L'Hôtellerie Restauration : Si la profession peine à recruter aujourd'hui, c’est, selon vous, à cause des formations. Pourquoi ?
Alexandre Panza : D’après une étude Fafih de 2017, 42,5 % des alternants en restauration ont rompu un contrat, et un quart ont abandonné le dispositif. Il y a de nombreuses causes à ces abandons. Il y a un grand écart entre ce que les jeunes voient dans les émissions culinaires télévisées et la pénibilité du métier, ses horaires contraignants. Dans les formations de type CAP, les contenus n’ont pas évolué depuis quarante ans, alors que la restauration, elle, change énormément. Côté enseignement, il faut transmettre sa passion et savoir donner du sens à nos métiers. S’il s’agit juste de reproduire des techniques, sans même aborder la notion d’écoresponsabilité, le sens est vite perdu. Enfin, les stages peuvent faire déchanter les élèves quand ces derniers découvrent des cuisines au fonctionnement encore militaire, hiérarchisé, sexiste…
Vous avez créé une école de restauration novatrice, La Source. Quelles sont ses spécificités ?
Nos élèves sont très sensibles à notre dimension écoresponsable : nos approvisionnements se font si possible en circuit court et en biodynamie, on mesure l’impact carbone de l’assiette, on cherche à travailler les céréales et les légumes, plutôt que les protéines animales. On va faire de la pâtisserie végétale, de la fermentation... Notre restaurant d’application possède d’ailleurs deux macarons du label Ecotable. À La Source, il y a 50 % de mise en application, et 50 % de théorie. Le restaurant d’application joue un rôle central. Nous souhaitons créer un environnement d’apprentissage galvanisant, avec un vrai échange entre les professeurs et les élèves. Nous proposons des cours d’entrepreneuriat - 30 % de nos élèves veulent ouvrir un restaurant -, et nous travaillons aussi différents formats, car tout le monde ne se destine pas à la gastronomie. Quant aux stages, nous avons sélectionné plus de 200 restaurants aux environnements épanouissants, qui partagent nos valeurs, afin de motiver nos élèves. Un des prérequis est que, durant leur stage, les élèves aient des missions polyvalentes, plutôt que de faire des tâches répétitives pendant des mois…
Dans l’enseignement actuel, qu’est-ce qui pourrait être changé afin d’attirer les jeunes candidats ?
Il faudrait réformer le CAP, trop long et trop technique. Les lycées hôteliers forment leurs élèves à la gastronomie, mais peu d’entre eux travaillent finalement dans des restaurants étoilés. Il faudrait aussi promouvoir des apprentissages plus actifs dans lesquels les professeurs sont plutôt des coachs, et mettre l’accent sur le savoir-être, le sens de ces métiers et un management bienveillant pour les restaurateurs de demain. Les restaurants d’application pourraient être revalorisés en les confiant plus aux élèves : ce serait un moyen pour eux de gagner en autonomie et de s’exprimer. Enfin, en parallèle, les chefs influents pourraient valoriser ces métiers et l’engagement pour une restauration plus durable : cela redonnerait un sens à ces professions et les rendrait plus attractives.
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Publié par Violaine BRISSART