Guillaume Gomez : "À l'Élysée, il n'y a pas de carte et pas de routine"

Paris (75) Le chef des cuisines de la présidence de la République depuis 2013 s'investit pour le rayonnement de la gastronomie française à l'international et dans la défense des produits au sein d'Euro-Toques.

Publié le 05 avril 2017 à 13:16

L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Guillaume Gomez : À quatre ans, pour la fête de fin d'année, nous devions nous déguiser avec la tenue du métier que nous rêvions d'exercer. J'étais déguisé en cuisinier. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je ne suis pas d'une famille de cuisiniers. Mais dès la classe de troisième, j'ai opté pour l'apprentissage en cuisine. Mon cousin faisait un stage en salle dans un restaurant parisien, Le Traversière, qui travaillait avec l'EPMT [école de Paris des métiers de la table, NDLR]. Christian Charpigny, professeur de salle, m'a conseillé de suivre un BEP hôtelier où j'allais faire de la cuisine, mais aussi de la salle, de l'oenologie et de l'hébergement. Je ne l'en remercierai jamais assez. Au Traversière, j'ai travaillé avec Johny Benariac, dont la spécialité était le gibier. Nous n'étions que deux en cuisine et on faisait tout, y compris le pain. Au bout de deux ans, il m'a dit que ce serait bien que je me forme au poisson dans une belle maison. Je me suis présenté au culot chez Le Divellec, 2 étoiles Michelin. Nous étions 20 en cuisine. Jacques Le Divellec m'a donné ma chance et m'a permis de progresser rapidement. C'est à lui que je dois mon entrée à l'Élysée quand j'ai dû faire mon service militaire. Il a appelé le chef Joël Normand et cela a si bien fonctionné que j'ai été embauché à l'issue de mon service militaire. Je lui ai demandé si je pouvais me présenter à des concours. Lorsque j'ai gagné la sélection du trophée du jeune chef, toute la brigade s'est mobilisée pour m'aider pour la finale. Je l'ai remportée et j'ai continué sur un rythme de quatre à cinq concours par an afin de progresser. Je rêvais d'être meilleur ouvrier de France. 


Vous avez obtenu le titre de MOF en 2004 à 25 ans, quel souvenir en gardez-vous ?

Sur les différents concours, je rencontrais des MOF qui m'encourageaient à me lancer. C'est ce que j'ai fait. Nous étions 700 à la Sorbonne pour l'épreuve écrite, puis au Touquet pour les éliminatoires. J'étais plutôt détendu, je pensais que je n'avais rien à perdre. J'ai su par la suite que j'avais eu la meilleure note pour la viande. Pour la finale à Toulouse, nous n'étions plus que 48. Nous devions sortir trois plats pour huit personnes en quatre heures trente : une tourte de foie gras de canard en entrée, une longe de porc avec des quenelles de pommes de terre et des millefeuilles de légumes en plat, et des pommes soufflées à la moscovite en dessert. Je m'étais entraîné jour et nuit. Pas question d'avoir des regrets. Le jour de la finale, je voulais prendre des risques afin de montrer que je maîtrisais mon métier. Je voulais étonner. J'ai terminé dans les temps et j'ai attendu les résultats sans savoir quoi en penser, car je ne savais pas ce devait être le niveau d'un meilleur ouvrier de France. Nous avons été 24 à obtenir le titre. Je ne peux pas vous expliquer ce que l'on ressent lorsque l'on reçoit sa veste de MOF des mains de Paul Bocuse et Joël Robuchon. Je n'oublierai jamais les mots de Paul Bocuse : "Tu es le plus jeune MOF. Ne laisse jamais personne te dire que tu ne le mérites pas et sois-en digne !"

 

Comment définiriez-vous votre métier de chef des cuisines de l'Élysée ? Qu'est-ce que cela implique ?

Contrairement aux restaurants, les gens ne viennent pas à l'Élysée pour ma cuisine. Je suis au service du président et de la France. À l'Élysée, il n'y a pas de carte, pas de routine. Nous pouvons préparer un dîner d'État pour 400 couverts comme le dîner du président pour lui seul. Il faut aussi s'occuper des tables des conseillers, des cocktails, du fret aérien pour les déplacements du Président, ou encore les plateaux-repas et les sandwichs du personnel lorsqu'ils ne peuvent se rendre au restaurant d'entreprise… Avec ces différentes prestations, il nous faut un personnel polyvalent et autonome, car chacun change de poste chaque semaine. On doit savoir tout faire. Travailler ici, c'est formateur. 

 

Comment se passent les embauches à l'Élysée ?

Outre les salariés en CDI, qui peuvent avoir envie de vivre une autre aventure et que nous remplaçons, tous les commis sont en CDD. Ils sont deux en cuisine et un en pâtisserie. J'y tiens car cela fait un roulement tous les deux ou trois ans. Bien sûr, nous les aidons à trouver un poste à l'issue de cette période où ils ont beaucoup appris. Je fais en sorte de prendre des jeunes qui viennent de toute la France. En plus, nous accueillons 300 stagiaires chaque année, pour une durée d'une journée à trois mois. 

 

Votre grand plat classique favori ?

La blanquette de veau, pour le goût et la convivialité. 

 

Votre plat préféré à votre carte ?


L'une de nos spécialités, la pomme moulée Élysée, style pomme Anna. 

 

Votre plus grand souvenir au restaurant ?

Le dernier en date, c'est l'aïoli de Christophe Bacquié [Restaurant Christophe Bacquié au Castellet, 2 étoiles Michelin, NDLR].

 

Au restaurant, en tant que client, sur quoi se porte votre attention ?

La convivialité, le service et la cohérence prix-plaisir. 

 

Ce qui vous agace le plus ?

Le manque de professionnalisme. Quand on ne respecte pas le client, avec un mauvais accueil, du pain dur, un mauvais plat...

 

Vos projets, vos espoirs ?


La continuité, faire toujours reconnaître l'excellence de cette maison, s'investir dans l'association pour fédérer le métier, défendre les produits avec Michel Roth à Euro-Toques, participer à des semaines gastronomiques à l'étranger pour faire rayonner la cuisine française. Je tiens aussi beaucoup à mes engagements pour soutenir des causes, comme les chefs solidaires pour le Sidaction ou le concours l'Assiette Gourm'Hand, par exemple. Si en utilisant ma petite notoriété, cela peut aider, c'est bien. 

 

Le secret de la réussite ?

Le travail. Quand je rencontre des jeunes, je leur dis : le travail, c'est ce qui fera votre vie d'homme dans dix ou vingt ans. Assumez vos choix ! Ce n'est pas grave de faire des erreurs, mais assumez-les ! Il faut y croire !



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Publié par Nadine LEMOINE



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