Sylvain Gautier a créé une épicerie-restaurant dans sa maison de Seine-et-Marne.
Sa première étoile, Christian Plumail l'a décrochée à 26
ans. Près de trente ans plus tard, l'ancien chef du restaurant niçois L'Univers
tourne la page. "J'avais
fait le tour de la question. Je faisais de moins en moins de cuisine et de plus
en plus d'administratif", confie-t-il. Aussi
décide-t-il de créer une table d'hôtes atypique dans son propre appartement,
dès 2015.
"C'est
une dégustation démonstration, entre la table d'hôtes et le cours de cuisine.
Les gens participent, mettent la main à la pâte, et j'explique l'histoire du
menu au fur et à mesure. C'est très enrichissant de part et d'autre", poursuit-il. Pour "éviter la routine",
le chef propose uniquement deux dates par semaine, pour huit ou dix convives.
Au programme : des dîners thématiques (par exemple autour de la truffe, de
la cuisine niçoise), sur mesure ou carte blanche.
À la table de Christian
Plumail, le tutoiement est de rigueur. Les convives peuvent repartir avec une
vidéo de leur soirée. Parfois, des personnalités sont même invitées à
participer, "dans
l'esprit de l'émission de Thierry Ardisson, 93 faubourg Saint-Honoré". Le succès a été immédiat. "J'ai beaucoup d'anciens habitués. J'avais un
gros réseau après tant d'années à mon compte",
admet-il.
Mais l'aventure n'est pas si facile. "Cela suppose de gros investissements pour
l'équipement, une police d'assurance en cas de souci… Quand on est seul en
cuisine, cela demande beaucoup de travail en amont pour préparer les
amuse-bouche, une entrée, un poisson, une viande, des fromages, un pré-dessert
et un dessert. Il faut être bien organisé, savoir gérer le relationnel, être
avenant, disponible, faire participer les clients, mener tout ça de front sans
courir ni être stressé. Ça ne s'improvise pas",
juge le chef, qui se fait d'ailleurs aider par son épouse pour le service.
"Plus d'humain, plus d'échanges"
De son côté, Sébastien Richard a lancé en juillet
dernier Le Panier de Sébastien, sa table d'hôtes marseillaise. Après vingt années
aux manettes de La Table de Sébastien à Istres (1 étoile Michelin), le chef
commençait à "tourner
en rond". "Je voulais voir le métier différemment,
avoir des échanges avec les clients",
glisse-t-il. Le chef ouvre les portes de son loft quatre à cinq fois par mois,
pour des dîners intimistes de huit couverts maximum.
À cette occasion,
Sébastien Richard imagine des menus surprise (180 € par personne, boissons
comprises), "du
sur mesure dans un esprit végétal iodé". Les
règles de la maison ? "Je donne rendez-vous aux hôtes dans le quartier du Panier, et après une
petite balade, je les emmène chez moi. Sur place, aucune photo n'est permise", rappelle-t-il.
La demande est là,
affirment les deux professionnels. "Je pense que les gens en ont marre des
restaurants purs et durs. Aujourd'hui, ils veulent autre chose. La table
d'hôtes chez un chef, c'est dans le sillage des dîners clandestins. Les gens
veulent plus d'humain, plus d'échanges, plus d'expérience", estime Christian Plumail. Et Sébastien Richard
d'ajouter : "Tous mes amis chefs ont envie de faire ça !".
Mais tous deux s'accordent pour décourager les amateurs (professionnalisme,
rigueur et hygiène sont de mise), et garder le côté exceptionnel de la table
d'hôtes. "On
peut en vivre, mais avec un service tous les jours, on risque de retomber dans
un système de restauration. Et la lassitude entre alors en ligne de compte. Il
faut que ça reste un plaisir", déclare le
Marseillais d'adoption. C'est pourquoi les deux chefs ont préféré mettre
plusieurs cordes à leur arc : en parallèle, Christian Plumail navigue
entre son poste de chef à mi-temps pour le Yacht Club de Monaco et une émission
de radio bihebdomadaire, tandis que Sébastien Richard jongle entre ses missions
de consulting et sa place de chef privé auprès de la direction de l'armateur
CMA-CGM.
jeudi 12 avril 2018