Comment réenchanter votre entreprise, pour vos clients, pour vos salariés, pour vous ?

Transformer l'organisation du travail dans son entreprise, libérer le potentiel des salariés... Olivier Milinaire, codirecteur de L'Hôtellerie Restauration, avec la participation d'Isaac Getz, auteur de L'Entreprise libérée, répondent aux questions qu'une telle transformation soulève. Troisième partie de la série de questions-réponses.

Publié le 13 décembre 2021 à 18:51

L’Hôtellerie Restauration : Transformer l’organisation du travail dans son entreprise, ce n’est pas le moment, non ? De nombreux hôtels-restaurants luttent pour leur survie.

Détrompez-vous. La crise remet en avant la solidarité. Eh bien, dans les entreprises libérées, l’ensemble des collaborateurs cherche des solutions. Et elles viennent également du terrain, pour faire des économies ou trouver d’autres sources de chiffre d’affaires. Mais à une condition : il faut que vos collaborateurs en aient envie. Donc au contraire, c’est le moment de créer un environnement de travail qui donne à tous l’envie de donner le meilleur d’eux-mêmes !

Après les besoins d’égalité intrinsèque et de réalisation de soi , le troisième besoin des salariés auquel l’entreprise doit répondre est le besoin d’auto-direction.

Les entreprises traditionnelles ne laissent pas à leurs salariés le droit à l’erreur - je préfère dire le droit à l’essai. Le salarié ne s’implique pas. Sa créativité - sa capacité à générer des solutions à des problèmes ou à saisir des opportunités - en pâtit. Tout problème devient une ‘patate chaude’. Comme me l’a dit un étranger francophone habitué de nos restaurants, lorsqu’il formule des demandes, la réponse des serveurs est “Le problème est que…”, plutôt que “Ma solution est de…” Donnez à votre salarié la vision de l’entreprise (qui implique nécessairement le bonheur du client) et laissez-le se débrouiller, trouver les solutions pour réaliser cette vision. Vous verrez qu’il trouvera des pistes d’amélioration ou créatives dans les process ou dans l’offre commerciale auxquelles vous n’aviez pas pensé.

Et, oui, cela suppose que vous acceptiez de vous mettre en retrait. C’est-à-dire ne pas briller, ne pas répondre aux demandes de vos salariés qu’ils vous adressent par peur d’entreprendre ou par peur de votre sanction en cas d’échec. Mais mettre son intelligence de côté et laisser vos salariés prendre des initiatives fait progresser l’entreprise. Préférez-vous que votre salarié dise au client “Je vais tout faire pour trouver la solution” ou bien “Je ne peux rien car le chef n’est pas là” ? En résumé, le leader libérateur fait un travail sur lui-même pour s’effacer graduellement au bénéfice de ses salariés qu’il a aidés à gagner en compétences et a laissés agir. Ainsi, ils créeront davantage de valeur. C’est pour cela que l’entreprise ainsi libérée fonctionne mieux. 

 

Les chefs d’entreprise sont prêts à croire que les salariés ont besoin d’égalité intrinsèque, de réalisation de soi et d’auto-direction, mais qu’est-ce qui leur dit que les salariés vont jouer le jeu ?

Je comprends votre question. Vous vous dites : “Je remplis ma partie du contrat de confiance, je l’accorde. Mais qu’est-ce qui me garantit que les salariés remplissent eux-aussi leur partie du contrat de confiance, qu’ils souhaitent assumer la responsabilité qui va avec ?”  En effet, l’entreprise est bordée par deux valeurs : la responsabilité et la liberté, qui vont de pair. Sans responsabilité, la liberté est une anarchie et sans liberté, la responsabilité est une chimère. Donc pour répondre à votre question, les équipiers d’une entreprise libérée jouent le jeu parce qu’ils ont la responsabilité de faire de leur mieux pour réaliser la vision-rêve de l’entreprise.

Et être responsable du résultat de son activité suppose, d’une part, qu’on soit responsable de la façon de l’accomplir - quelle action entreprendre - et, d’autre part, qu’on dispose des moyens, des conditions de travail, des horaires, des compétences et des informations, y compris financières, dont on a besoin pour bien faire. Et puisqu’ils partagent la vision commune, les équipiers disposent des critères pour décider des actions les plus à même de réaliser cette vision. Si un collaborateur refuse la confiance et donc la responsabilité qui va avec elle, il ne faut pas le forcer, puis il faut essayer de voir avec lui ce qui l’empêche de l’assumer, puis travailler là-dessus.

 

Donc pour résumer peut-on dire que dans une entreprise libérée, liberté + responsabilité => bonheur =>  performance ?

Oui, la liberté d’initiative (grâce à la confiance) et la responsabilité conduisent au fait que le collaborateur vient au travail non pas par obligation, mais par envie. Il y est heureux. Ce qui est étonnant - mais aussi de bon sens -, c’est que si les salariés sont heureux et ont les moyens nécessaires, ils ont envie de donner le meilleur d’eux-mêmes pour réaliser la vision de l’entreprise. Par conséquent, par rapport aux  entreprises concurrentes, où les collaborateurs vont travailler à reculons, une entreprise libérée aura des résultats bien supérieurs. Donc pour résumer, si le dirigeant ne se focalise pas sur les résultats mais, d’un côté, partage une vision-rêve et, de l’autre, donne à ses collaborateurs la liberté et la responsabilité d’action, ceux-ci seront heureux et plus performants, et avec eux, l’entreprise aussi.

 

Pourtant, certains salariés pensent que le travail - même dans une entreprise libérée - ne peut pas être associé au bonheur?

Détrompez-vous. Selon Gallup, 6 % des salariés vont au travail non pas par obligation mais par envie. C’est trop peu mais ce n’est pas nul. Ils donnent le meilleur d’eux-mêmes pour leur entreprise car ils sont heureux. Le monde associatif et le bénévolat attirent. Sans doute parce que ces organisations n’ont pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour mettre en avant le sens de l’action de leurs collaborateurs. Les entreprises ne le pensent pas mais elles peuvent en faire autant et mettre en avant leur contribution à la société. En effet, chaque entreprise rend un service à la société. J’en parle dans mon dernier livre L’Entreprise altruiste. Les entreprises de restauration et hôtelières ne reçoivent-elles pas des ‘love letters’, du genre : “Merci ! On a passé un moment exquis dans votre établissement” ? Les restaurants et les hôtels sont bien placés pour parler du sens à leurs salariés : se nourrir, se loger, se divertir, passer un moment convivial, voire unique... Les jeunes générations réclament plus de sens dans leur vie professionnelle pour que, justement, ils puissent venir au travail par envie, pas par obligation, et s’y sentir heureux.

 

Isaac Getz entreprise Management quiz


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Publié par Olivier MILINAIRE



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