Jérôme Banctel (Le Gabriel, La Réserve Paris) : "J'ai été son chef au Senderens, de 2006 à 2013. C'était un Monsieur. D'ailleurs, on l'appelait Monsieur et pas chef. Pour moi, c'était le plus grand goûteur : avec lui, les essais commençaient à 9 heures du matin et duraient qu'à 17 heures. Il avait beaucoup d'idées, de créativité. Il pouvait aussi bien faire du gastronomique qu'imaginer une carte pour le Mama Shelter… Il avait du caractère, du charisme, de la personnalité. Avec lui, pas de langue de bois : il disait tout. Il pouvait s'opposer à quelqu'un, puis juste après l'appeler 'mon chéri'… C'était aussi un puits de connaissances : alors qu'il avait déjà ses trois étoiles, il a suivi des cours pour tout apprendre sur les vins. La semaine prochaine, je vais proposer un menu Senderens au Gabriel, avec canard Apicius, homard à la vanille et dacquoise."
Julien Dumas (Lucas Carton) : "En arrivant comme sous-chef au Lucas Carton, j'ai travaillé près d'un an avec Alain Senderens. Je me souviens des séances de dégustation. L'homme était généreux, gourmand, gastronome et épicurien. Il était beaucoup dans la transmission, dans l'affectif aussi. Dans la brigade, on était ses 'petits chéris'… Dans ma pratique quotidienne, j'ai gardé certains réflexes acquis à ses côtés. Comme cibler ma cuisine sur le goût, mêler la simplicité dans la complexité, continuer les accords mets et vins et puis toujours prendre le temps de goûter."
Nicolas Sale (Ritz, Paris) : "Mon premier repas dans un grand restaurant, je l'ai fait en 1992 au Lucas Carton. Je me souviens encore du menu : foie gras au chou, homard à la vanille, canard Apicius et millefeuille vanille. Toute la magie de Monsieur Senderens était là : savoir transmettre de l'émotion à travers ses plats. J'aimerais beaucoup que vingt-cinq ans après, un client se souvienne de ce qu'il a mangé chez moi ! Ce repas au Lucas Carton est celui qui m'a donné envie de côtoyer les grands noms de la cuisine. J'y ai d'ailleurs travaillé de 1993 à 1995, aux côtés de BertrandGuéneron. Ce type d'expérience, ce sont des moments précieux qui donnent le ton de ce que l'on fait aujourd'hui. D'ailleurs dans la brigade de l'époque, qui comptait une quinzaine de personnes, la majorité d'entre elles sont aujourd'hui des chefs étoilés. Pour ma part, je cite souvent Monsieur Senderens en référence à mes équipes. Car il fait partie de l'histoire de la gastronomie française : il a été le précurseur des accords mets et vins. On lui doit aussi sa méthodologie analytique des plats, qu'il appliquait dès les années 1980. Tant qu'il n'atteignait pas l'accord parfait, il recommençait… Il ne restait jamais sur ses acquis et ceux qui ont travaillé avec lui ont gardé en eux cette remise en question au quotidien."
Christopher Hache (Les Ambassadeurs, Hôtel de Crillon), sur sa page Facebook : "Cher Monsieur Senderens, ou plutôt Monsieur comme nous vous appelions. Un des plus grands visionnaires de la cuisine française ! Vous allez nous manquer."
Christian Le Squer (Le Cinq, Four Seasons George V), sur sa page Facebook : « C'était un ami, un mentor, un homme qui comptait dans ma vie. Il est mort et j'ai encore du mal à y croire. Il s'appelait Alain Senderens. C'était un grand, un très grand cuisinier. J'ai travaillé pendant deux ans à ses côtés, au Lucas Carton. Il m'a appris la créativité. Il m'a appris ce que signifiaient vraiment les trois étoiles. Il faisait lui-même son pain. À une époque où ce n'était pas du tout à la mode. Je fais moi-même mon pain aujourd'hui. Nous avons fait pratiquement la même photo, avec le même photographe - Stéphane de Bourgies -. Cette coïncidence m'a fait plaisir. Maintenant, c'est à moi de transmettre. J'espère le faire aussi bien. J'espère vraiment le faire aussi bien."
Pierre Sang Boyer , sur son compte Instagram : "RIP (Requiescat in pace) #mentor# #legend#"
Joël Robuchon, sur son compte Instagram : "La gastronomie française a perdu un grand professionnel et nous avons perdu un ami. Une pensée affectueuse pour ses proches. RIP Alain Senderens."
Publié par Anne EVEILLARD