Retour d'expérience : J'étais journaliste et je suis devenu restaurateur

Chroniqueur ou critique gastronomique, auteur de livres de recettes, ils sont quelques uns à traverser le miroir et à quitter leur vie de gourmand pour devenir acteur de la restauration.

Publié le 13 avril 2016 à 12:36


Le métier les faisait rêver, les difficultés semblaient surmontables, les produits n'avaient plus de secrets pour eux : trois journalistes nous font part de leurs premiers pas dans la restauration. "Ouvrir un bar à vins, ça a toujours été un rêve et ça faisait longtemps qu'on avait envie de partir de Paris", explique François Lemarié, journaliste gastronomique pendant dix ans (Version Femina, Le Fooding). Avec son épouse, Fanny, ils ont tout quitté pour Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). "J'avais constaté que les meilleurs produits étaient sous-représentés dans la restauration simple et ici, il n'y a qu'à se baisser pour les ramasser."

Le couple se fait conseiller par des amis, Yves Camdeborde, David Lanher, Camille Fourmont, ("la profession était derrière nous, bienveillante") et s'inspire d'un bar à conserves de Lisbonne. Le 7 juillet, ils ouvrent Chéri Bibi-la Conserverie dans un quartier en pleine mutation. Lui est en salle : "C'est valorisant, je découvre cette dimension de faire plaisir, de sentir ce dont les clients ont envie, un peu comme un DJ qui met le bon morceau." Fanny est en cuisine, à la mise en place des condiments, des pans bagnats et des desserts.

Après deux mois d'été et d'intense activité, François Lemarié avoue ressentir un peu de mélancolie, l'envie d'écrire des chroniques se fait parfois sentir. "C'est un sacré métier, avec beaucoup de paramètres que l'on ne peut pas soupçonner avant. Ce qui est ingrat, c'est de tout préparer le matin, de faire zéro couvert et de jeter. Il y a aussi la paperasse, les travaux, c'est une grosse machinerie et un métier dur physiquement. Les premiers jours, j'ai eu des douleurs que je n'avais jamais ressenties." Mais le restaurateur reste confiant : "C'est normal, tout est nouveau. Dans un ou deux ans, ce sera sûrement plus facile. Et puis, chacune matin, prendre son café face à la mer, voir ses enfants dans cet environnement, c'est ce que l'on voulait. C'est un projet de vie."



"Le plus dur, c'est de ne pas dormir"

Journaliste dans le domaine de l'environnement, puis de la gastronomie (Guide Pudlowski Paris, Elle à Table), Nathaly Ianniello met un terme à sa vie de pigiste il y a dix ans : "Je voulais m'arrêter en étant encore heureuse de faire ce métier." Elle passe quelques mois dans les cuisines d'Alain Passard et d'Hélène Darroze, puis se décide à ouvrir son école, Esprit cuisine, où ses cours sont axés sur la connaissance des produits. Parallèlement, elle écrit une vingtaine de livres de recettes. "Au moment où je vois poindre la cinquantaine, je me dis que ce n'est pas raisonnable d'entamer une troisième vie professionnelle. Et pourtant j'y vais !"

Avec son associée, elle inaugure Nana (Paris, XIe) le 24 août dernier, un lieu ouvert du petit-déjeuner à plusieurs dîners par semaine. "J'ai créé quatre emplois, j'en suis très fière", ajoute Nathaly Ianniello qui travaille 18 heures par jour : "Le plus dur, c'est le rythme et de ne pas dormir, avoue-t-elle, tout en reconnaissant s'amuser : Quand j'écrivais des livres, je devais répondre à un cahier des charges. Avec mes élèves, il y avait aussi des contraintes entre ce qu'ils voulaient apprendre et ce que je pensais utile. Ici, je fais la cuisine dont j'ai envie, je me sens libre. Autour des produits français et de saison, la chef cuisine daube de sanglier, pintade, lapin à la moutarde revisité, avec feuilles et graines de moutarde et citron ("Les clients sont contents") et des plats "plus rock and roll".



"Une drogue bienfaisante"

Auteur, chroniqueur, animateur de l'émission On ne parle pas la bouche pleine sur France Culture et créateur de la scène artisan à Omnivore, Bruno Verjus a toujours travaillé à la mise en valeur des produits et du "beau travail" des artisans. Ses connaissances, il a voulu les partager autrement : "Plutôt que de raconter tout ça, le plus efficace, c'est de faire manger les gens", sourit-il.

En 2013, il conçoit son restaurant Table (Paris, XIIe) comme "un mangeur", avec le plus de cohérence et de transparence possible entre la salle et la cuisine, qui sont seulement séparées par un comptoir. Mais les débuts sont compliqués, les collaborateurs difficiles à trouver et les journalistes aux aguets. Certains chefs que le journaliste a toujours soutenus lui font comprendre qu'ils désapprouvent ce changement, "Il y avait une frontière que je n'avais pas le droit de franchir, des prix que je n'avais pas le droit d'afficher."

Bruno Verjus suit une préparation physique et mentale : "Ma vie devient le restaurant et non le contraire. Un restaurant, c'est donner une expérience unique, extraordinaire. C'est du même ordre que la scène, une drogue bienfaisante et un retour humain que je n'avais pas soupçonné. Les gens nous le rendent au centuple. Quand je ne suis pas là, je suis malheureux." Aujourd'hui, les candidats de tous horizons se pressent, le chef est heureux et sa vision du métier a évolué : "J'ai acquis une conscience aigue de l'extrême exigence du métier quand on veut le faire bien."


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Publié par Caroline MIGNOT



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