Damon Biggins : "Chipotle allie la rapidité à la qualité"

L'Hôtellerie Restauration : Avec 1223 restaurants, la marque américaine Chipotle est principalement implantée aux États-Unis et au Canada. Pourquoi avoir fait le choix d'ouvrir une première boutique le 24 mai dernier en France ?

Damon Biggins : Le p.d.-g et fondateur de Chipotle Steve Ells aime beaucoup la France, et a toujours eu le souhait de s'y implanter. En attendant le moment propice, il préférait développer correctement la marque (créée en 1993) aux États-Unis et Canada, avant d'ajouter un autre marché. Les Français ont changé de mentalité ces dix dernières années et ils recherchent une nourriture saine et équilibré pour un prix raisonnable. Quand on regarde du côté de la restauration rapide, il existe d'une part Quick et McDonald's, et de l'autre toutes les chaines émergentes - telles Exki et Cojean - misant sur le bon et bio. Il n'y avait pas d'entre-deux. Chipotle est dorénavant l'intermédiaire, et allie la rapidité à la qualité. Dans fast-food, le problème n'est pas la rapidité ('fast'), mais la nourriture ('food') : il faut pouvoir conjuguer les deux. C'est en tout cas l'ADN de notre enseigne.

La marque met en avant le slogan "Food with integrity" (nourriture intègre) sur ses cartes, avec pour objectif d'utiliser uniquement des produits locaux. Comment procédez-vous pour les achats ?

On s'adapte au pays. À mon arrivée à Paris en 2011, je suis allé directement au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour avoir des renseignements sur les signes d'identification de la qualité et de l'origine des produits en France (Label rouge, AOC, etc.). Puis, j'ai commencé mon tour de France avec des visites chez les fermiers. Le but ? Comprendre le travail de l'agriculteur et savoir comment il élève ses animaux. Si c'est sale, sans espace, et que la bête est stressée, je bannis tout de suite. Je veux être sûr de la qualité. À la carte, on retrouve du poulet fermier d'Ancenis Label rouge, du boeuf charolais AOC Label rouge, du porc élevé en plein air, etc. Après un mois d'ouverture, on écoule, par semaine, environ 300 kg de poulet et 150 kg de boeuf.

Est-ce que vous avez adapté Chipotle au marché Français ?

Outre les produits locaux, non pas du tout ! C'est bien la même carte que le Canada ou les États-Unis : on ne propose toujours pas de desserts, ni de cafés, car on veut une qualité irréprochable et on ne peut pas être bon dans tous les domaines… Les boissons restent inchangées : Dr Pepper (soda canadien à la cerise), quatre bières mexicaines, des eaux et du vin (spécifique à la France). Au niveau de la superficie, on est flexible, tout dépend du quartier : à Paris, l'établissement fait 400 m2 sur 3 niveaux (80 places assises) ; à Londres, seulement 250 m2 (50 places).

Avec une seule caisse et un seul comptoir, quelle est l'organisation pour gagner en rapidité de service ?

Vingt-trois personnes travaillent chez Chipotle à Paris (60 000 au total). Chacun a un poste bien défini : caisse, préparation, grill, tortilla et salsa. Les tâches sont très rythmées pour gagner en efficacité, et éviter de se 'marcher dessus'. On sert environ 500 clients par jour, de 11 h à 22 h. Un client reste environ 45 minutes chez Chipotle. L'après-midi reste calme (de 15 h à 18 h), car les Français ne sont pas habitués à manger à toute heure, comme peuvent le faire les Américains.

Et côté prix ?

Que ce soit le burrito, le taco, la salade ou l'assiette, tout est à 9 €. À cela, on rajoute des extras (boissons 2 €, chips et/ou guacamole 2,50 €). Le ticket moyen se situe entre 12 et 15 €. Certes, c'est plus cher, mais on privilégie la qualité (viandes AOC, Label rouge).

Quels sont les prochains projets de Chipotle ?

Avec 15 000 visites en moins d'un mois, cette première ouverture-test est réussie pour le marché français. Une deuxième est déjà en projet sur le parvis de la Défense pour le premier semestre 2013. Chipotle va également ouvrir sa première boutique en Allemagne l'année prochaine.