Si les classiques en dessert persistent sur les cartes des restaurants, c’est d’abord parce qu’ils répondent à une demande de la clientèle. “D’une manière générale, en France, nous sommes trois fois plus plat-dessert que la moyenne européenne, nous aimons terminer par du sucré”, observe Bernard Boutboul, président de Gira Conseil. Et en la matière, les Français sont plus que classiques dans leurs choix. “80 % des desserts sont soit au chocolat soit avec du fruit ou du lacté, ajoute Bernard Boutboul. S’il n’y a pas un de ces trois ingrédients, le dessert a peu de chances de se vendre.”
Mousses au chocolat et tiramisu en tête
Ainsi, à la Brasserie Madeleine de Tours (Indre-et-Loire), la mousse au chocolat, le tiramisu, le pain perdu et la crème brûlée sont toujours les plus demandés parmi les 10 desserts maisons proposés à la carte. Céline Fernandes, directrice de l’établissement qui brasse entre 400 et 1 000 couverts par jour, remarque que la mousse au chocolat et le tiramisu représentent constamment les plus gros débits, préparés par quantités de 50 à 100 chaque jour. Avec une présentation simple, dans un pot Le Parfait pour la mousse au chocolat. La préparation en amont mobilise deux pâtissiers à temps plein. La clientèle classique ne dévie pas. “Nous avons une clientèle qui aime les basiques. Lorsque nous changeons, cela ne fonctionne pas. Nous avions mis à la carte un carpaccio d’ananas avec des bouts de passion et nous n’en avons pas beaucoup vendu. Une tarte tatin dénaturée, ça ne prend pas non plus.” Les classiques sont toutefois parfois revisités comme la tarte au citron mais la Brasserie Madeleine ne s’aventure pas souvent en terres inconnues.
À Chartres (Eure-et-Loir), lorsque Thomas Parnaud est arrivé dans les cuisines du Georges, restaurant étoilé du Grand Monarque, il a senti le poids de la tradition. “On ne peut pas arriver dans ce genre d’établissement, inscrit au Michelin depuis 1900, et faire n’importe quoi. Je me suis posé le sens d’une cuisine trop avant-gardiste. Je me suis intéressé au patrimoine culturel et gastronomique local car il y a toujours une base de tradition dans ce que l’on fait.” Au Georges, le dessert emblématique de la maison était depuis des décennies le soufflé au Grand Marnier, encensé par les guides et la clientèle. “Je me suis attaqué à ce dessert qui était dans une forme traditionnelle, en le désucrant au maximum, en travaillant la cuvée centenaire du Grand Marnier, plus aromatique et prestigieuse. Sur le dessus du soufflé, j’ai apporté de la poudre de thé bleu de Chartres qui vient casser la sucrosité et amener de la fraîcheur et un côté floral. En fait, on a gardé la recette de base en l’améliorant dans les détails et en la présentant dans des contenants plus petits.”
Goût identifiable et présentation photogénique
Cette réflexion de rester sur des bases tout en apportant de la modernité anime également Maxime Maniez, le chef pâtissier de Fleur de Loire à Blois (Loiret). “On reste sur les produits où les gens se repèrent, ne se questionnent pas et reviennent avec la cuillère tout en poussant la finesse et le travail dans l’assiette.” Dans le restaurant bistronomique Amour Blanc, il propose les classiques île flottante et pain perdu, indémodables. Au restaurant 2 étoiles de Christophe Hay, les desserts à la carte sont plus recherchés dans le dressage et le travail sur les cuissons, infusions, extractions, répondant à une attente de la clientèle pour le haut de gamme : “Un effet de surprise sur le goût tout en restant identifiable”, souligne Maxime Maniez. À Fleur de Loire, les soufflés recontrent notamment le succès, comme le soufflé châtaigne et champignon l’automne, ou au printemps, le soufflé au miel-persil présenté avec un sorbet persil, menthe, épinard. Un classique bon marché de surcroît.
Enfin, un autre élément s'ajoute aujourd’hui dans le succès des classiques : leur présentation prête à être photographiée avec son téléphone. Selon l’expert Bernard Boutboul, “ce côté instagrammable est devenu essentiel ces dernières années. La tarte au citron est pourvue d’une grosse couche de meringue. La pavlova est en train de monter, non pas pour son goût mais parce qu’elle a un super look.” En définitive, les classiques en dessert ont de beaux jours devant eux, pourvu qu’ils soient reconnaissables, photogéniques, et bons bien sûr.
Publié par Aurélie DUNOUAU