiette. “En 2012, j'ai rencontré un chef à l’occasion de l’ouverture du Mama Shelter à Istanbul. Il m’a servi un potiron cuit dans un sirop grâce à la chaux. C’était intéressant mais trop sucré. J’ai gardé l’idée dans un coin de ma tête. Mais entre l’installation au Gabriel, les 2 étoiles, et le temps de digérer… je ne me suis lancé qu’en 2017”, raconte Jérôme Banctel. Et c’est après de nombreux essais, parce que “rien n’allait” s’amuse-t-il, que les premiers plats cuisinés à la chaux sont servis depuis cette année. Désormais, chaque menu s’ouvre avec un produit travaillé grâce à cette technique. “Je n’avais pas cette culture du végétal servi tout seul. Ce produit était systématiquement lié à poisson ou une viande. Et finalement, petit à petit, j’y suis venu. Je n’aime pas la cuisine qui cache le produit. La carotte, par exemple, je la propose au cœur de l’assiette, travaillée à la chaux, et servie avec une sauce. Cette sauce, comme toutes les autres, est sans beurre, sans crème. On travaille uniquement les restes du produit.”
Il réfléchit désormais à un menu 100 % travaillé à la chaux pour le printemps. “La chaux c’est tout : c’est un moyen de conservation, de cuisson… mais qui ne fonctionne pas pour tous les fruits et légumes. Tout doit être pesé, calibré. C’est à la fois simple et compliqué, parce qu’une fois que l’on a toutes les données, on ne peut pas se rater.” Le chef cherche en parallèle à développer cette technique, avec pour ambition qu’elle soit enseignée dans les écoles hôtelières.
Trois menus uniques
Cette réflexion s’accompagne également d’une nouvelle gestion de la carte. Désormais, Jérôme Banctel propose uniquement trois menus, tous autour du voyage, et plus aucune offre à la carte. “J’ai trouvé que c’était le moment de poser mes origines, mes envies.” Un premier menu en cinq temps est proposé, Escales. Ensuite, le menu Virée, en sept temps, représente les “17 premières années de [sa] vie, avec des souvenirs d’enfance et des produits d’origine bretonne”. Enfin, le menu Périple, en neuf temps, représente plutôt le travail du chef depuis son arrivée à Paris, mêlé à ses souvenirs de voyage.
Après trente ans de carrière, le rêve de Jérôme Banctel d’avoir un jour trois étoiles reste intact. Mais "le Michelin, c’est comme un train. Il s’approche de toi, mais il peut aussi ne pas te récupérer en chemin et continuer à filer”, philosophe le chef, qui garde espoir et confiance dans son travail.
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Publié par Romy CARRERE